samedi 4 juin 2022

Pentecôte, quelques réflexions sur l'Esprit Saint, sur ceux qui s'en réclament (Actes 2,1-11, plus...)

 Romains 8

8 Sous l'empire de la chair on ne peut plaire à Dieu.

 9 Or vous, vous n'êtes pas sous l'empire de la chair, mais de l'Esprit, puisque l'Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu'un n'a pas l'Esprit du Christ, il ne lui appartient pas.

 10 Si Christ est en vous, votre corps, il est vrai, est voué à la mort à cause du péché, mais l'Esprit est votre vie à cause de la justice.

 11 Et si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus Christ d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous.

 12 Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais non envers la chair pour devoir vivre de façon charnelle.

 13 Car si vous vivez de façon charnelle, vous mourrez; mais si, par l'Esprit, vous faites mourir votre comportement charnel, vous vivrez.

 14 En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l'Esprit de Dieu:

 15 vous n'avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions: Abba, Père.

 16 Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.

 17 Enfants, et donc héritiers: héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire.

 

Actes 2

1 Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble.

 2 Tout à coup il y eut un bruit qui venait du ciel comme le souffle d'un violent coup de vent: la maison où ils se tenaient en fut toute remplie;

 3 alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s'en posa sur chacun d'eux.

 4 Ils furent tous remplis d'Esprit Saint et se mirent à parler d'autres langues, comme l'Esprit leur donnait de s'exprimer.

 5 Or, à Jérusalem, résidaient des Juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel.

 6 À la rumeur qui se répandait, la foule se rassembla et se trouvait en plein désarroi, car chacun les entendait parler sa propre langue.

 7 Déconcertés, émerveillés, ils disaient: «Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens?

 8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle?

 9 Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l'Asie,

 10 de la Phrygie et de la Pamphylie, de l'Égypte et de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en résidence ici,

 11 tous, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu.»

 

Jean 14

15 «Si vous m'aimez, vous vous appliquerez à observer mes commandements;

 16 moi, je prierai le Père: il vous donnera un autre Consolateur qui restera avec vous pour toujours.

 17 C'est lui l'Esprit de vérité, celui que le monde est incapable d'accueillir parce qu'il ne le voit pas et qu'il ne le connaît pas. Vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous et il est en vous.

 18 Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens à vous.

 19 Encore un peu, et le monde ne me verra plus; vous, vous me verrez vivant et vous vivrez vous aussi.

 20 En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père et que vous êtes en moi et moi en vous.

 21 Celui qui a mes commandements et qui les observe, celui-là m'aime: or celui qui m'aime sera aimé de mon Père et, à mon tour, moi je l'aimerai et je me manifesterai à lui.»

 22 Jude, non pas Judas l'Iscariote, lui dit: «Seigneur, comment se fait-il que tu aies à te manifester à nous et non pas au monde?»

 23 Jésus lui répondit: «Si quelqu'un m'aime, il observera ma parole, et mon Père l'aimera; nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure.

 24 Celui qui ne m'aime pas n'observe pas mes paroles; or, cette parole que vous entendez, elle n'est pas de moi mais du Père qui m'a envoyé.

 25 Je vous ai dit ces choses tandis que je demeurais auprès de vous;

 26 le Consolateur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit.


 Prédication : 

            Je vous parlais, la semaine dernière, de Rabbi Eliezer ben Hyrcanos, sage juif de première importance, qui fut excommunié par ses collègues pour avoir fait appel à une voix du ciel. La voix du ciel avait pourtant parlé en sa faveur. Mais un autre Maître de première importance, Rabbi Yehoshua ben Hanania, avait objecté : « Elle n’est pas au ciel ! »

            Vous vous demandez peut-être sur quoi portait les débats qui avaient opposé si méchamment ces deux maîtres… lorsque vous le saurez vous trouverez cela peut-être d’une incroyable futilité. Mais avant cela, et puisque Rabbi Yehoshua dit "Elle n’est pas au ciel", nous nous demandons ce qui n’est pas au ciel.

            Pour ces maîtres et pour leurs disciples, en ce temps-là (contemporains de Jésus de Nazareth), c’était une évidence, ce qui n’est pas au ciel, c’est la Torah, la Loi de Moïse. Elle n’est pas au ciel, parce qu’elle n’est plus au ciel, et elle n’est plus au ciel depuis qu’elle a été donnée, toute entière, une et parfaite, par Dieu, au Sinaï, à Moïse. Ce qui a une conséquence : puisque la Torah – la Loi – a été donnée toute entière, il n’y a rien d’autre que Dieu doive dire et ajouter. La Torah, écrite et orale ayant été transmise, recopiée et mémorisée  avec infiniment de sérieux, c’est à partir d’elle, et d’elle seule, qu’il convient que les hommes méditent sur leur condition et préparent leur décisions… rien que la Loi, toute la Loi, et la réflexion des hommes. Tels étaient la pensée et le sous bassement de pensée de ces hommes-là.  

