Deutéronome 4,1-8 TOB-1988 (le SEIGNEUR traduit les quatre lettres du nom de Dieu)
1 Et maintenant, Israël, écoute les lois et les coutumes que je vous apprends moi-même à mettre en pratique: ainsi vous vivrez et vous entrerez prendre possession du pays que vous donne le SEIGNEUR, le Dieu de vos pères. 2 Vous n'ajouterez rien aux paroles des commandements que je vous donne, et vous n'y enlèverez rien, afin de garder les commandements du SEIGNEUR votre Dieu que je vous donne. 3 Vous avez vu de vos yeux ce que le SEIGNEUR a fait à Baal-Péor; tous ceux qui avaient suivi le Baal de Péor, le SEIGNEUR ton Dieu les a exterminés du milieu de toi, 4 tandis que vous, les partisans du SEIGNEUR votre Dieu, vous êtes tous en vie aujourd'hui.
5 Voyez, je vous apprends les lois et les coutumes, comme le SEIGNEUR mon Dieu me l'a ordonné, pour que vous les mettiez en pratique quand vous serez dans le pays où vous allez entrer pour en prendre possession; 6 vous les garderez, vous les mettrez en pratique: c'est ce qui vous rendra sages et intelligents aux yeux des peuples qui entendront toutes ces lois; ils diront: «Cette grande nation ne peut être qu'un peuple sage et intelligent!» 7 En effet, quelle grande nation a des dieux qui s'approchent d'elle comme le SEIGNEUR notre Dieu le fait chaque fois que nous l'appelons? 8 Et quelle grande nation a des lois et des coutumes aussi justes que toute cette Loi (Torah) que je vous donne aujourd'hui?
Jacques 1,17-27DRB-1885
17 tout ce qui nous est donné de bon et tout don parfait descendent d'en haut, du Père des lumières, en qui il n'y a pas de variation ou d'ombre de changement. 18 De sa propre volonté, il nous a engendrés par la parole de la vérité, pour que nous soyons une sorte de prémices de ses créatures. 19 Ainsi, mes frères bien-aimés, que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler, lent à la colère; 20 car la colère de l'homme n'accomplit pas la justice de Dieu. 21 C'est pourquoi, rejetant toute saleté et tout débordement de malice, recevez avec douceur la parole implantée, qui a la puissance de sauver vos âmes. 22 Et mettez la parole en pratique, et ne l'écoutez pas seulement, vous séduisant vous-mêmes. 23 Car si quelqu'un écoute la parole et ne la met pas en pratique, il est semblable à un homme qui observe sa face naturelle dans un miroir; 24 puis s’étant observé lui-même et s'en est allé, et aussitôt il a oublié ce qu’il était. 25 Mais celui qui aura plongé le regard de près dans la loi parfaite, celle de la liberté, et qui aura persévéré, n'étant pas un auditeur oublieux, mais un faiseur d'œuvre, celui-là sera bienheureux dans ce qu’il fera. 26 Si quelqu'un pense être pratiquant et qu'il ne0 tienne pas sa langue en bride, et trompe son cœur, la pratique religieuse de cet homme est vaine. 27 La pratique pure et sans tache devant Dieu le Père, est celle-ci : visiter les orphelins et les veuves dans leur affliction, et se conserver pur du monde.
Prédication :
Au début de cette prédication,
relisons deux des versets que nous avons lus déjà. Dans l’épître de
Jacques : « La religion pure et sans tache devant Dieu le Père, la
voici : visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse; se garder
du monde pour ne pas se salir (Jacques 1:27TOB/JD). Et dans le Deutéronome : « 7 En effet, quelle grande
nation a des dieux qui s'approchent d'elle comme le Seigneur notre Dieu le fait
chaque fois que nous l'appelons ? » (Deutéronome 4:7TOB).
Les Hébreux ont-ils cru
cela ? Ceux qui ont écrit le Deutéronome ont-ils cru cela ? Après
avoir subi les foudres de l’empire Assyrien (722 av. JC.) et la perte de
plusieurs des tribus d’Israël, après avoir subi les foudres de l’empire Babylonien,
la destruction de la ville et du Temple, plus la déportation (585 av. J.C.)… les
Hébreux pouvaient-ils croire qu’il suffit d’appeler le Seigneur pour qu’il se
manifeste ? Pouvaient-ils croire cela ?
Nous arrêtons là cette
énumération historique, puisqu’elle mentionne les catastrophes majeures dont
les auteurs du Deutéronome – pas seulement du Deutéronome – ont eu à répondre
lorsqu’ils ont construit leur doctrine et composé leurs livres… et à ces premières
catastrophes majeures il convient d’ajouter toutes les autres catastrophes, ces
catastrophes individuelles, domestiques, auxquelles chaque être humain, tôt ou
tard, doit faire face… sans oublier LA catastrophe, la Shoah, dans laquelle les
enfants d’Israël furent anéantis par millions et à laquelle pour toujours il
nous faut faire face.
Croyaient-ils vraiment
cela, les auteurs anciens, qu’on appelle le Seigneur et qu’alors le Seigneur s’approche ?
Et avec cela croyaient-ils
aussi que la conservation scrupuleuse et littérale des commandements et
coutumes, ainsi que leur minutieuse mise en pratique, seraient de nature à
faire d’eux les propriétaires invincibles et perpétuels de la terre de Canaan,
exemptés de toute souffrance, de tout mal ?
Ont-ils cru cela ? Nous
pouvons nous poser cette question… le texte nous y conduit.
