samedi 25 juin 2022

Méditation de la liberté (1 Rois 19-6 ; Galates 5,1-18 ; Luc 9,51-62)

Galates 5

1 C'est pour que nous soyons vraiment libres que Christ nous a libérés. Tenez donc ferme et ne vous laissez pas remettre sous le joug de l'esclavage.

 2 Moi, Paul, je vous le dis: si vous vous faites circoncire, Christ ne vous servira plus de rien.

 3 Et j'atteste encore une fois à tout homme qui se fait circoncire, qu'il est tenu de pratiquer la loi intégralement.

 4 Vous avez rompu avec Christ, si vous placez votre justice dans la loi; vous êtes déchus de la grâce.

 5 Quant à nous, c'est par l'Esprit, en vertu de la foi, que nous attendons fermement que se réalise ce que la justification nous fait espérer.

 6 Car, pour celui qui est en Jésus Christ, ni la circoncision, ni l'incirconcision ne sont efficaces, mais la foi agissant par l'amour.

 7 Vous couriez bien; qui, en vous barrant la route, empêche la vérité de vous entraîner?

 8 Une telle influence ne vient pas de celui qui vous appelle.

 9 Un peu de levain, et toute la pâte lève!

 10 Pour moi, j'ai confiance dans le Seigneur pour vous: vous ne prendrez pas une autre orientation. Mais celui qui jette le trouble parmi vous en subira la sanction, quel qu'il soit.

 11 Quant à moi, frères, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je alors persécuté? Dans ce cas, le scandale de la croix est aboli!

 12 Qu'ils aillent donc jusqu'à se mutiler tout à fait, ceux qui sèment le désordre parmi vous!

 13 Vous, frères, c'est à la liberté que vous avez été appelés. Seulement, que cette liberté ne donne aucune prise à la chair! Mais, par l'amour, mettez-vous au service les uns des autres.

 14 Car la loi tout entière trouve son accomplissement en cette unique parole: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

 15 Mais, si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde: vous allez vous détruire les uns les autres.

 16 Écoutez-moi: marchez sous l'impulsion de l'Esprit et vous n'accomplirez plus ce que la chair désire.

 17 Car la chair, en ses désirs, s'oppose à l'Esprit, et l'Esprit à la chair; entre eux, c'est l'antagonisme; aussi ne faites-vous pas ce que vous voulez.

 18 Mais si vous êtes conduits par l'Esprit, vous n'êtes plus soumis à la loi.

 

1 Rois 19

16 Et tu oindras Jéhu, fils de Nimshi, comme roi sur Israël; et tu oindras Elisée, fils de Shafath, d'Avel-Mehola, comme prophète à ta place.

 17 Tout homme qui échappera à l'épée de Hazaël, Jéhu le tuera, et tout homme qui échappera à l'épée de Jéhu, Elisée le tuera,

 18 mais je laisserai en Israël un reste de sept mille hommes, tous ceux dont les genoux n'ont pas plié devant le Baal et dont la bouche ne lui a pas donné de baisers.»

 19 Il partit de là et trouva Elisée, fils de Shafath, qui labourait; il avait à labourer douze arpents, et il en était au douzième. Elie passa près de lui et jeta son manteau sur lui.

 20 Elisée abandonna les boeufs, courut après Elie et dit: «Permets que j'embrasse mon père et ma mère et je te suivrai.» Elie lui dit: «Va! retourne! Que t'ai-je donc fait?»

 21 Elisée s'en retourna sans le suivre, prit la paire de boeufs qu'il offrit en sacrifice; avec l'attelage des boeufs, il fit cuire leur viande qu'il donna à manger aux siens. Puis il se leva, suivit Elie et fut à son service.

 

Luc 9

51 Or, comme arrivait le temps où il allait être enlevé du monde, Jésus prit résolument la route de Jérusalem.

 52 Il envoya des messagers devant lui. Ceux-ci s'étant mis en route entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue.

 53 Mais on ne l'accueillit pas, parce qu'il faisait route vers Jérusalem.

 54 Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent: «Seigneur, veux-tu que nous disions que le feu tombe du ciel et les consume?»

