dimanche 26 mai 2019

De la nouvelle Jérusalem (Apocalypsse 21,9-24)

J'ai choisi cette photo qui rappelle un événement récent pour illustrer le renouvellement de toutes choses sur lequel s'ouvre le 21ème chapitre de l'Apocalypse selon Jean. Vous pouvez trouver en ligne de très nombreuses mises en image de la nouvelle Jérusalem, dont certaines - très intéressantes - font figurer à la fois la nouvelle cité, et l'ancienne cité que la nouvelle va écraser et couvrir. Ainsi - et c'est donc selon les auteurs - la nouvelle Jérusalem va écraser et remplacer le Manhattan Sud de New York City, ou l'actuelle Jérusalem et surtout, bien en évidence, la partie arabe de la ville les deux mosquées qui la surplombent. Un monde qui serait transformé de cette manière là ne serait en rien transformé, et en rien renouvelé; il serait reconstruit à l'identique. Or, la cité céleste ne vient recouvrir ni l'ancienne cité ni l'ancien monde. Elle vient après leur disparition (Apocalypse 21,1 et suivants). Quelqu'un peut-il représenter "le premier ciel et la première terre ont disparu, et la mer n'est plus" ? C'est un nouveau commencement qui est annoncé. Quelqu'un peut-il dire ce qu'il y avait avant "au commencement" ? 

Apocalypse 21
9 Alors l'un des sept anges qui tenaient les sept coupes pleines des sept derniers fléaux vint m'adresser la parole et me dit: Viens, je te montrerai la fiancée, l'épouse de l'agneau.
10 Il me transporta en esprit sur une grande et haute montagne, et il me montra la cité sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu.
11 Elle brillait de la gloire même de Dieu. Son éclat rappelait une pierre précieuse, comme une pierre d'un jaspe cristallin.
12 Elle avait d'épais et hauts remparts. Elle avait douze portes et, aux portes, douze anges et des noms inscrits: les noms des douze tribus des fils d'Israël.
13 À l'orient trois portes, au nord trois portes, au midi trois portes et à l'occident trois portes.
14 Les remparts de la cité avaient douze assises, et sur elles les douze noms des douze apôtres de l'agneau.
15 Celui qui me parlait tenait une mesure, un roseau d'or, pour mesurer la cité, ses portes et ses remparts.
16 La cité était carrée: sa longueur égalait sa largeur. Il la mesura au roseau, elle comptait douze mille stades: la longueur, la largeur et la hauteur en étaient égales.
17 Il mesura les remparts, ils comptaient cent quarante-quatre coudées, mesure humaine que l'ange utilisait.
18 Les matériaux de ses remparts étaient de jaspe, et la cité était d'un or pur semblable au pur cristal.
19 Les assises des remparts de la cité s'ornaient de pierres précieuses de toute sorte. La première assise était de jaspe, la deuxième de saphir, la troisième de calcédoine, la quatrième d'émeraude,
20 la cinquième de sardoine, la sixième de cornaline, la septième de chrysolithe, la huitième de béryl, la neuvième de topaze, la dixième de chrysoprase, la onzième d'hyacinthe, la douzième d'améthyste.
21 Les douze portes étaient douze perles. Chacune des portes était d'une seule perle. Et la place de la cité était d'or pur comme un cristal limpide.
22 Mais de temple, je n'en vis point dans la cité, car son temple, c'est le Seigneur, le Dieu tout-puissant ainsi que l'agneau.


Prédication :


            Voici donc une partie de la description de la nouvelle Jérusalem, cité-Église que Jean – selon le livre de l’Apocalypse – a vue, montrée à lui par l’ange, dans les derniers moments de la vision : au moment du grand renouvellement de toutes choses, cette cité descend du nouveau ciel sur la nouvelle terre. Et dans la vision apparaissent les mesures de la cité, l’inventaire des matériaux précieux dans lesquels elle est construite, et deux précisions architecturales. La cité « avait douze portes et, aux portes, douze anges et des noms inscrits : les noms des douze tribus des fils d’Israël. » « Les remparts de la cité avaient douze assises, et sur elles les douze noms des douze apôtres de l’agneau. »
            L’apocalypse est riche de symboles indéchiffrables… mais les deux éléments que nous venons d’isoler semblent être accessibles à une réflexion que nous allons maintenant tenter d’esquisser.

