dimanche 28 octobre 2018

La pitié, l'Evangile, la Réformation (Marc 10,46-52)

Joyce Fienberg, 75 ans
Richard Gottfried, 65 ans
Rose Mallinger, 97 ans
Jerry Rabinowitz, 66 ans
les frères Cecil et David Rosenthal, 59 et 54 ans
les époux Sylvan et Bernice Simon, 86 et 84 ans
Daniel Stein, 71 ans
Melvin Wax, 88 ans
Irving Younger, 69 ans

Pittsburg, 27 octobre 2018

Marc 10

46 Ils arrivent à Jéricho. Comme Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une assez grande foule, l'aveugle Bartimée, fils de Timée, était assis au bord du chemin en train de mendier.
47 Apprenant que c'était Jésus de Nazareth, il se mit à crier: «Fils de David, Jésus, aie pitié de moi!»
48 Beaucoup le rabrouaient pour qu'il se taise, mais lui criait de plus belle: «Fils de David, aie pitié de moi!»
49 Jésus s'arrêta et dit: «Appelez-le.» On appelle l'aveugle, on lui dit: «Confiance, lève-toi, il t'appelle.»
50 Rejetant son manteau, il se leva d'un bond et il vint vers Jésus.
51 S'adressant à lui, Jésus dit: «Que veux-tu que je fasse pour toi?» L'aveugle lui répondit: «Rabbouni, que je retrouve la vue!»
52 Jésus dit: «Va, ta foi t'a sauvé.» Aussitôt il retrouva la vue et il suivait Jésus sur le chemin.

Prédication :

Aie pitié de moi ! C’est le cri réitéré de l’aveugle Bartimée. Sans tarder, nous nous demandons ce que réclame l’aveugle Bartimée. Réponse : il réclame que Jésus ait pitié de lui. Qu’est-ce que la pitié ? Définition du Grand Robert : « Sentiment altruiste qui porte à éprouver une émotion pénible au spectacle des souffrances d’autrui et à souhaiter qu’elle soient soulagées. » Cette définition va nous guider dans notre méditation.
Quelles sont les souffrances de Bartimée ?

Commençons  par ce que signale le texte, l’aveugle Bartimée était assis au bord du chemin, en train de mendier. L’aveugle est un mendiant. Ses souffrances sont les souffrances de tout mendiant. Si la pitié des passants est au rendez-vous, peut-être que le mendiant aura-t-il de quoi manger, sinon, il devra jeûner. Notons que le passant qui donne au mendiant ne se contente pas de souhaiter que les souffrances du mendiant soient soulagées, il agit concrètement pour qu’elles le soient. Cet acte est au-delà de ce que le Robert nous dit de la pitié, qui est un sentiment. Comment appelle-t-on l’action qui relève – parfois – de ce sentiment ? Une action responsable (avec Bonhoeffer). Bartimée est donc un mendiant qui, si nous le prenons au mot, tâche de susciter la pitié du passant annoncé, Jésus de Nazareth. Première souffrance de Bartimée : la souffrance de tout mendiant.
Bartimée donc crie. Et les gens le rabrouent pour qu’il se taise. C’est la seconde souffrance de l’aveugle. On le traite avec brusquerie, avec violence. Pourquoi ? Ils étaient en chemin vers Jérusalem et l’épisode que nous méditons est le dernier qui vient avant le commencement de la Passion. En route vers Jérusalem c’est, vraisemblablement, pour ceux qui accompagnent Jésus, l’affaire la plus importante de l’année – et peut-être de leur vie. Si l’appellation Fils de David est ici employée, c’est qu’il y a une affaire de messianité, et que les gens pensent que l’homme en route vers Jérusalem est celui qui va renouveler toutes choses. Les gens pensent cela et nous ne sommes personne pour pouvoir les blâmer. Mais nous pouvons remarquer que le sentiment enthousiaste de l’imminence du Salut semble bien asphyxier la pitié de ceux qui accompagnent Jésus. La seconde souffrance de Bartimée est ainsi le rejet violent dont il est l’objet de la part de la foule.
Mais Bartimée crie, et crie de plus belle. Les souffrances qui sont les siennes n’entament pas sa détermination : «  Fils de David, aie pitié de moi ! » Dans le texte, cette répétition nous signale au moins une chose : jusqu’ici, personne n’a eu pitié de l’aveugle Bartimée ; personne n’a éprouvé une émotion pénible au spectacle de ses souffrances ni n’a souhaité qu’elles soient soulagées. Et Jésus ? Va-t-il éprouver de la pitié pour l’aveugle Bartimée ? Nous sommes faits témoins de ses paroles et de ses actes. Jésus a dû éprouver une émotion pénible en entendant les cris mêlés de l’aveugle et de la foule, il a dû éprouver une émotion pénible aussi au vu du comportement si versatile de ceux qui l’accompagnaient. La troisième souffrance de Bartimée a dû être de s’entendre dire « Courage, il t’appelle ! » par les mêmes voix, tout aussi fortes, désireuses d’être bien entendues par tous, ces mêmes voix qui, un instant plus-tôt, lui intimaient de se taire…
Jésus a souhaité que les souffrances de l’aveugle soient soulagées, et il les a soulagées selon ce qui était en son pouvoir, en s’arrêtant sur le chemin, en le faisant appeler, en interrogeant sa volonté, puis en le guérissant. En somme, Jésus, conformément à ce qui était attendu de lui, a eu pitié de l’aveugle et l’a donc guéri.

