Luc 4
Jésus, rempli d'Esprit
Saint, revint du Jourdain et il était dans le désert, conduit par l'Esprit,
2 pendant quarante jours, et il était tenté par le
diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et lorsque ce temps fut écoulé,
il eut faim.
3 Alors le diable lui dit: «Si tu es le Fils
de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain.»
4 Jésus lui répondit: «Il est écrit: Ce n'est pas
seulement de pain que l'homme vivra.»
5 Le diable le conduisit plus haut, lui fit voir en
un instant tous les royaumes de la terre
6 et lui dit: «Je te donnerai tout ce pouvoir avec
la gloire de ces royaumes, parce que c'est à moi qu'il a été remis et que je le
donne à qui je veux.
7 Toi donc, si tu m'adores, tu l'auras tout
entier.»
8 Jésus lui répondit: «Il est écrit: Tu adoreras le
Seigneur ton Dieu, et c'est à lui seul que tu rendras un culte.»
9 Le diable le conduisit alors à Jérusalem; il le
plaça sur le faîte du temple et lui dit: «Si tu es Fils de Dieu, jette-toi
d'ici en bas;
10 car il est écrit: Il donnera pour toi ordre à ses
anges de te garder,
11 et encore: ils te porteront sur leurs mains pour
t'éviter de heurter du pied quelque pierre.»
12 Jésus lui répondit: «Il est dit: Tu ne mettras
pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu.»
Prédication :
Après la lecture du dernier
verset de cette page d’Évangile, deux questions nous sont posées. « Le diable
ayant épuisé toute tentation possible… » Toutes les tentations possibles
seraient en germe dans ces trois-là ? A voir. « … le Diable s’éloigna
de Jésus jusqu’au meilleur moment ». Mais quel est donc ce meilleur
moment ?
TENTATIONS : parlons
d’abord des tentations
(les choses) Il eut faim, après quarante jours de jeûne. Rappelons
l’énoncé de la première tentation : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne
à cette pierre de devenir du pain. » En tant que Fils de Dieu, et rempli
d’Esprit Saint, Jésus est capable de tout, et donc, entre autres bien sûr, de
transformer une pierre en pain. Et donc, d’une manière très générale, il est
capable de transformer toute chose en ce qu’il veut selon sa propre envie. A la
fin de ce jeûne, il pourrait bien se satisfaire lui-même, sans délai, sans rien
devoir à personne, sans devoir à personne le bonheur simple de quelques
bouchées de pain. Première tentation donc, considérer que les choses vous
appartiennent, disposer des choses pour la satisfaction de vos propres besoins.
A la proposition du Diable, de faire d’une pierre l’obligée du Fils de Dieu,
Jésus répond non : il n’obligera pas les choses.
(les gens) Seconde tentation, le pouvoir. Tout pouvoir a
été donné au Diable et le Diable le distribue à qui se prosterne. Luc l’évangéliste
a une conception très pessimiste du pouvoir. Il faut se prosterner pour
l’obtenir, et on n’en partage d’éventuelles miettes qu’avec ceux qui se
prosternent devant vous. Mais là n’est pas la question que nous nous posons.
Quelle est la tentation ? Obtenir du pouvoir ? Les gens se couchent
devant vous, et vous leur donnez, ou pas, ce qu’ils vous mendient. La tentation
c’est d’obtenir du pouvoir pour dominer les gens, pour pouvoir disposer d’eux.
La proposition du Diable, c’est que les gens deviennent les obligés du Fils de
Dieu. La tentation, c’est de disposer des gens pour la satisfaction de vos
propres envies. Et Jésus réponds non : il n’obligera pas les gens.
(résumé) Première tentation donc, disposer des choses
pour votre propre et immédiate satisfaction. Deuxième tentation, disposer des
gens pour votre propre et immédiate satisfaction.
(Dieu) Troisième tentation, Dieu ; monter au sommet
du Temple de Jérusalem et se jeter en bas. Peut importe le jour et l’heure, peu
importe la motivation, l’envie d’avoir du succès ou la flemme de prendre les
escaliers. N’importe quel motif constitue ici un motif suffisant, car la
question c’est ce qui est écrit, et il est écrit, citation du Diable :
« Il donnera pour toi ordre à ses anges de te garder », et encore « ils
te porteront sur leurs mains pour t’éviter de heurter du pied quelque
pierre. » C’est choses sont écrites, c’est bien entendu, mais… ces
choses écrites font-elles de Dieu l’obligé des humains ? Un Dieu qui
serait l’obligé des humains par le biais des Écritures, serait-il encore
Dieu ? Ne serait-il pas plutôt un pantin agité par des séides ? La
tentation, la troisième, c’est de considérer que Dieu est l’obligé des humains.