Douze portes, douze anges et les noms des douze tribus des fils d’Israël. Il faut emprunter l’une des ces douze portes pour entrer dans la cité. Qu’est-ce à dire ? Souvenons-nous à ce moment d’un cantique – nous l’avons chanté ces derniers temps – dont le titre est « Écoutez un saint cantique ». Il figure dans les chants de Noël du recueil Alléluia (n°.32/31). C’est un bon chant de Noël qui ancre sa première strophe à la fois dans la période de l’Avent – attente de Noël et attente de l’accomplissement des siècles – et aussi dans l’Ancien Testament. Voici la fin de la première strophe : « La Loi conduit à la grâce, et Moïse à Jésus Christ ».
Les douze portes de la nouvelle Jérusalem portent les noms des douze tribus de l’ancien Israël. C’est une manière pour l’auteur de l’Apocalypse d’exprimer sa conviction que toute l’histoire de Dieu avec son peuple, et toutes les douze variantes essentielles de cette histoire, mènent l’humanité entière vers la nouvelle Jérusalem. Toutes les tribus n’ont pas exactement eu la même histoire. Et le nombre de douze symbolise la totalité des aventures possibles. Et qu’est-ce qui représente le mieux les aventures des tribus et de l’humanité avec Dieu ? « La Loi conduit à la grâce, et Moïse à Jésus Christ ». Ce qui représente le mieux cette aventure, c’est l’appel de Moïse par Dieu, et par Moïse l’appel des esclaves à la liberté ; le don de la Loi et l’appel à l’obéissance ; la faiblesse congénitale du peuple, son refus de la liberté et de la Loi, sa préférence pour l’aliénation ; et, toujours, toujours, toujours, l’infinie patience de Dieu qui émonde, qui corrige, qui aide, qui aime ; Dieu qui inlassablement cherche et conduit son peuple… C’est l’histoire du peuple hébreu, de la disparition de dix des douze tribus, déportées par les Assyriens au 8ème siècle avant Jésus Christ, l’histoire des deux tribus restantes, l’exil à Babylone, et la promesse du retour de tous, et du retour non seulement du peuple élu vers la cité et la terre de la promesse, mais encore de l’invitation que Dieu fait à l’humanité entière de se joindre à la promesse. Car le visionnaire auteur de l’Apocalypse est de ceux que leur foi a amenés à se tourner vers les nations, il est de ceux qui croient que Dieu s’en est allé vers toutes les nations pour leur dire son amour pour l’humanité, et que c’est en Jésus Christ que cette ouverture a eu lieu. Ces douze portes, avec les noms des douze tribus des fils d’Israël, représentent ce qu’on peut appeler une théologie de l’histoire.
Et ça n’est pas tout. Les douze portes portent les noms des douze tribus d’Israël, pour représenter tous les chemins possibles qui mènent à Dieu. Oui les tribus étaient sœurs et leur culte fut un temps unifié, mais il fut un temps aussi où chaque tribu d’Israël avait son ou ses lieux de culte, avait ses propres manières de rendre un culte à Dieu – à son dieu – et où chaque tribu aussi avait ses propres lois et ses propres juges. Cette diversité, image racinaire de la diversité des peuples, des lois et des cultes, indique que c’est toujours d’abord par une forme d’observance pieuse qu’on tâche de s’approcher de Dieu et qu’on tâche de se le rendre présent et favorable. En somme, qui que l’on soit, d’où que l’on vienne, c’est par la piété, l’obéissance littérale, voire l’obéissance sans comprendre ni voir, qu’on commence sa vie d’adorateur. Et c’est seulement lorsqu’on franchit l’une des douze portes que la présence de Dieu devient manifeste. Dans la neuve cité, Dieu est partout et toujours présent ; on n’y a besoin ni de temple, ni d’éclairage public, ni non ni non plus de culte – ne subsistent qu’action de grâce et louange.
Voici pour les portes.
Une porte que virent à Babylone les déportés des tribus de Benjamin et de Juda, qui est visible à Berlin, et quelques anges errants. 

