8 Sous l'empire de la chair on ne peut plaire à
Dieu.
9 Or vous, vous n'êtes pas sous
l'empire de la chair, mais de l'Esprit, puisque l'Esprit de Dieu habite en
vous. Si quelqu'un n'a pas l'Esprit du Christ, il ne lui appartient pas.
10 Si Christ est en vous, votre
corps, il est vrai, est voué à la mort à cause du péché, mais l'Esprit est
votre vie à cause de la justice.
11 Et si l'Esprit de celui qui a
ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus
Christ d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son
Esprit qui habite en vous.
12 Ainsi donc, frères, nous avons
une dette, mais non envers la chair pour devoir vivre de façon charnelle.
13 Car si vous vivez de façon
charnelle, vous mourrez; mais si, par l'Esprit, vous faites mourir votre
comportement charnel, vous vivrez.
14 En effet, ceux-là sont fils de
Dieu qui sont conduits par l'Esprit de Dieu:
15 vous n'avez pas reçu un esprit
qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de
vous des fils adoptifs et par lequel nous crions: Abba, Père.
16 Cet Esprit lui-même atteste à
notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.
17 Enfants, et donc héritiers:
héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque, ayant part à ses
souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire.
Actes 2
1 Quand le jour de la
Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble.
2 Tout à coup il y eut un bruit qui
venait du ciel comme le souffle d'un violent coup de vent: la maison où ils se
tenaient en fut toute remplie;
3 alors leur apparurent comme des
langues de feu qui se partageaient et il s'en posa sur chacun d'eux.
4 Ils furent tous remplis d'Esprit
Saint et se mirent à parler d'autres langues, comme l'Esprit leur donnait de
s'exprimer.
5 Or, à Jérusalem, résidaient des
Juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel.
6 À la rumeur qui se répandait, la
foule se rassembla et se trouvait en plein désarroi, car chacun les entendait
parler sa propre langue.
7 Déconcertés, émerveillés, ils
disaient: «Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens?
8 Comment se fait-il que chacun de
nous les entende dans sa langue maternelle?
9 Parthes, Mèdes et Elamites,
habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de
l'Asie,
10 de la Phrygie et de la
Pamphylie, de l'Égypte et de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en résidence
ici,
11 tous, tant Juifs que prosélytes,
Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles
de Dieu.»
Jean 14
15 «Si vous m'aimez, vous vous appliquerez à
observer mes commandements;
16 moi, je prierai le Père: il vous
donnera un autre Consolateur qui restera avec vous pour toujours.
17 C'est lui l'Esprit de vérité,
celui que le monde est incapable d'accueillir parce qu'il ne le voit pas et
qu'il ne le connaît pas. Vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de
vous et il est en vous.
18 Je ne vous laisserai pas
orphelins, je viens à vous.
19 Encore un peu, et le monde ne me
verra plus; vous, vous me verrez vivant et vous vivrez vous aussi.
20 En ce jour-là, vous connaîtrez
que je suis en mon Père et que vous êtes en moi et moi en vous.
21 Celui qui a mes commandements et
qui les observe, celui-là m'aime: or celui qui m'aime sera aimé de mon Père et,
à mon tour, moi je l'aimerai et je me manifesterai à lui.»
22 Jude, non pas Judas l'Iscariote,
lui dit: «Seigneur, comment se fait-il que tu aies à te manifester à nous et
non pas au monde?»
23 Jésus lui répondit: «Si
quelqu'un m'aime, il observera ma parole, et mon Père l'aimera; nous viendrons
à lui et nous établirons chez lui notre demeure.
24 Celui qui ne m'aime pas
n'observe pas mes paroles; or, cette parole que vous entendez, elle n'est pas
de moi mais du Père qui m'a envoyé.
25 Je vous ai dit ces choses tandis
que je demeurais auprès de vous;
26 le Consolateur, l'Esprit Saint
que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous fera
ressouvenir de tout ce que je vous ai dit.