Mais en faisant cela, à ce moment précis du récit et précisément de cette manière, Jésus ne guérit pas simplement en passant un aveugle de plus.
Cet épisode de guérison est le dernier avant le commencement de la Passion. En route pour Jérusalem, en route pour la Gloire et pour la pleine manifestation de la grandeur du Fils de l’homme, il demeure important manifestement à Jésus – à Marc l’évangéliste – voire prioritaire – d’éprouver de la pitié et d’agir de manière responsable. Ce qui signifie que le service du prochain n’est pas une option de l’Evangile, il en est une constante, un pilier. C’est que l’Evangile est concret, il doit l’être, toujours, même et surtout lorsque de grands bouleversements théologiques sont en cours. L’imminence de la fin des temps ne doit jamais faire oublier la permanence de la misère. Et quand bien même il ne resterait à l’humanité entière qu’une ou deux heures à vivre, il serait encore temps de soigner un blessé, de nourrir un affamé ou de consoler un enfant. Il serait encore temps de se mettre au service de celles et ceux qui souffrent.
Ce que fait Jésus. Que veux-tu que je fasse pour toi, demande aussi Jésus à l’aveugle. En interrogeant la volonté de l’aveugle, il déclare qu’il se met à son service, à sa disposition. Comme il le fait aussi dans l’épisode précédent. Comme il s’était mis au service de Jacques et Jean, Jésus se met à cet instant au service de Bartimée. En mettant toute sa puissance au service d’un homme qui n’a rien à lui donner, Jésus agit ainsi ici de manière totalement gratuite, comme un serviteur, ou mieux, comme un esclave – quelqu’un qui n’agit que selon la volonté de son maître et qui n’en attend ni compliment ni gratification….
Avec pour conséquence que l’ex-aveugle Bartimée le suit ensuite sur le chemin. Quel chemin ? Celui de la Passion, chemin qui verra toutes les observations de notre méditation être portées à leur paroxysme. Et Bartimée, jusqu’où ira-t-il ? Nous ne le savons pas. Il est l’homme pour lequel Jésus aura franchi l’une des dernières marches de cet abaissement dans lequel se réalise en pleine vérité tout le drame de l’Evangile. Que reste-t-il donc en quoi Jésus ne s’est pas encore abaissé ? L’entrée triomphale dans Jérusalem, le partage du dernier repas, le don final de soi, et la mort des esclaves, la Croix, plus le silence final des femmes auxquelles la résurrection est annoncée par l’ange, mais qui, effrayées, s’enfuient et ne disent rien à personne.

Et maintenant ? Le titre de l’évangile de Marc est « Commencement de l’Evangile de Jésus Christ Fils de Dieu. » Donc tout le récit après le titre, n’est que le commencement. Et la suite, alors ? Il appartient au lecteur de l’écrire, avec sa vie, sa parole et son sang. 

Comme nous fêtons la Réformation, que nous avons parlé abondamment de Luther l’année dernière, et qu’il ne faut pas donner à Luther plus d’importance que l’importance colossale qu’il a eue, nous allons nommer quelques autres personnalités notables.
Luther, Brenz (le corps du Seigneur est partout depuis son Ascension) Osiander (Königsberg) ;
Melanchthon ;
            Müntzer ;
            Knox ;
Zwingli (Zürich)(le corps du Seigneur n’est nulle part sur terre depuis son Ascension), Oecolampade (Bâle) ;
Zell (à Strasbourg avant Bucer), Bucer (Strasbourg), Hedion (Strasbourg)
Capiton (Strasbourg), Sturm (Strasbourg) ;
            Bullinger (Zürich), Calvin (Genève), Farel, Bèze (Genève), Castellion ; Viret ;
            Grebel, Manz, Simons…

            Que leurs noms ne soient pas oubliés.
            Et puissions-nous après eux continuer l’Evangile. Amen