 55 Mais lui, se retournant, les réprimanda.

 56 Et ils firent route vers un autre village.

 57 Comme ils étaient en route, quelqu'un dit à Jésus en chemin: «Je te suivrai partout où tu iras.»

 58 Jésus lui dit: «Les renards ont des terriers et les oiseaux du ciel des nids; le Fils de l'homme, lui, n'a pas où poser la tête.»

 59 Il dit à un autre: «Suis-moi.» Celui-ci répondit: «Permets-moi d'aller d'abord enterrer mon père.»

 60 Mais Jésus lui dit: «Laisse les morts enterrer leurs morts, mais toi, va annoncer le Règne de Dieu.»

 61 Un autre encore lui dit: «Je vais te suivre, Seigneur; mais d'abord permets-moi de faire mes adieux à ceux de ma maison.»

 62 Jésus lui dit: «Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n'est pas fait pour le Royaume de Dieu.»

 

Prédication : 

              1.         Je me souviens d’un de mes professeurs de la faculté de théologie de Montpellier, qui nous disait, s’agissant du traité de Luther La liberté du chrétien (1520), que chaque théologien devrait le lire au moins une fois… par an.

            Ça n’est pas un très long texte et il se lit en assez peu de temps. Mais pourquoi devoir le lire, puis le relire, et le relire encore ? Ne peut-on pas le lire comme on lit d’autres livres, en soulignant, en faisant une fiche de lecture, en attendant que vienne le moment d’utiliser ces matériaux ? On le peut toujours, bien entendu. Mais telle n’était pas la recommandation de notre professeur. Sa recommandation d’ailleurs, était multiple, puisqu’elle concernait le texte, la lecture, les relectures, et la méditation de la recommandation elle-même.

            Les étudiants que nous fûmes ont-ils suivi cette recommandation ? Je ne le sais pas – je n’ai jamais vraiment cherché à le savoir. Je m’en suis souvenu, mais je ne l’ai pas fait... Par contre j’ai souvent pensé à la recommandation, j’ai souvent médité cette recommandation. Et chemin faisant j’ai découvert d’autres textes au sujet desquels il doit être possible de dire ce que le professeur disait : les relire au moins une fois… par an.

            Il en va de la liberté.

 

            2.         Quelle fut la prédication de Paul aux Galates ? Paul y prêcha l’Évangile. Et quel Évangile ? Il y avait en face de Paul des gens qui étaient issus du paganisme. Il y avait aussi des gens qui étaient du judaïsme. Et, sans doute, Paul avait enseigné que croire en Christ dispensait de toutes sortes d’obligations, que cette dispense n’avait de sens que dans l’amour. Pourquoi l’amour ? Parce que concrètement l’amour se donne et n’entend jamais réclamer quoi que ce soit en réponse, de quiconque. C’est ce que Paul leur avait enseigné. Et il leur avait aussi enseigné que l’amour est toujours menacé, même par les propos qu’on utilise pour parler de lui.

Nous n’avons pas le détail des discours de Paul, ceux qu’il a tenus lorsqu’il était chez les Galates, mais nous pouvons penser qu’il y eut des enseignements décisifs sur le Christ, sur l’Esprit et sur l’amour, discours s’efforçant de transmettre l’idée d’observer une discipline pour que l’amour reste l’amour, pour que la liberté reste la liberté… Et Paul ne semble pas avoir réussi.

            Et cela, c’est l’épître aux Galates qui vient nous l’enseigner. Lorsque Paul fut parti, lorsque la pertinence et l’efficacité initiales de son enseignement se furent effacées, on vint – nous ne savons guère qui étaient ces on – enseigner à des païens chrétiens non circoncis que la circoncision était indispensable… et qu’ils devaient donc se faire circoncire… soit pour un salut divin, soit pour un salut ethnique. Et une partie des Galates le crurent et le mirent en pratique. Alors que Non ! dit Paul, pas d’obligation, d’aucune sorte, qui ferait de vous des gens méritants, car aucun mérite n’est nécessaire à celui qui vit sous la loi de la liberté.

            Loi de la liberté est une expression un peu contradictoire, qui ne prend tout son sens que si l’on évoque en même temps l’amour.