Prédication :
Je vous parlais, la semaine dernière, de Rabbi Eliezer
ben Hyrcanos, sage juif de première importance, qui fut excommunié par ses
collègues pour avoir fait appel à une voix du ciel. La voix du ciel avait
pourtant parlé en sa faveur. Mais un autre Maître de première importance, Rabbi
Yehoshua ben Hanania, avait objecté : « Elle n’est pas au
ciel ! »
Vous vous demandez peut-être sur quoi portait les débats
qui avaient opposé si méchamment ces deux maîtres… lorsque vous le saurez vous
trouverez cela peut-être d’une incroyable futilité. Mais avant cela, et puisque
Rabbi Yehoshua dit "Elle n’est pas au ciel", nous nous demandons ce
qui n’est pas au ciel.
Pour ces maîtres et pour leurs disciples, en ce temps-là
(contemporains de Jésus de Nazareth), c’était une évidence, ce qui n’est pas au
ciel, c’est la Torah, la Loi de Moïse. Elle n’est pas au ciel, parce qu’elle
n’est plus au ciel, et elle n’est plus au ciel depuis qu’elle a été donnée,
toute entière, une et parfaite, par Dieu, au Sinaï, à Moïse. Ce qui a une
conséquence : puisque la Torah – la Loi – a été donnée toute entière, il
n’y a rien d’autre que Dieu doive dire et ajouter. La Torah, écrite et orale
ayant été transmise, recopiée et mémorisée avec infiniment de sérieux, c’est à partir
d’elle, et d’elle seule, qu’il convient que les hommes méditent sur leur
condition et préparent leur décisions… rien que la Loi, toute la Loi, et la
réflexion des hommes. Tels étaient la pensée et le sous bassement de pensée de
ces hommes-là.
Rabbi Eliezer donc, fut excommunié, mais au fond, pourquoi ?
Pour avoir contraint Dieu à parler en sa faveur, pour se l’être mis dans la
poche ? Non. D’autres que lui étaient en ce temps capables de tels
prodiges. Il fut excommunié pour avoir rompu le pacte de pensée qui le liait à
ses collègues, et donc pour avoir rompu une barrière symbolique essentielle,
entre une forme cinglante, spontanée et autoritaire d’expression, c’est à dire ce
qui est en haut, et qui tombe tout à coup d’en-haut , et une forme lente,
dialoguale, et travaillée d’expression, c’est à dire ce qui est en bas, qui
prend le temps de la réflexion et du débat. Tout cela, c’est ce que Rabbi
Yeoshua avait résumé en cette simple formule : « Elle n’est pas au
ciel. »
Pentecôte, bien d’autres
textes qu’Actes 2,1-11 parlent du Saint Esprit, et nous en avons lu un
intéressant échantillon, qui est générateur d’un intéressant faisceau de
problèmes.
Dans l’épître aux Romains, cet Esprit dont Paul parle –
Esprit tout court – est-il le même que l’Esprit du Christ, et que l’Esprit de
Dieu, esprits dont il parle aussi ?
Idem dans l’évangile de Jean : le Consolateur, ou le
Défenseur (Paraclet) est-il le même que l’esprit qui souffle où il veut (Jean
3), le même que l’esprit que reçoivent les disciples le soir de Pâques, lorsque
Jésus souffle sur eux, qui est un esprit de pardon ?
Dans l’Ancien Testament, est-ce le même Esprit, celui qui
plane sur les eaux de la Genèse
Le même Esprit que celui que Matthieu introduit dans son
institution du baptême, « …baptisez-les au nom du Père, du Fils, et du
Saint Esprit. »
Oui ? Le même esprit ? Et bien, à la première
personne du singulier, je ne le pense pas. Ce que je pense, c’est que des
générations d’écrivains dont les textes ont été recueillis dans la Bible ont eu
à qualifier les manifestations de piété des groupes qu’ils observaient, des
manifestations du genre spontanées et d’autres plutôt du genre très travaillées
– avec évidemment plein de nuances entre les deux. Ils auraient plutôt associé
la présence du Saint Esprit aux formes spontanées d’expression. L’exemple de
cela que nous connaissons le mieux est justement celui que nous avons lu, Actes 2,1-11.
