lundi 20 mai 2019

Qui sont les nations ? (Actes 13)

Actes 13
14 Et eux, étant partis de Perge, traversèrent le pays et arrivèrent à Antioche de Pisidie; et étant entrés dans la synagogue le jour du sabbat, ils s'assirent.
 15 Et après la lecture de la loi et des prophètes, les chefs de la synagogue leur envoyèrent dire: Hommes frères, si vous avez quelque parole d'exhortation pour le peuple, parlez.
 16 Et Paul, s'étant levé et ayant fait signe de la main, dit: Hommes israélites, et vous qui craignez Dieu, écoutez:
 17 Le Dieu de ce peuple choisit nos pères et éleva haut le peuple pendant son séjour au pays d'Égypte; et il les en fit sortir à bras élevé.
 
26 Hommes frères, fils de la race d'Abraham, à vous et à ceux qui parmi vous craignent Dieu, la parole de ce salut est envoyée;
 27 car ceux qui habitent à Jérusalem et leurs chefs, n'ayant pas connu Jésus, ni les voix des prophètes qui se lisent chaque sabbat, ont accompli celles-ci en le jugeant.
 28 Et quoiqu'ils ne trouvassent en lui aucun crime qui fût digne de mort, ils prièrent Pilate de le faire mourir.
 29 Et après qu'ils eurent accompli toutes les choses qui sont écrites de lui, ils le descendirent du bois et le mirent dans un sépulcre.
 30 Mais Dieu l'a ressuscité d'entre les morts.
 31 Et il a été vu pendant plusieurs jours par ceux qui étaient montés avec lui de la Galilée à Jérusalem, qui sont maintenant ses témoins auprès du peuple.
 32 Et nous, nous vous annonçons la bonne nouvelle quant à la promesse qui a été faite aux pères,
 33 que Dieu l'a accomplie envers nous, leurs enfants, ayant suscité Jésus; comme aussi il est écrit dans le psaume second: "Tu es mon Fils, moi je t'ai aujourd'hui engendré".

42 Et comme ils sortaient, ils demandèrent que ces paroles leur fussent annoncées le sabbat suivant.
 43 Et la synagogue s'étant dissoute, plusieurs des Juifs et des prosélytes qui servaient Dieu suivirent Paul et Barnabas, qui leur parlant, les exhortaient à persévérer dans la grâce de Dieu.
44 Et le sabbat suivant, presque toute la ville fut assemblée pour entendre la parole de Dieu;
 45 mais les Juifs, voyant les foules, débordèrent de jalousie et (vinrent) contredire en blasphémant  ce que Paul disait.
 46 Alors Paul et Barnabas y allèrent franchement et dirent: C'était à vous premièrement qu'il fallait annoncer la parole de Dieu; mais puisque vous la rejetez, et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons vers les nations,
 47 car le Seigneur nous a commandé ainsi: "Je t'ai établi pour être la lumière des nations, afin que tu sois en salut jusqu'au bout de la terre".
 48 Et lorsque ceux des nations entendirent cela, ils s'en réjouirent, et ils glorifièrent la parole du Seigneur; et tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent. 49 Et la parole du Seigneur se répandait par tout le pays.
 50 Mais les Juifs excitèrent les femmes de qualité qui servaient Dieu et les principaux de la ville; et ils suscitèrent une persécution contre Paul et Barnabas, et les chassèrent de leur territoire.
 51 Mais eux, ayant secoué contre eux la poussière de leurs pieds, s'en vinrent à Iconium.