            Nous ne savons pas ce qu’il advint des Galates après qu’ils eurent reçu l’épître de Paul, mais nous savons que l’épître fut abondamment diffusée, et abondamment commentée, signe de sa valeur. Petite sœur de l’épître aux Romains, elle fut commentée plusieurs fois par un Martin Luther souvent au meilleur de sa forme…

            Voici donc une question : après que Paul ait prêché la liberté en Galatie, et après son départ, combien de temps s’écoula-t-il avant que s’étiolent et disparaissent sa prédication et les fruits de sa prédication ? On compte les semaines, ou les mois, guère plus, une année, peut-être.

 

            3. Cette durée vous paraît-elle brève ? Et bien, souvenez-vous, souvenons-nous de Jésus et de ses disciples qui faisaient route vers Jérusalem et auxquels un village de Samaritains refusa l’hospitalité. Jacques et Jean, sans délai, se proposèrent de faire tomber le feu du ciel sur ces pauvres gens…

            En faisant cette proposition, Jacques et Jean manifestent qu’ils sont captifs de plusieurs captivités. Captifs des haines coutumières, les Juifs haïssent les Samaritains, captifs de l’idée qu’ils ont de ce qu’est suivre Jésus, ils voient cela comme un travail qui mérite salaire, comme une option qui mérite récompense, récompense en terme de puissance, un privilège pour eux qui mérite domination sur autrui. Difficile de nommer cela, mais c’est pour eux puissance, et pour les autres privation de liberté.

            Et combien de temps leur faut-il, à Jacques et à Jean, pour en arriver à ces dispositions lamentables ? Très très peu de temps. Jésus, leur maître, n’a même pas fini de prêcher qu’ils ont déjà sorti le lance-flammes. Résultat atterrant…

            Alors, comme nous le lisons, Jésus les réprimanda. Voilà. Le Maître n’a pas encore fini de parler d’amour que les disciples retrouvent en eux tout un capital de bêtise et de haine juste prêt à servir.

            Comme la prédication et son ombre se trouvent ici comme confondues, comme nous ne voulons pas affirmer que les haines ordinaires, les haines occasionnelles, et la bêtise… comme nous ne voulons pas affirmer que les humains sont par nature captifs de leurs sentiments, demandons-nous s’il y a une chance de s’en sortir.

 

            4.         Et bien, il y a Élisée, captif de son rôle de bon fils, qui tiendra tête au bouillant Elie. Elisée saura quoi faire pour prendre dignement congé de ses parents. L’épisode que nous avons lu reste assez rugueux, mais il l’est bien moins que les prouesses terrifiantes d’Elie à ses débuts.

            Il y a aussi Jésus, qui donne quelques enseignements rapides. « Les renards ont des terriers et les oiseaux du ciel des nids ; le Fils de l’homme, lui, n’a pas où poser sa tête. » Si nous comprenons bien, cette tâche de libération est une tâche sans fin. Dire que le fils de l’homme n’a pas où poser sa tête c’est dire d’une part, s’agissant de sa propre liberté, elle est sans besoin de repos car elle est toujours son action et son être, c’est dire d’autre part que les humains sont incapables de lui construire une aire de repos.

            Bien au contraire, ce qui n’est pas prioritaire les humains en font des priorités, et ils rendent la captivité la plus probable car, même s’ils ont parfois mis la main à la charrue, ils regardent ensuite en arrière.

           

            5.         Y a-t-il en tout cela une conclusion heureuse ? La liberté est-elle une promesse possible ? Tant que liberté est opposée d’une manière statique à quelqu’autre notion que ce soit, il n’y a pas de liberté, et seule l’opposée demeure.

            C’est pour cette raison qu’il nous faut revenir à ce par quoi nous avions commencé. Lire et relire Martin Luther, non pour que s’accroissent nos connaissances, mais pour méditer, non seulement sur la liberté selon Martin Luther, ce qu’elle est et ce qu’elle fut, mais aussi pour méditer aussi sur notre liberté, sur ce dont elle est faite…

            Et Martin Luther n’est pas le seul qui puisse nourrir notre méditation. Entre autres il y a Emmanuel Levinas qui nous a donné un Difficile liberté, Et puis il y a tous ces textes bibliques, lus, étudiés, médités et priés chaque dimanche.

            S’agissant donc de liberté nous ne sommes pas seuls. Nous avons de la compagnie, de la nourriture, et tout ce qu’il faut pour nourrir la liberté, et faire grandir l’espérance. Puisse cela être notre tâche. Amen