dimanche 17 février 2019

La terre est à Dieu (Psaume 42, Lévitique 25,23-25 et Josué 10,32-40)

Lévitique 25

(Parole de L’Eternel) 23 La terre  ne sera pas vendue avec extinction du droit de rachat, car la terre est à moi; vous n'êtes chez moi que des émigrés et des hôtes ; 24 aussi, dans toute la terre qui sera la vôtre, vous donnerez  le droit de rachat sur la terre.
25 Si ton frère a des dettes et doit vendre une part de sa propriété, celui qui a droit de rachat, c'est-à-dire son plus proche parent, viendra racheter ce que son frère aura vendu.

Psaume 24, 1-2
La terre au Seigneur appartient,
Dans l’univers son bras soutient
Tout ce qui foisonne et respire.
Sur les abîmes du néant
Il a posé les fondements
Et donné vie à son empire.

Josué 10
32 L’Eternel livra Lakish aux mains d'Israël qui s'en empara le second jour, la passa au tranchant de l'épée avec toutes les personnes qui s'y trouvaient, tout comme il avait traité Livna.
 33 Alors Horam, roi de Guèzèr, monta secourir Lakish, mais Josué le frappa ainsi que son peuple au point de ne lui laisser aucun survivant.
 34 Josué, et tout Israël avec lui, passa de Lakish à Eglôn; ils l'assiégèrent et lui firent la guerre.
 35 Ils s'en emparèrent ce jour-là et la passèrent au tranchant de l'épée. Toutes les personnes qui s'y trouvaient, il les voua à l'interdit en ce jour-là, tout comme il avait traité Lakish.
 36 Josué, et tout Israël avec lui, monta de Eglôn à Hébron et il lui fit la guerre.
 37 Ils s'en emparèrent et la passèrent au tranchant de l'épée ainsi que son roi, toutes ses villes et toutes les personnes qui s'y trouvaient. Il ne lui laissa aucun survivant, tout comme il avait traité Eglôn. Il la voua à l'interdit ainsi que toutes les personnes qui s'y trouvaient.
 38 Josué, et tout Israël avec lui, se tourna vers Devir et lui fit la guerre.
 39 Il s'en empara ainsi que de son roi et de toutes ses villes; on les passa au tranchant de l'épée et on voua à l'interdit toutes les personnes qui s'y trouvaient. Josué ne laissa pas de survivant. Il traita Devir et son roi comme il avait traité Hébron et comme il avait traité Livna et son roi.
 40 Josué battit tout le pays: la Montagne, le Néguev, le Bas-Pays, les Pentes, ainsi que tous leurs rois. Il ne laissa pas de survivant et il voua à l'interdit tout être animé comme l'avait prescrit l’Eternel, Dieu d'Israël.