 52 Et les disciples étaient remplis de joie et de l'Esprit Saint.
Prédication :
            De ce 13ème chapitre des Actes des Apôtres je voudrais vous dire que cela fait plus d’une semaine déjà qu’il est bien présent sur ma table de travail. Il a été l’occasion d’une étude biblique, et sera au programme d’une seconde étude biblique ; il a été l’occasion d’une méditation lors de la dernière séance du Conseil presbytéral, et le voici encore – et je pense que les questions qui sont posées dans ce chapitre resteront encore en suspens. Quelles sont ces questions ? Les principales questions sont ici au nombre de trois. Voici la première : les juifs sont-ils exclus de la promesse de la vie éternelle ? Voici la seconde : les nations sont-elles, si elles ne se tournent pas vers Jésus Christ, exclues de la promesse de la vie éternelle ? La troisième : les nations qui, depuis la nuit des temps, n’ont pas eu l’occasion de connaître le salut en Jésus Christ, sont-elles exclues de la promesse de la vie éternelle ? Pourquoi ces trois questions ? Il est écrit, parole de l’apôtre Paul s’adressant à des détracteurs juifs devant presque toute la ville d’Antioche de Pisidie : « C’est à vous d’abord que devait être adressée la Parole de Dieu, et maintenant, vous la rejetez et vous vous condamnez vous-mêmes comme indignes de la vie éternelle, nous nous tournons vers les nations. »
            Qui sont les nations ? On les appelle aussi parfois les païens. On dit que ce sont tous ceux qui ne sont pas juifs. Mais dans notre texte, c’est juste un peu plus complexe que cela. Tout au long du chapitre 13 des Actes des Apôtres, il s’ébauche une sorte d’organisation concentrique : au centre, les “juifs”, entendons par là des gens nés et éduqués dans la foi d’Israël (simplification considérable, dont nous pouvons nous contenter) ; autour, des ‘prosélytes’, des gens d’origines diverses ayant embrassé la foi d’Israël, puis des ‘adorateurs de Dieu’ (participent au culte de la synagogue), des ‘craignant Dieu’, puis des ‘païens ou nations’ (des gens de toutes sortes d’origines ethniques qui sont sur le seuil de la synagogue, mais pas vraiment dedans) et enfin les ‘extrémités de la terre’ (à ce niveau, nous pouvons penser qu’ils ne connaissent absolument rien de ce qui se fait et se dit dans le culte pratiqué dans les synagogues, les patriarches, l’exode, etc.).

            Qui sont les nations, ou les païens, vers lesquels vont se tourner Paul et Barnabas ? Ceux qui sont sur le seuil de la synagogue, de toutes origines ethniques possibles. Ou, plus loin, ceux qui sont aux extrémités de la terre, qu’on appelle aussi les nations, qui n’auront jamais entendu parler de Dieu, ni du Fils de Dieu, ni de Moïse et de la Loi, ni des Prophètes... Voici trois remarques sur les nations.