Et maintenant, la muraille. Toute ville proche orientale digne du nom de ville est encerclée et protégée par une muraille. Souvenez-vous des sièges mis autour de Samarie (-722, après un siège de plusieurs années), ou  autour de Jérusalem, du siège de Tyr (qui dura 13 ans ; de -585 à -572). Lorsque Jérusalem fur prise, vers l’an -585 (troisième campagne des Babyloniens), furent détruits la muraille et le temple ; et lors que Hébreux furent autorisés à reconstruire, ils commencèrent par le temple, la muraille vint après.
La muraille de la nouvelle cité est, nous l’avons déjà dit, percée de douze portes, et elle est fort épaisse.  Pour être solide, ses fondations doivent être profondes. Les assises – le soubassement – de la muraille possède douze couches portant les noms des douze apôtres de l’Agneau. C’est au douze apôtres que l’humanité doit de connaître Jésus Christ, l’annonciateur de la grâce de Dieu. La tradition rapporte que chacun des douze apôtres est parti dans une direction particulière pour annoncer l’Évangile. Chacun des douze apôtres l’a annoncé à sa manière. Le nouveau testament porte en lui-même la trace de cette diversité et il constitue la base – et la norme – de toutes les prédications possibles de la grâce. Cette grâce fut manifestée dès le commencement, et non pas seulement après l’advenue de Jésus Christ ; c’st une conviction forte que certains Pères de l’Église défendront. Lorsqu’on construit, les fondations sont toujours construites en premier, avant les murailles ; de même la grâce est toujours première, dès le commencement.
Beth est la première lettre de la Bible. Côté gauche, dans le creux de l'intérieur de cette lettre, il y a ce qu'il faut de souffle et d'élan pour aller très très loin. A droite de la lettre, il n'y a rien qui soit encore écrit, c'est à dire qu'il y a là seulement les divines prémices de la nouvelle création.

Ainsi, c’est par la Loi (éthique) et les cultes pieusement observés qu’on arrive sûrement au pied de la muraille, devant les portes de la cité de Dieu ; mais la Loi et les cultes ne sont solides et fiables que pour autant qu’ils sont fondés sur l’Évangile, c'est-à-dire sur la grâce divine.
Mais l’humanité est-elle capable de fonder sur la grâce et sur la grâce uniquement, les cultes qu’elle pratique et les Lois qu’elle promulgue ? Il est très difficile, et même impossible, que nous nous prononcions avec autorité sur l’humanité toute entière. Mais il y a dans le texte une indication : La Jérusalem nouvelle, cité-temple qui doit descendre du ciel, est l’œuvre de Dieu. Ce qui indique que Dieu, et sans doute Dieu seul, est capable de fonder sur la grâce seule les cultes et les Lois. Les humains – et donc nous autres – ne sont pas capables de ce prodige. Mais en même temps, c’est bien un être humain qui, ayant fait l’expérience de la grâce a été capable de rendre compte de sa vision sans instituer un culte de plus. C’est donc que quelque chose est possible, et dont l’humanité est capable. Recevoir la vision et la transcrire, et la transmettre, l’humanité en est capable. L’humanité est donc capable de visualiser la cité, et son architecture générale, de fréquenter les chemins qui y mènent, et de comprendre aussi qu’il n’appartient qu’à Dieu seul de réaliser tout cela. Et bien, à cette humanité, capable de témoigner de ce qui n’est pas encore, mais qui un jour sera, il ne reste qu’à laisser là son témoignage, offert à ses contemporains.
Et nous croyons – nous affirmons – qu’en pensant cela et en agissant ainsi – le goût et l’expérience de cette cité nous sont déjà un peu donnés. Que le Seigneur nous fasse cette grâce. Amen