Prédication :
            Et l’Eternel donna Lakish dans la main d’Israël, qui la prit. Le verbe donner est effectivement dans le texte hébreu. L’Eternel donne, Israël prend. Le verbe prendre est aussi dans le texte hébreu. C’est aussi simple que ça, et Israël passe au fil de l’épée tous les habitants de la ville. Ce qui arrive à Lakish arrive aussi à beaucoup d’autres villes. C’est le livre de Josué, un ensemble de récits de conquêtes, des récits extrêmement brutaux. Et tout cela est « prescrit par l’Eternel »… Et tout cela est dans la Bible, Bible qui, encore aujourd’hui, sert de titre de propriété à certains, qui justifient ainsi leur agressivité, leur brutalité... ce que nous ne pouvons que condamner. Une vie est une vie, et un enfant est un enfant, qu’il porte le keffieh ou la kippa.
Condamnons ce qui  doit l’être. Mais sachons bien aussi que la question de savoir quand, comment, à qui, et dans quel état l’Eternel a donné, donne ou donnera la Terre promise est une question qui amène aujourd’hui encore bien des débats. Depuis toujours et dans chaque camp, il y a des colombes et il y a des faucons. Et la terre est à Dieu.
Nous laissons momentanément Josué et ses conquêtes. Et nous nous imaginons maintenant dans un autre temps : la terre, qui est à Dieu, a été partagée entre des tribus, les tribus la partagent entre clans, les clans la partagent entre des familles, les familles entre frères, et chacun cultive son propre lopin, qui lui fournit de quoi vivre et, idéalement aussi, un peu de quoi commercer. L’attachement de chacun à sa propre terre est un attachement puissant, d’autant plus que le partage a été fait selon l’ordre de Dieu. Mais voilà, les affaires peuvent être mauvaises, si mauvaises parfois que certains, pour payer leurs dettes, n’ont plus qu’à vendre leur terre, et parfois aussi leur personne : des hébreux deviennent esclaves d’autres hébreux, et certains hébreux se constituent au fil du temps, en accumulant de petites parcelles, des grands domaines… Pour éviter cela, les juristes de l’époque ont inventé ceci : « 25 Si ton frère a des dettes et doit vendre une part de sa propriété, celui qui a droit de rachat, c'est-à-dire son plus proche parent, viendra racheter ce que son frère aura vendu. » La mise en œuvre du droit de rachat a permis, lorsqu’elle était mise en œuvre, de permettre que le propriétaire initial – lui ou ses descendants – revienne et retrouve la propriété à lui jadis donnée par Dieu.
Cette loi est scellée par une divine parole : « 23 La terre  ne sera pas vendue avec extinction du droit de rachat, car la terre est à moi ; vous n'êtes chez moi que des émigrés et des hôtes. »
L’hébreu, même parvenu en terre promise, n’est pas chez lui, mais chez Dieu. L’affirmation que la terre est à Dieu a une répercussion sur ce qu’est l’homme : soit un émigré, soit un hôte, et surtout qu’il est chez Dieu. Un émigré, c’est quelqu’un qui n’était pas là, sur sa terre, pendant un certain temps et qui, à un moment, revient. Parfois même il revient après des générations ; en tout cas, il revient. Mais pendant son absence, la loi du rachat ayant fonctionné, la terre est restée dans le clan et surtout dans la famille. L’émigré, celui qui revient, peut immédiatement en reprendre possession. Ceci, c’est pour l’émigré. S’agissant de l’hôte, c’est celui qui est effectivement sur la terre, et en particulier au moment où le précédent revient. Et il doit rendre la terre dès que l’émigré revient. Nous imaginons que la transition de l’un à l’autre, qui se fait entre l’émigré et l’hôte qui est son racheteur se fait tout naturellement, sans discussion inutile, sans conflit, sans heurts, peut-être même avec joie. Nous imaginons aussi qu’au fil du temps, des émigrés deviennent hôtes et des hôtes deviennent immigrés : la terre n’appartient au fond ni à l’un, ni à l’autre, parce que, comme nous l’avons dit, la terre est à Dieu. Ainsi l’hébreu qui croit en ce Dieu, en l’Eternel, ne se considère jamais, et n’agit jamais, comme un propriétaire. Ce que Dieu lui a donné, Dieu peut le lui reprendre et ce que Dieu lui a repris, Dieu peut le lui rendre.
Nous avons parlé de l’hébreu qui croit en Dieu, mais c’était aller un peu trop vite en besogne… car, en toute première lecture, nous constatons que cette loi du rachat ne fonctionne qu’au sein d’un même clan, dans une société cananéenne ancienne, brutale, polythéiste. Vous devinez que chaque clan a d’abord son dieu ; tel clan, telle terre, tel dieu. Et que si le clan se disperse ou s’éteint, la terre peut être définitivement perdue. Les historiens de ces périodes anciennes pensent que les premiers hébreux étaient en fait des réformateurs religieux qui auraient eu l’idée d’unifier dieu pour rendre plus efficace la loi du rachat. Après plusieurs réformes de ce genre, l’on est arrivé à l’affirmation que Dieu est UN, qu’il n’est pas représentable, et qu’il ne peut être nommé. Et la question de la fraternité s’est ainsi élargie aux dimensions d’un peuple. La terre – du pays – étant à Dieu, des solidarités entre membres du même peuple pouvait s’exercer d’une manière plus ouverte, au sein d’une communauté de destin plus large, et peut-être ainsi plus pérenne.
Tout n’a pas été résolu pour autant, parce que cet élargissement élargissait aussi la possibilité de constitution de grands domaines. Mais là, les penseurs de l’époque ont eu une autre idée, celle de l’année du Jubilée, où toutes les terres, qui appartiennent à Dieu, étaient rendues à leurs propriétaires des origines.
            Et tout en pensant ces élargissements possibles à l’échelle d’un peuple, certains ont pensé que ces lois divines devraient s’appliquer aussi aux étrangers, esclaves ou non, qui résidaient en Israël, libres ou forcés.

Vous savez enfin que, parmi ces pensées, parmi ces aventures, et ces élargissements successifs, il y a eu à un Galiléen, Jésus, de Nazareth, à la suite duquel tout cela a été élargi à l’échelle de l’humanité entière.

La terre est à Dieu. Non plus le petit lopin du paysan cananéen, mais la terre entière. Nous avons commencé avec le petit agriculteur cananéen nous sommes arrivé à l’homme. Nous avons commencé avec le dieu local et ‘terrien’ des très vieilles religions antiques, et nous voilà avec une certaine idée de IHVH, Grand Dieu de Toute la Terre (Psaume 23).
Et nous nous demandons : qu’est-ce que l’homme ? qu’est-ce qu’un être humain adorateur de ce Dieu ? Comme il était simple de parler d’un petit agriculteur attaché religieusement à son lopin de terre, comme il est difficile de parler concrètement de l’homme, de l’être humain, de chaque être humain comme d’un frère, d’une sœur. Et bien revenons à cette affirmation de départ : « vous n’êtes chez moi que des émigrés et des hôtes. », et supprimons les articles : vous n’êtes chez moi qu’émigrés et hôtes. Non pas tantôt émigrés et tantôt hôte, mais bien les deux en même temps. L’identité du croyant est d’être émigré et hôte tout à la fois. Quelqu’un qui sait que la terre ne lui est pas donnée en propriété, qu’elle reste toujours propriété de Dieu, et que son destin à lui, cet homme, c’est de rester si Dieu veut, c’est de partir si Dieu veut, de revenir si Dieu veut, de partager si Dieu veut, et surtout de trouver sa patrie et sa terre là où la vie l’a placé.

L’homme croyant, l’homme de Dieu, est ainsi – dira-t-on – partout chez lui et partout de passage. Nous ne pourrons jamais l’oublier. Amen