Marc 6
34 En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut pris de pitié pour eux parce qu'ils étaient comme des brebis qui n'ont pas de berger, et il se mit à leur enseigner beaucoup de choses. 35 Puis, comme il était déjà tard, ses disciples s'approchèrent de lui pour lui dire: «L'endroit est désert et il est déjà tard. 36 Renvoie-les: qu'ils aillent dans les hameaux et les villages des environs s'acheter de quoi manger.» 37 Mais il leur répondit: «Donnez-leur vous-mêmes à manger.» Ils lui disent: «Nous faut-il aller acheter pour deux cents pièces d'argent de pains et leur donner à manger?» 38 Il leur dit: «Combien avez-vous de pains? Allez voir!» Ayant vérifié, ils disent: «Cinq, et deux poissons.» 39 Et il leur commanda d'installer tout le monde par groupes sur l'herbe verte. 40 Ils s'étendirent par rangées de cent et de cinquante. 41 Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et levant son regard vers le ciel, il prononça la bénédiction, rompit les pains et il les donnait aux disciples pour qu'ils les offrent aux gens. Il partagea aussi les deux poissons entre tous. 42 Ils mangèrent tous et furent rassasiés. 43 Et l'on emporta les morceaux, qui remplissaient douze paniers, et aussi ce qui restait des poissons. 44 Ceux qui avaient mangé les pains étaient cinq mille hommes.
2 Rois 4
42 Un homme vint de Baal-Shalisha et apporta à l'homme de Dieu du pain de prémices: vingt pains d'orge et de blé nouveau dans un sac. Elisée dit: «Distribue-les aux gens et qu'ils mangent!» 43 Son serviteur répondit: «Comment pourrais-je en distribuer à cent personnes?» Il dit: «Distribue-les aux gens et qu'ils mangent! Ainsi parle le SEIGNEUR: ‹On mangera et il y aura des restes.› » 44 Le serviteur fit la distribution en présence des gens; ils mangèrent et il y eut des restes selon la parole du SEIGNEUR.
Prédication
Comme vous l’avez entendu, Élisée, un jour multiplia des
pains. Ces pains venaient d’un endroit que nous ne savons pas localiser, mais son
nom est assez facile à comprendre, il signifie Trois-Baal, ou Trois fois
Baal. Que ce nom de lieu porte le nom de Baal indique d’emblée que l’homme aux pains venait de l’étranger,
ou, plus probablement, que le culte de l’Éternel ne s’était pas imposé partout
en Israël. Les cultes cananéens anciens y ont toujours plus ou moins subsisté,
avec plus ou moins d’influence, selon les lieux, et selon les souverains ;
selon les souverains aussi et leur politique étrangère, des cultes étrangers
ont pu aussi apparaître en Israël. Trois-Baal
est sans doute une sorte de nom générique des lieux d’absolues corruption et
perdition. Pourtant, un homme sort de ce lieu, décidé à obéir au commandement
de l’offrande des prémices à l’Éternel, cet homme est le premier personnage de
cette histoire en trois versets. Ce que fait cet homme signifie que même dans
des lieux totalement corrompus, il demeure un tout petit nombre de personnes,
ici un seul homme, pour être fidèle à l’Éternel.
Et c’est ainsi que des pains – les premiers pains de la
saison – furent apportés à l’homme de Dieu. Il y avait 20 pains d’orge et de
blé nouveau, et il y avait 100 personnes. Dans le calcul que nous faisons pour
savoir comment partager équitablement ces pains, nous ne devons pas oublier que
les pains de ces pays-là ne sont pas nos bons gros pain dodus et rebondis, mais
plutôt des sortes de galettes… et que partagés chacun en cinq morceaux, ça ne
fait pas vraiment grand-chose pour chacun. Mais la satiété n’est pas ce qui
intéresse l’auteur de ces versets ; il est indiqué que les gens qui
étaient assemblés autour de la maison de l’homme de Dieu mangèrent et qu’il y
eut des restes. Ce qui intéresse notre auteur, c’est les restes
Plus encore que les restes… il n’est pas écrit qu’il y
eut des restes, il n’est pas écrit qu’il y eut du pain dans les paniers et dans
les sacs. Il est écrit qu’il resta – un verbe – et non pas des restes. Rester
est donc un verbe. Et avec rester qui est un verbe, ce ne sont plus des morceaux de pain qui restent, mais des hommes. Alors, lorsque des hommes restent – dans le
sens de ce texte – qu’est-ce que cela signifie ?
