mardi 11 juin 2019

Pentecôte ! Comprends-tu ce que tu dis ? (Actes 2)



Actes 2
1 Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble. 2 Tout à coup il y eut un bruit qui venait du ciel comme le souffle d'un violent coup de vent: la maison où ils se tenaient en fut toute remplie; 3 alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s'en posa sur chacun d'eux. 4 Ils furent tous remplis d'Esprit Saint et se mirent à parler d'autres langues, comme l'Esprit leur donnait de s'exprimer.
5 Or, à Jérusalem, résidaient des Juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel.
6 À la rumeur qui se répandait, la foule se rassembla et se trouvait en plein désarroi, car chacun les entendait parler sa propre langue. 7 Déconcertés, émerveillés, ils disaient: «Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens? 8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle? 9 Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l'Asie, 10 de la Phrygie et de la Pamphylie, de l'Égypte et de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en résidence ici, 11 tous, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu.» 12 Ils étaient tous déconcertés, et dans leur perplexité ils se disaient les uns aux autres: «Qu'est-ce que cela veut dire?» 13 D'autres s'esclaffaient: «Ils sont pleins de vin doux.»

14 Alors s'éleva la voix de Pierre, qui était là avec les Onze; il s'exprima en ces termes: «Hommes de Judée, et vous tous qui résidez à Jérusalem, comprenez bien ce qui se passe et prêtez l'oreille à mes paroles. 15 Non, ces gens n'ont pas bu comme vous le supposez: nous ne sommes en effet qu'à neuf heures du matin; 16 mais ici se réalise cette parole du prophète Joël :
« 17 Alors, dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur toute chair, vos fils et vos filles seront prophètes, vos jeunes gens auront des visions, vos vieillards auront des songes; 18 oui, sur mes serviteurs et sur mes servantes en ces jours-là je répandrai de mon Esprit et ils seront prophètes. 19 Je ferai des prodiges là-haut dans le ciel et des signes ici-bas sur la terre, du sang, du feu et une colonne de fumée. 20 Le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang avant que vienne le jour du Seigneur, grand et glorieux. 21 Alors quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. »
 22 «Israélites, écoutez mes paroles: Jésus le Nazôréen, homme que Dieu avait accrédité auprès de vous en opérant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous le savez,  23 cet homme, selon le plan bien arrêté par Dieu dans sa prescience, vous l'avez livré et supprimé en le faisant crucifier par la main des impies; 24 mais Dieu l'a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n'était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir. (…) 36 «Que toute la maison d'Israël le sache donc avec certitude: Dieu l'a fait et Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous aviez crucifié.»
 37 Le cœur bouleversé d'entendre ces paroles, ils demandèrent à Pierre et aux autres apôtres: «Que ferons-nous, frères?» 38 Pierre leur répondit: «Convertissez-vous: que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint Esprit.
 39 Car c'est à vous qu'est destinée la promesse, et à vos enfants ainsi qu'à tous ceux qui sont au loin, aussi nombreux que le Seigneur notre Dieu les appellera.»

 40 Par bien d'autres paroles Pierre rendait témoignage et les encourageait: «Sauvez-vous, disait-il, de cette génération dévoyée.» 41 Ceux qui accueillirent sa parole reçurent le baptême, et il y eut environ trois mille personnes ce jour-là qui se joignirent à eux. 
Prédication : 
Je voudrais vous parler quelques instants de l’un de mes collègues – je ne vous dirai pas son nom – qui a de multiples qualités, dont l’une est, indiscutablement, la gentillesse. Nous nous téléphonons assez régulièrement, pour parler de notre ministère, des personnes avec lesquelles nous devons travailler, de nos lectures, de tout, de rien… Ce collègue a une bonne élocution, il sait faire de belles phrases, dont on sait comment elles commencent et dont on ne sait jamais si elles vont finir, ou comment elles peuvent finir. Alors, lorsqu’il commence l’une de ces phrases, j’attends. Et au bout d’un moment, il s’arrête. Mais tous ne sont pas avec lui aussi patient que moi. Nous étions un jour dans une réunion de pasteurs et nous avions évoqué le 8ème chapitre du livre des Actes des Apôtres. Dans ce chapitre, un apôtre du nom de Philippe interroge un Éthiopien qui est en train de lire le prophète Ésaïe, et voici la question que pose Philippe : « Comprends-tu ce que tu lis ? » Comme nous méditions sur cette question, mon cher collègue commença une phrase sans fin et, comme cela ne finissait pas, et que ça devenait de plus en plus incompréhensible, un autre collègue l’apostropha et lui demanda : « Comprends-tu ce que tu dis ? » Et bien, en lisant et en relisant le 2ème chapitre des Actes, en méditant sur ce texte, c’est cette anecdote qui m’est revenue. La question posée à mon collègue – comprends-tu ce que tu dis ? – me semble pouvoir caractériser valablement la situation de cette première Pentecôte.
Comprends-tu ce que tu dis ?
« Comprends-tu ce que tu dis ? » Imaginons que nous posions cette question aux disciples qui, ayant reçu le Saint Esprit, se mettent à parler des langues qu’ils n’ont jamais apprises. Comprennent-ils ce qu’ils disent ? Ces langues qu’ils n’ont jamais apprises, ils les ont très certainement entendues, parce qu’ils sont assidus au Temple et que le Temple attirait à lui des foules de croyants venus des quatre coins du bassin méditerranéen pour adorer Dieu. Nous savons que le cerveau humain mémorise, malgré nous, toutes sortes d’informations. Et l’Esprit Saint aidant, avec l’émotion qu’il suscite, peut entraîner parfois la résurgence de sons entendus. Mais faute d’un apprentissage réel d’une langue, on ne comprend pas. Ceux donc qui reçoivent l’Esprit Saint se mettent à dire des choses qu’ils ne comprennent pas… et que d’autres, par contre, comprennent parfaitement : « nous les entendons dans nos langues annoncer les merveilles de Dieu ».
Nous pouvons retenir ceci de cette première étape de notre méditation : ceux qui annoncent les merveilles de Dieu annoncent toujours quelque chose qu’ils ne comprennent pas eux-mêmes.

