jeudi 11 mai 2017

l'Eglise et l'oeuvre de salut de Dieu (Néhémie 8), escale à New York City

en hommage discret et reconnaissant au Rev. Dr. Scott Black Johnston, NYC, Fifth Avenue Presbyterian Church

 TOB  Néhémie 8
1 Tout le peuple, comme un seul homme, se rassembla sur la place qui est devant la porte des Eaux, et ils dirent à Esdras, le scribe, d'apporter le livre de la Loi de Moïse que le SEIGNEUR avait prescrite à Israël.
2 Le prêtre Esdras apporta la Loi devant l'assemblée, où se trouvaient les hommes, les femmes et tous ceux qui étaient à même de comprendre ce qu'on entendait. C'était le premier jour du septième mois.
3 Il lut dans le livre, sur la place qui est devant la porte des Eaux, depuis l'aube jusqu'au milieu de la journée, en face des hommes, des femmes et de ceux qui pouvaient comprendre. Les oreilles de tout le peuple étaient attentives au livre de la Loi.
4 Le scribe Esdras était debout sur une tribune de bois qu'on avait faite pour la circonstance, et à côté de lui se tenaient Mattitya, Shèma, Anaya, Ouriya, Hilqiya et Maaséya à sa droite, et à sa gauche: Pedaya, Mishaël, Malkiya, Hashoum, Hashbaddana, Zekarya, Meshoullam.
5 Esdras ouvrit le livre aux yeux de tout le peuple, car il était au-dessus de tout le peuple, et lorsqu'il l'ouvrit tout le peuple se tint debout.
6 Et Esdras bénit le SEIGNEUR, le grand Dieu, et tout le peuple répondit: «Amen! Amen!» en levant les mains. Puis ils s'inclinèrent et se prosternèrent devant le SEIGNEUR, le visage contre terre.
7 Yéshoua, Bani, Shérévya, Yamîn, Aqqouv, Shabtaï, Hodiya, Maaséya, Qelita, Azarya, Yozavad, Hanân, Pelaya - les lévites - expliquaient la Loi au peuple, et le peuple restait debout sur place.
8 Ils lisaient dans le livre de la Loi de Dieu, de manière distincte, en en donnant le sens, et ils faisaient comprendre ce qui était lu.
9 Alors Néhémie le gouverneur, Esdras le prêtre-scribe et les lévites qui donnaient les explications au peuple dirent à tout le peuple: «Ce jour-ci est consacré au SEIGNEUR votre Dieu. Ne soyez pas dans le deuil et ne pleurez pas!» - car tout le peuple pleurait en entendant les paroles de la Loi.
10 Il leur dit: «Allez, mangez de bons plats, buvez d'excellentes boissons, et faites porter des portions à celui qui n'a rien pu préparer, car ce jour-ci est consacré à notre Seigneur. Ne soyez pas dans la peine, car la joie du SEIGNEUR, voilà votre force!»