Rester, par exemple, c’est continuer à vivre selon le
commandement même si vous êtes seul parmi vos contemporains à le faire. Rester,
c’est demeurer plein d’espérance et fidèlement proche du lieu où la Divine Parole
s’est fait entendre. Rester, c’est partager ce qui est reçu en don… Et rester c’est
rechercher ces dons dont l’abondance est directement liée au partage qu’on en
fait...
Et c’est ainsi que le reste engendre le reste dans cette petite histoire en 3 versets, c’est ainsi que rester appelle à rester…
Ce récit de multiplication des pains a dû inspirer les
auteurs des évangiles, Marc le premier. Et le récit de Marc est vraiment très
proche, presque décalqué sur celui de 2 Rois. Anonymat du donneur, puissance de
l’homme de Dieu – avec ou sans invocation, question de style ou d’époque –
totale disproportion entre la nourriture disponible et l’effectif des convives,
et restes dans les deux cas. Comme nous l’avons dit déjà, le reste engendre le
reste, et rester appelle à rester.
Mais il y a tout de même des différences notables, que
nous allons tâcher de repérer et de commenter.
Dans l’évangile de Marc, c’est une foule qui est
rassemblée. Le mot utilisé pour parler de cette foule est chargé d’une menace
de chaos ; d’une menace de violence, les foules étant versatiles. D’autant
que cette foule-là est composée de gens qui sont « comme des brebis sans
bergers ». C’est même une très grande foule, 5000, autant dire infini –
vous voyez des silhouettes jusqu’à l’horizon.
Et cette foule se rassemble quelque part, un lieu sans
nom qui n’est la maison de personne. Manière de signifier que c’est partout que
cela se passe, ou que cela peut se passer.
Les pains et les poissons viennent de nulle part. Il est
clair que quelqu’un les a achetés, mais ils sont simplement là, quelque part
dans le paquetage de tel ou tel disciple. Ce qui nous suggèrera que le reste
initial de ce qui est donné peut venir de partout. Et plus encore, si peu que
quelqu’un ait, et qu’il aurait fait projet de donner, ou pas, cela peut servir
à l’édification temporaire d’une communauté. Mais on retiendra surtout que ce
presque rien, voire ce rien initial qui peut jaillir de partout, permet en tout
lieu à toute espérance communautaire de prendre au moins temporairement une consistance
fraternelle concrète.
En somme donc, avec le presque rien des restes initiaux, et avec le quasi infini de la foule, l’évangile de Marc dit l’universelle possibilité d’une communauté fraternelle féconde... sous réserve que cette communauté soit conduite par un berger.
Nous n’avons pas parlé beaucoup de l’Homme de Dieu Élisée,
ni du Berger Jésus.
D’abord, nous n’allons pas faire la moue devant cet
incroyable catéchisme et repas que la providence ordonne par Élisée et par
Jésus. Bénis soient-ils, et heureux sommes-nous !
Mais ni Élisée ni Jésus ne vont être présents en
permanence pour éviter aux serviteurs et aux disciples toutes sortes de
dérapages ; ils ne seront pas toujours là non plus pour multiplier les pains
afin de nourrir la terre entière.
Alors une fois que les repas spirituels qui nous ont été
donnés nous auront rassurés et instruits, nous ne serons pas tout à fait impuissants
ni démunis devant certains fléaux. L’espérance au nom de l’Éternel par laquelle
nous sommes nourris nourrit notre espérance, et appelle notre engagement :
il faut savoir être celui qui n’apporte que quelques miettes.
Nombreux étaient les convives de la multiplication des
pains, et ils n’avaient rien apporté. Trois étaient les femmes au tombeau qui n’apportèrent
rien au témoignage de la résurrection, puisqu’elles se turent à jamais. Et c’est
à partir de ce rien-là, apporté par on ne sait qui, que fut prêchée, Dieu
voulant, l’espérance qui nous nourrit encore aujourd’hui. De ce reste nous
vivons, et de ce reste nous restons.
Ce blog, par lequel vous sont offertes les versions texte de sermons prononcer par ailleurs, va prendre un peu de repos. Nous nous retrouverons à partir du 5 septembre. Merci de votre compréhension et de votre fidélité.