Poursuivons maintenant, en considérant le discours que prononce Pierre. C’est naturellement tout autre chose que ce qui s’est passé juste avant. C’est un discours construit, c’est le discours de quelqu’un qui connaît les règles de la rhétorique, de quelqu’un qui connaît très bien les Saintes Écritures, qui a connu personnellement ce Jésus dont il parle, qui a été acteur et spectateur de l’histoire qu’il raconte ; c’est le discours de quelqu’un qui est capable de s’exprimer dans la langue véhiculaire (peut-être bien le grec), celle que comprennent tous les étrangers qui sont là, à Jérusalem, pour le pèlerinage. C’est le discours d’un homme qui sait très bien ce qu’il veut dire… et pourtant, nous allons poser de nouveau notre question du jour, nous allons la poser à Pierre lui-même : « Pierre, comprends-tu ce que tu dis ? » Bien entendu, Pierre ne va pas nous répondre ; nous allons répondre à sa place, oui, et non.
Oui, Pierre comprend ce qu’il dit. Et nous avons déjà donné tous les arguments qui étayent ce oui. Pourtant, ce oui ne nous satisfait pas, et voici pourquoi. Lorsque Pierre achève son discours, des gens sont bouleversés et demandent ce qu’ils doivent faire. Pierre leur dit quoi faire, et ils le font très exactement, en grand nombre : 3000. Nous pouvons bien évidemment nous réjouir de ce que le premier catéchisme de l’apôtre Pierre ait rencontré un tel succès. Mais ce succès tient-il seulement à Pierre ? Est-ce la science du catéchète qui mène le catéchumène au baptême, et à la confirmation ? La foi chrétienne peut-elle être ramenée à quelques énoncés bien construits et toujours efficaces ? Si nous répondons oui, cela signifie que la puissance de Dieu nous est acquise et nous est due, cela signifie que Dieu est notre obligé, cela signifie que Dieu n’est pas Dieu.
Alors, nous allons répondre que non ; Pierre ne comprend pas ce qu’il dit. Bien sûr, il est en mesure de raconter, de rapporter, d’expliquer. Et tout comme Pierre, les chrétiens doivent être en mesure d’expliquer ce qu’ils disent, ce qu’ils lisent, en mesure d’expliquer ce que signifient toutes les belles phrases de la liturgie. Mais la bonne nouvelle de l’amour de Dieu, la bonne nouvelle de la mort et de la résurrection de Jésus Christ est plus grande et plus profonde que nos énoncés et nos explications. Bien sûr, elle se transmet par nos énoncés et nos explications, mais elle se transmet aussi par l’attention que nous réservons à ceux qui nous interrogent, et elle se transmet mystérieusement, et essentiellement, par ce qu’il leur sera donné de comprendre, elle se transmet donc par l’action libre du Sainte Esprit. C’est pour ces raisons que nous devons dire que Pierre ne comprend pas ce qu’il dit, même s’il le dit si bien. C’est pour ces raisons que nous ne comprenons pas non plus ce que nous disons lorsque nous confessons notre foi. Dieu est plus grand, plus profond que notre foi, plus grand et plus profond que la foi de toutes les Églises.

Nous n’avons pour parler de Lui que nos pauvres mots, nos célébrations, l’attention que nous portons à nos semblables, nos actes parfois… Nous n’avons en somme presque rien. Et c’est avec ce presque rien qu’Il a choisi de se faire connaître. Grâces soient rendues à Dieu. Amen


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