            Rabbi Eliezer donc, fut excommunié, mais au fond, pourquoi ? Pour avoir contraint Dieu à parler en sa faveur, pour se l’être mis dans la poche ? Non. D’autres que lui étaient en ce temps capables de tels prodiges. Il fut excommunié pour avoir rompu le pacte de pensée qui le liait à ses collègues, et donc pour avoir rompu une barrière symbolique essentielle, entre une forme cinglante, spontanée et autoritaire d’expression, c’est à dire ce qui est en haut, et qui tombe tout à coup d’en-haut , et une forme lente, dialoguale, et travaillée d’expression, c’est à dire ce qui est en bas, qui prend le temps de la réflexion et du débat. Tout cela, c’est ce que Rabbi Yeoshua avait résumé en cette simple formule : « Elle n’est pas au ciel. »

           

             Pentecôte, bien d’autres textes qu’Actes 2,1-11 parlent du Saint Esprit, et nous en avons lu un intéressant échantillon, qui est générateur d’un intéressant faisceau de problèmes.

            Dans l’épître aux Romains, cet Esprit dont Paul parle – Esprit tout court – est-il le même que l’Esprit du Christ, et que l’Esprit de Dieu, esprits dont il parle aussi ?

            Idem dans l’évangile de Jean : le Consolateur, ou le Défenseur (Paraclet) est-il le même que l’esprit qui souffle où il veut (Jean 3), le même que l’esprit que reçoivent les disciples le soir de Pâques, lorsque Jésus souffle sur eux, qui est un esprit de pardon ?

            Dans l’Ancien Testament, est-ce le même Esprit, celui qui plane sur les eaux de la Genèse

            Le même Esprit que celui que Matthieu introduit dans son institution du baptême, « …baptisez-les au nom du Père, du Fils, et du Saint Esprit. »

            Oui ? Le même esprit ? Et bien, à la première personne du singulier, je ne le pense pas. Ce que je pense, c’est que des générations d’écrivains dont les textes ont été recueillis dans la Bible ont eu à qualifier les manifestations de piété des groupes qu’ils observaient, des manifestations du genre spontanées et d’autres plutôt du genre très travaillées – avec évidemment plein de nuances entre les deux. Ils auraient plutôt associé la présence du Saint Esprit aux formes spontanées d’expression. L’exemple de cela que nous connaissons le mieux est justement celui que nous avons lu, Actes 2,1-11. Dans de fragment célébrissime, emblème de Pentecôte, lu chaque année… c’est bien – nous avons vraiment l’habitude de le considérer ainsi, c’est bien de l’Esprit Saint dont il s’agit. Mais pourquoi ce fragment sacro-saint s’arrête-t-il au verset 11 ?

            Voici trois versets de plus : 12Ils étaient tous déconcertés, et dans leur perplexité ils se disaient les uns aux autres: «Qu'est-ce que cela veut dire?» 13D'autres s'esclaffaient: «Ils sont pleins de vin doux.» 14Alors s'éleva la voix de Pierre, qui était là avec les Onze; il s'exprima en ces termes: «Hommes de Judée, et vous tous qui résidez à Jérusalem, comprenez bien ce qui se passe et prêtez l'oreille à mes paroles »… et s’ensuit un discours argumenté, structuré… et donc s’exprime une pensée construite, très élaborée, 26 versets, juste après les exclamations spontanées du groupe des premiers disciples.

            Et voici une question : faut-il choisir, dans le texte des Actes, pour Pentecôte, entre l’expression spontanée qui vient comme tombée du ciel, et l’expression travaillée, bien élaborée, mélange d’Écritures Saintes et de sagesse humaine ? Choisir, c’est renoncer, dit-on parfois. En choisissant les 11 premiers versets, avec cette expression dans tous les dialectes de la terre, c’est bien entendu une forme d’universalité qui est choisie, une universalité simple et immédiate – en somme ce à quoi aspirait Rabbi Eliezer en faisant descendre la voix du ciel. Mais on laisse de côté la lente élaboration de la foi commune – on laisse en somme de côté Rabbi Yehoshua. Ça n’est peut être pas bien grave, mais, tout de même, est-ce le modèle d’Eglise auquel aspirait Jésus Christ, ou après Lui les Apôtres ? C’est très difficile – et hasardeux – de répondre à la place de Jésus Christ… Mais on l’a vu plus souvent enseigner qu’on ne l’a vu faire des miracles, et on l’a entendu souvent commander qu’on ne dise rien sur les miracles… Jésus Christ aurait-il été du côté de Rabbi Yehoshua, du côté de la lente et fraternelle construction de l’Eglise, lente et fraternelle élaboration, sans pour autant exclure de rares moments de claire spontanéité ? Il est assez tentant de le penser.

 

            Pourtant, même si les textes du jour ne proposent que Actes 2,1-11 et laissent de côté l’enseignement magistral de Pierre, il nous est proposé aussi Romains 8,8-17, et Jean 14,15-26 ; en les lisant tout à l’heure, nous avons mis de la durée dans nos lectures de Pentecôte portant sur le Saint Esprit. Dans les versets de Jean, l’Esprit Saint, appelé Défenseur ou Consolateur, va venir. Dans les versets de Romains, il est déjà venu. Et puisque les lecteurs que nous sommes trouvent ces textes déjà tout écrits, ils ont à se demander au présent ce que signifient ces temps des verbes dans les textes bibliques.

            Cette entreprise devrait pouvoir suffire pour échapper à la tentation à laquelle Rabbi Eliézer succomba : tentation de soulever soi-même et pour son propre profit un coin de ce voile sacré qui masque ce que l’homme ne peut revendiquer de connaître pour lui-même, mais dont la connaissance lui est parfois donnée d’en-haut.

            Sœurs et frères, puissions-nous à notre tour prendre le temps d’une longue construction de la communauté, et puisse, Dieu voulant, la connaissance d’en-haut nous être donnée en son temps. Amen