  1. Mon collègue Scott Black Johnston, pasteur principal (senior pastor) de la FAPC (Fifth Avenue Presbyterian Church), donnait ces dernières semaines une série de méditations intitulée « The case for Church », la cause de l’Eglise. Et la ligne directrice de cette série de sermons est donnée par une citation de Eugene H. Peterson : « Church is the textured context in which we grow up in Christ to maturity. But church is difficult. Sooner or later, though, if we are serious about growing up in Christ, we have to deal with church. I say sooner. » l’Eglise est le cadre structuré dans lequel nous grandissons en Christ jusqu’à maturité. Mais l’Eglise, c’est dur. Tôt ou tard, cependant, si nous envisageons sérieusement de grandir en Christ, nous avons à nous expliquer avec l’Eglise. Je dis plutôt tôt... »
    1. Eugene H. Peterson, né en 1932, est une autorité ecclésiastique et spirituelle dans le monde presbytérien américain – nos plus proches cousins américains. L’un de ses livres (1980) est intitulé : « A Long Obedience in the Same Direction: Discipleship in an Instant Society. » Une longue obéissance toujours dans la même direction : être disciple dans une société de l’instantané. » Il est aussi l’auteur d’une très belle traduction dynamique de la Bible (The Message Remix)…
  2.  Ce qui m’intéresse le plus, dans cette série, c’est une certaine idée sur l’Eglise, sur la nécessité de l’Eglise : l’affirmation que l’Eglise est le vase que Dieu a choisi pour faire connaître au monde son œuvre de salut. L’allusion aux vases d’argiles de 2 Corinthiens 4:7 est évidente. Mais j’observe que ce genre d’affirmation sur le choix de Dieu pour l’Eglise émane presque toujours des milieux ecclésiastiques, par définition très intéressés, très concernés par l’existence même de l’Eglise…
    1. Ce qui conduit à poser une multitude de questions.
    2. 1. Dieu a-t-il vraiment besoin de l’Eglise ? 2. L’Eglise a-t-elle besoin de Dieu ? 3. Qu’en serait-il de Dieu, ou du Christ Jésus, de l’œuvre de salut, si les Eglises venaient à disparaître ? 4. Grandir en Christ, être disciple, cela peut-il advenir hors de l’Eglise ? 5. Combien de temps est-on susceptible de consacrer à l’Eglise ?
  3. La dernière de ces questions s’est posée dimanche dernier. Concernant la longue obéissance, elle se pose chaque fois qu’un baptême a lieu, baptême d’enfant, et que nous accueillons au temple des gens qui, très manifestement, ne font qu’y passer et attendent la fin de l’office.
  4. Concernant l’Eglise, l’Eglise est là, ça va de soi, il y a une Eglise. Mais de quelle Eglise parlent-ils, mes collègues américains, lorsqu’ils parlent de l’Eglise ? Ils sont des presbytériens américains – ici nous dirions des Réformés – des enfants de Calvin, je pense. Il me semble. J’en suis même tout à fait certain lorsque Scott évoque l’Eglise et son trésor à partir de Néhémie 8. Le trésor de l’Eglise, c’est au fond la Bible, liturgiquement célébrée, publiquement lue et personnellement expliquée, en vue d’une vie personnelle et communautaire droite et juste.
    1. D’autres théologiens, catholiques et français, milieu et fin des années 80, ne parleraient pas ainsi. Ils diraient que les Saintes Ecritures sont par nature toujours d’abord de la liturgie. Ils parleraient des sacrements réputés exprimer et accomplir la parole et la volonté de Dieu « d’une manière plus radicale encore que les Saintes Ecritures ». L’étude de la Bible et l’action sociale étant clairement secondes par rapport au sacrement… et l’homme est sans importance par rapport à l’Eglise. Je me demande, si je traversais la 5ème avenue et que j’aille, juste en face, chez les catholiques américains de 2017, cathédrale Saint Patrick, si je percevrais aussi nettement que cela cet équilibrage catholique romain français 1987 (année de parution de Symbole et Sacrement, de Louis-Marie Chauvet) en faveur de l’Eglise et des sacrements…