            Les nations (1) Dans la logique du texte, Actes 13, à Antioche de Pisidie, en plein cœur de l’Anatolie, ceux qui sont désignés par le mot nations sont d’abord de ces gens qui sont sur le seuil de la synagogue, qui écoutent le message, qui ont semble-t-il un intérêt pour cette religion qui se présente comme fort ancienne. Ils ne dépassent pas le seuil, et ne sont pas tellement invités à le faire. Sans doute parce que ce sont des gens simples, nombreux, pauvres, et que la synagogue du lieu choisit bien ses membres, femmes riches et notables de la ville. Cette religion est certes accueillante, mais nous voyons qu’elle est une religion d’élite, religion pour l’élite.
Mais la parole de Dieu proclamée par Paul et Barnabas est-elle réservée à une certaine élite ? Nous répondons que non, que le message est pour tous, que la promesse est pour tous, qu’une communauté qui trierait ses membres en considérant leur notabilité et leurs revenus ne serait guère cohérente avec ce qu’elle enseigne et adore.
Quoi qu’il en soit, lorsque Paul déclare solennellement que Barnabas et lui-même vont désormais se consacrer aux nations (aux païens), ces gens-là, ceux du seuil, voire du dehors, se réjouissent et glorifient la parole de Dieu. Ils la glorifient par des cris de joies qui en l’espèce ont dû être des éléments de liturgie repris spontanément, collectivement et bruyamment, et aussi – et surtout – ils glorifient la parole de Dieu par leur adhésion.
Ce que nous venons de dire traite le cas de païens qui, étant aux portes de la synagogue, avaient déjà une petite connaissance des mots, faits et gestes, lois et coutumes, des fils d’Israël et de leur Dieu. La parole de Dieu sous la forme du message de Paul et Barnabas, leur était donc un peu intelligible.
Les nations (2)  Mais qu’en est-il lorsque, le sabbat suivant, presque toute la ville se rassemble, ou encore lorsque la parole du Seigneur gagne toute la contrée (v.49) ? Le message demeure-t-il intelligible, est-il intelligible pour chacun et dès une première audition ? Nous penchons pour une réponse positive.
D’abord nous dirons qu’une personne humaine n’est pas, n’est jamais un sujet coupé de tous les autres. C’est parce que les gens en parlent à d’autres que d’autres en entendent parler. Nous allons aussi  dire que le contexte du 1er siècle de notre ère était propice pour une expansion rapide du message. Un monde pétri par les religions, une vie dure pour les humains, une espérance de vie basse, des millions d’esclaves, un monde brutal ; si dans ce monde vous annoncez sans vous faire payer un Dieu qui pardonne gratuitement, à cause du sacrifice d’un homme, son Fils, mort et ressuscité, que ce Dieu n’exige pas de ces sacrifices prompt à enrichir des prêtres, et qu’il promet la vie éternelle à tous, même aux femmes, mêmes aux esclaves et même aux femmes esclaves, alors vous êtes bien accueilli.
Car le message est simple, clair et approprié, il est en somme intelligible. Et si la religion que vous enseignez n’a besoin ni d’un discours complexe, ni de rituels formidables, ni d’une moralité très supérieure, vous avez du succès. Et vous aurez – et les apôtres ont eu – du succès, au moins dans tout l’empire romain, tout autour de la Méditerranée, c'est-à-dire jusqu’aux extrémités de la terre.
Les nations (3) Et au-delà des extrémités de la terre ? Bien plus loin, bien plus tard. Par exemple au sud de l’Amérique du sud, en Terre de Feu, et dans les canaux de Patagonie.
Je ne sais pas si vous situez qui est Jean RASPAIL (1925-…), écrivain français qui a écrit justement sur les Fuégiens (Onas, Yamanas, Alakalufs). Dans un de ses ouvrages, un roman ethnographique (Qui se souvient des hommes me semble-t-il, 1986) il raconte que lorsque les premiers occidentaux descendirent de leurs navires et entrèrent en contact avec ces ethnies, ils débarquèrent avec un crucifix monumental qu’ils plantèrent là en haut de la place. Les Fuégiens se dirent : “Si c’est ainsi qu’ils traitent leurs ennemis, nous avons intérêt à nous tenir à carreau.” Mais lorsque les nouveaux arrivants leur expliquèrent que cet homme, sanguinolent, agonisant, cloué sur une croix, était leur meilleur ami, leur maître, leur sauveur, les autochtones pensèrent que ces nouveaux arrivants étaient fourbes et qu’on ne pourrait certainement pas leur faire confiance. Le message chrétien ainsi délivré était à cet endroit  totalement inintelligible. Je ne garantis pas la précision de la citation, mais l’esprit y est. Ces peuples ont été découverts au 16ème siècle, mais laissés relativement en paix jusqu’à la colonisation effective de leur pays, au début du 20ème siècle. Lorsque le message chrétien, en même temps que la présence de colons, a été imposé à ces peuples par des missionnaires, ces peuples déjà fort peu nombreux mais qui vivaient là comme à l’âge de pierre, ont connu le sort funeste de l’extinction, et se sont perdus aussi leur culture et leurs dieux.

Nous n’entendons pas ici faire le procès de l’occident chrétien, nous en sommes les fils et les filles et nul ne peut dire ce qu’il aurait fait ni ce qui aurait dû être fait. Mais notre situation aujourd’hui, situation de disciples et de témoins de Jésus Christ est semblable en bien des manières à la situation de ceux qui débarquèrent en Terre de Feu. Nos interlocuteurs sont, pour la plupart, devenus presque totalement, et même pour certains totalement, ignorants de ce qui se dit, de ce qui se fait, de ce qui se pense en religion. Ils n’entendent parler que des religieux radicaux, arrogants dans leurs propos et violents dans leurs actes. Au point que la parole du Seigneur est devenue presque, voire totalement, inintelligible.

Nous n’y pouvons pas grand-chose. Mais il y a plusieurs choses tout de même que nous pouvons faire. A commencer – et nous sommes en train de le faire – par méditer sur cette situations qui est la nôtre. Ensuite, nous devons répondre de notre foi, avec les mots du monde et selon les besoins du monde, et en répondre aussi dans le langage de notre tradition. Nous pouvons encore – finalement et surtout – garder confiance en Dieu.
Il est écrit que la parole du Seigneur gagnait toute la contrée. Il est certain qu’elle allait plus vite et plus loin que les prédicateurs itinérants, et que, bien souvent, elle était même là avant eux.
Rendons gloire à Dieu. Amen

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