Et il ne l’est pas, il ne l’est jamais.
(résumé) Première tentation donc, disposer des choses.
Deuxième tentation, disposer des gens. Troisième tentation, disposer de Dieu.
Il semble bien que, d’une manière générique, nous ayons balayé
toutes les tentations possibles, et qu’avec celui qui est Fils de Dieu, nous
soyons prêts à dire non au Diable et aux figures diaboliques qui viennent
parfois nous tenter.
Mais n’est-ce pas un peu trop simple. Tout interdit ne
doit-il pas être envisagé pour lui-même, bien sûr, mais aussi selon certaines
circonstances ? Ne faut-il pas, parfois, passer outre ? Revenons sur
les trois tentations.
(première tentation)
Pouvons-nous cependant simplement nous refuser à disposer
des choses ? Jésus, à la fin de son jeûne, refuse de disposer des pierres
qui sont des choses. Mais il dispose bien des choses lorsqu’il se permet de
multiplier les pains, et il dispose aussi des choses lorsqu’il calme les
éléments. Et nous n’y voyons rien à redire. Jésus dispose des choses, pour le
bien, pour la liberté et parfois pour la survie de ses semblables.
(deuxième tentation)
Pouvons-nous disposer des gens ? Nous voyons Jésus
disposer des gens… Il en dispose de deux manières possibles parfois, pour les
guérir, mais en même temps il dispose de ceux qui se font gardiens du sabbat,
et du temple. Ceux-là, il en dispose jusqu’au point de les maudire, au risque
de les mettre en fureur, au risque d’y laisser sa vie. Il dispose encore de
tous ceux qu’il enseigne, ou qu’il appelle. Il dispose de ses disciples, et il
en dispose beaucoup, comme d’élèves – pas forcément de très bons élèves, mais
c’est une autre affaire – il les appelle, il les envoie, il leur parle en
paraboles etc. Il n’en dispose jamais pour les asservir.
(troisième tentation)
Disposer de Dieu – ou tenter Dieu – c’est considérer que
Dieu est tenu par les Écritures Saintes, et que Dieu, donc doit obéir à l’être
humain, doit donner raison à l’être humain, dans toutes les circonstances pour
lesquelles il existe un texte biblique qui va bien. Voit-on jamais Jésus tenter
Dieu, c'est-à-dire disposer de Lui ? Nous disons non, ce qui signifie que
tout ce que fait Jésus au nom de Dieu est fait exclusivement et uniquement par
la foi. Guérisons, tempêtes, multiplication des pains… il s’engage dans tout
cela sans disposer d’aucune ressource de puissance divine, il s’engage dans et
par la foi, exclusivement. Ceci dit, nous le voyons aussi disposer – très
souvent – de Dieu, disposer des images de Dieu qui ont cours en son temps,
images au titre desquelles ont ne guérit pas les gens lorsque c’est le sabbat,
images au titre desquelles on peut consacrer son bien à Dieu et laisser mourir
ses propres parents dans le dénuement, images de Dieu au titre desquelles il
faut payer – cher – les animaux à sacrifier en toutes sorte de circonstances.
Jésus en somme dispose de Dieu, et il en fait un Dieu libre pour des humains
libérés. Mais pour lui-même, il ne demande rien…
Au point où nous en sommes, nous avons suffisamment parlé
de ces trois tentations pour les reconnaître, et pour les repousser. Jésus,
lui, a repoussé le diable, et le diable s’est éloigné jusqu’au meilleur moment.
Quel est ce meilleur moment ? Cette question est une invitation à relire
tout l’évangile de Luc, pour y chercher le retour du diable… on ne trouvera
rien. Il faut alors relire l’évangile en se demandant si, à un moment
particulier, Jésus, en tant que Fils de Dieu, réclame quelque chose pour
lui-même.
Et nous trouverons ceci : « Père, si tu veux
écarter de moi cette coupe… » Ce qui ressemble bien à une demande tout à
fait personnelle. C’est la demande que Jésus fait au Père, à Gethsémanée, dans
la peur des souffrances à venir. Mais Jésus n’invoque aucun texte au titre
duquel Dieu le Père serait son obligé. Et son hésitation semble ne durer que
peu de temps. Jésus poursuit ainsi sa prière : « Pourtant, que ce ne
soit pas ma volonté mais la tienne qui se réalise ! » (Luc 22:42).
Nous sommes à des kilomètres de la troisième tentation.
Il y a donc de la place pour une sorte d’exaucement de la prière : « Alors
lui apparut un ange du ciel qui le fortifiait ». La suite, c’est la
Passion Jésus Christ. Passion qui nous conduit sur un chemin d’engagement,
d’espérance et de paix.
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