  5. Quoi qu’il en soit Scott s’explique sur le trésor de l’Eglise, et il affirme, à NYC, en 2017, que l’Eglise est la seule à disposer de ce trésor, c’est son langage, ce triplet liturgie-Ecriture-prédication mis en œuvre patiemment, un jour après l’autre, non seulement dans les célébrations et activités communautaires mais aussi dans la méditation personnelle quotidienne. Seule l’Eglise – entendons l’Eglise telle qu’il la pense et telle qu’il la vit en tant que chrétien de tradition presbytérienne à NYC, mais peut-être pas, peut-être qu’il inclut dans son idée d’Eglise les Episcopaliens qui sont ses voisins, les Catholiques qui sont en face, les Baptistes de Harlem et les Luthériens de Brooklyn Heights – seule l’Eglise dispose de ce trésor. C'est-à-dire que, pour Scott, l’Eglise est un havre, le seul havre, un lieu pour prendre son temps, le seul lieu, pour habiter, pour penser sa vie, se recueillir et agir, sous le regard de Dieu et à la suite du Christ.
    1. Je partage totalement cela.
  6. Mais je suis membre d’une vraiment petite Eglise, l’EPUdF, minoritaire, en France laïque à sa manière. C’est vraiment peu de chose, l’EPUdF, le protestantisme en France, ça a même presque disparu, c’est si petit qu’on peut même penser que ce n’est pas nécessaire, et donc, mieux que mes amis américains, je suis équipé pour me demander si l’Eglise est si nécessaire que ça, si ce n’est pas un peu un plaidoyer pro domo  que d’affirmer que l’Eglise est le vase que Dieu a choisi… Qu’adviendrait-il si les Eglises disparaissaient et que les Saintes Ecritures se retrouvaient toutes seules, tout comme se sont retrouvées toutes seules les tragédies grecques une fois qu’elles n’ont plus été jouées par personne… Serait-ce alors la fin de l’œuvre de salut de Dieu ? Nous avons, pour répondre à cette question, en langue française, des pistes méditatives, celle de Christian Bobin, ou de Sylvie Germain ; pour la réflexion, des pistes accessibles en langue française, la piste André Comte-Sponville (c’est un bon lecteur de la Bible, par exemple, dans le dernier chapitre du Petit traité des grandes vertus, il lit, de belle manière, 1 Corinthiens 13), la piste Alain Badiou (Saint Paul. La fondation de l’universalisme) ; il y a d’autres pistes de réflexion, mais très très difficiles à suivre, la piste Derrida, par exemple… Difficile, ou très difficile à suivre, cela signifie que si l’homme du commun, ou l’homme fatigué, ouvre de tels ouvrages, composés par des auteurs probes mais étrangers aux traditions ecclésiastiques, il n’y trouvera que la moitié de ce que, dès Néhémie, on sait pouvoir y trouver : l’explication et la réflexion. Mais la méditation, le recueillement… il ne l’y trouvera pas.
    1. Je pense que si les Eglises disparaissaient il manquerait justement la dimension de récapitulation simple, de recueillement, de repos, mais aussi d’interpellation… que la liturgie apporte. Et il me semble que seule l’Eglise, seules les Eglises, chacune avec son propre style, sont en mesure d’apporter cela aujourd’hui.
  7. Que la plupart de nos contemporains ne souhaitent pas inclure dans leur vie cette dimension de recueillement et d’interpellation, c’est seulement ce que nous devons constater. Mais comme nous ne savons pas vraiment ce que veulent et ce que cherchent les gens qui entrent dans nos Eglises, et que nous ne voulons pas non plus nous incliner sous tous les vents et envies qui passent, il nous faut persister à agir et à célébrer ainsi que nous pensons devoir agir et célébrer.
  8. Je pense que Dieu a besoin de l’Eglise, Dieu en tant que simple réalité humaine, liturgique, critique et consolatrice, mais que l’Eglise aussi a grand besoin de Dieu, comme principe fondateur et critique, afin que jamais l’Eglise ne se prenne pour plus qu’elle n’est, et elle n’est qu’une servante inutile (Luc 17,10).
    1. Puisse Dieu être, par sa parole, lue, étudiée et priée notre interpellation, notre exhortation, notre joie et notre consolation.

Sites intéressants :
Fifth Avenue Presbyterian Church, FAPC (Eglise presbytérienne 5ème avenue), où l’on retrouve les .mp3 des prédications, les feuilles de culte… un beau site paroissial !

Blog du Rev. Dr. Scott Black Johnston, où l’on trouve des réflexions personnelles, des chroniques et des prières dont certaines mériteraient vraiment d’être traduites.