En affirmant – si nous lisons bien – que le Seigneur s’approche chaque fois qu’il est appelé par ses fidèles, nous nous contraignons à nous demander ce qu’il fait le reste du temps, lorsqu’il n’est pas appelé. Lorsqu’il n’est pas appelé, où est-il ? Lorsqu’il n’est pas appelé, que fait-il ? Et nous sentons bien que le Seigneur, s’il ne répond qu’à l’appel de ses fidèles, n’est pas vraiment différent qualitativement des dieux des autres nations… Il est alors juste un dieu lointain.
Bien sûr, certains nous
diront qu’ils ont appelé et que Dieu, muet jusque là, leur a soudainement et
enfin répondu. D’autres aussi verront en tel ou tel événement important
l’action du Seigneur s’étant approché. Il y a peu à dire là-dessus :
Alléluia. Peu à dire, mais il y a à se demander si, quand le Seigneur
s’approche pour certains, pourquoi il ne s’approche pas pour les autres ?
Le verset que nous avons lu ne suggère que des réponses qui accablent
d’avantage encore ceux pour qui le Seigneur ne s’est pas manifesté : ils
n’auront pas prié suffisamment, ou avec trop peu de ferveur, ou pas de la bonne
manière, ou ils n’auront pas su ouvrir leurs yeux, et leurs cœurs, devant
l’immanquable approche du Seigneur qui pourtant s’approche…
Doit-on ainsi charger toujours d’avantage les épaules et les consciences de ceux qui peinent, de ceux qui souffrent ?
Nous ne pouvons guère
aller plus loin avec ce verset, du moins tel qu’il était jusqu’ici
traduit : « …quelle grande nation a des dieux qui s'approchent d'elle
comme le Seigneur notre Dieu le fait chaque fois que nous
l'appelons ? »
Ici la qualité du Seigneur est d’être proche. Il n’est
pas plus ou moins proche. Il n’opère pas de va-et-vient qui seraient en lien
avec la dévotion de ses fidèles. Proche, c’est ce qu’il est.
Pour préciser ce qu’est cette proximité nous pouvons proposer
une confession de foi, très simple : « Rien de ce qui m’arrive n’est
étranger à Dieu ». Une confession qu’il est possible de retrouver dans
certains cantiques un peu anciens, comme Prends
ma main dans la tienne (Alléluia,
47/14 ; un texte de 1908) : « Que ta main me dispense joie ou
douleur, Paisible en ta présence, garde mon cœur. » Et encore dans ce
qu’une très vieille paroissienne, terriblement éprouvée par la vie, m’avait une
fois confié : « Sa main s’est trop souvent appesantie sur moi, mais
je n’ai jamais douté de son amour. »
Celui qui dit ainsi que le Seigneur est proche, n’énonce
pas quelque chose qui porte sur le Seigneur. Il essaie de dire comment il voit
sa vie, comment il voit la vie, commet il vit sa vie. Il essaie de dire qu’il
essaie de recevoir sa vie en s’ouvrant de tout son cœur à ce qui advient, à ce
réel qui inévitablement et toujours s’impose, et se moque des savoirs des
humains ainsi que de leur piété.
A cette tentative d’ouverture toujours recommencée, le
philosophe Gabriel Marcel (1889-1973), devenu chrétien en 1929, au milieu de sa
vie, avait donné le nom d’invocation (un recueil de ses articles et travaux a
paru en 1940 sous le titre Du refus à
l’invocation).
« …le Seigneur,
notre Dieu, est près de nous, dans tout ce pour quoi nous
l'invoquons. »
Invoquer Dieu, c’est – nous venons de le dire – se mettre
en quête d’ouverture à la vie. Cette quête a besoin de moyens. Nous pouvons
chercher, et trouver dans les œuvres de culture – pas nécessairement
religieuses – de quoi nourrir et former cette ouverture. Nous pouvons aussi
penser que les études bibliques, ateliers de réflexion, partages de toutes
sortes sont aussi une forme de l’invocation.
Nous pourrons aussi considérer que, de son ouverture à sa
clôture, le culte est tout entier invocation. Dans les parties liturgiques, et
dans les chants, il reprend après eux les chemins frayés par nos
ancêtres ; dans la prédication, il essaie d’ébaucher un chemin peut-être
aujourd’hui praticable ; et dans la Sainte Cène il y a le mystère de
l’existence et de la simple possibilité de ces chemins.
En tout cela, le Seigneur qui est proche – c’est sa
qualité essentielle – se manifeste, non pas parce que nous l’invoquons afin
qu’il vienne – en réalité il est toujours déjà là parce que sa qualité
essentielle est qu’il est proche : il se manifeste parce que ses
invocateurs le manifestent, il se manifeste parce que nous le manifestons.
Dans ces débuts de l’ère chrétienne, les gens se sont
interrogés, se sont affrontés, au sujet de ce qu’il convenait de faire et de
dire en religion. Et cela a dû être difficile, parfois brutal… Au point que
certains auteurs ont suggéré que tous ces débats, toutes ces réflexions, étaient
du temps perdu, du temps en moins pour soulager la misère. Alors, en ce
temps-là, Jacques, l’auteur de l’épître, proposa qu’on tourne le dos aux
passions du monde, et le débat religieux fait parfois partie de ces passions du
monde. Voici ce que Jacques propose : « Le service religieux pur et
sans tache devant Dieu le Père, est celui-ci : de visiter les orphelins et les
veuves dans leur affliction, de se conserver pur du monde. »
Et voici que la diaconie serait l’ultime forme possible
de l’invocation, en laquelle le Seigneur proche serait manifesté par ceux qui
l’invoquent de cette manière toute pratique.
Le Seigneur est proche. Amen