Dans de fragment célébrissime, emblème de Pentecôte, lu chaque année… c’est
bien – nous avons vraiment l’habitude de le considérer ainsi, c’est bien de l’Esprit
Saint dont il s’agit. Mais pourquoi ce fragment sacro-saint s’arrête-t-il au
verset 11 ?
Voici trois versets de plus : 12Ils
étaient tous déconcertés, et dans leur perplexité ils se disaient les uns aux
autres: «Qu'est-ce que cela veut dire?» 13D'autres s'esclaffaient:
«Ils sont pleins de vin doux.» 14Alors s'éleva la voix de Pierre,
qui était là avec les Onze; il s'exprima en ces termes: «Hommes de Judée, et
vous tous qui résidez à Jérusalem, comprenez bien ce qui se passe et prêtez
l'oreille à mes paroles »… et s’ensuit un discours argumenté, structuré…
et donc s’exprime une pensée construite, très élaborée, 26 versets, juste après
les exclamations spontanées du groupe des premiers disciples.
Et voici une question : faut-il choisir, dans le
texte des Actes, pour Pentecôte, entre l’expression spontanée qui vient comme
tombée du ciel, et l’expression travaillée, bien élaborée, mélange d’Écritures
Saintes et de sagesse humaine ? Choisir, c’est renoncer, dit-on parfois.
En choisissant les 11 premiers versets, avec cette expression dans tous les
dialectes de la terre, c’est bien entendu une forme d’universalité qui est
choisie, une universalité simple et immédiate – en somme ce à quoi aspirait
Rabbi Eliezer en faisant descendre la voix du ciel. Mais on laisse de côté la
lente élaboration de la foi commune – on laisse en somme de côté Rabbi Yehoshua.
Ça n’est peut être pas bien grave, mais, tout de même, est-ce le modèle d’Eglise
auquel aspirait Jésus Christ, ou après Lui les Apôtres ? C’est très
difficile – et hasardeux – de répondre à la place de Jésus Christ… Mais on l’a
vu plus souvent enseigner qu’on ne l’a vu faire des miracles, et on l’a entendu
souvent commander qu’on ne dise rien sur les miracles… Jésus Christ aurait-il
été du côté de Rabbi Yehoshua, du côté de la lente et fraternelle construction
de l’Eglise, lente et fraternelle élaboration, sans pour autant exclure de
rares moments de claire spontanéité ? Il est assez tentant de le penser.
Pourtant, même si les textes du jour ne proposent que
Actes 2,1-11 et laissent de côté l’enseignement magistral de Pierre, il nous
est proposé aussi Romains 8,8-17, et Jean 14,15-26 ; en les lisant tout à l’heure,
nous avons mis de la durée dans nos lectures de Pentecôte portant sur le Saint
Esprit. Dans les versets de Jean, l’Esprit Saint, appelé Défenseur ou
Consolateur, va venir. Dans les versets de Romains, il est déjà venu. Et
puisque les lecteurs que nous sommes trouvent ces textes déjà tout écrits, ils
ont à se demander au présent ce que signifient ces temps des verbes dans les
textes bibliques.
Cette entreprise devrait pouvoir suffire pour échapper à la
tentation à laquelle Rabbi Eliézer succomba : tentation de soulever soi-même
et pour son propre profit un coin de ce voile sacré qui masque ce que l’homme
ne peut revendiquer de connaître pour lui-même, mais dont la connaissance lui
est parfois donnée d’en-haut.
Sœurs et frères, puissions-nous à notre tour prendre le
temps d’une longue construction de la communauté, et puisse, Dieu voulant, la
connaissance d’en-haut nous être donnée en son temps. Amen