dimanche 15 janvier 2017

Un disciple du Christ (Jean 1,19-34)

Jean 1
19 Et voici quel fut le témoignage de Jean lorsque, de Jérusalem, les Juifs envoyèrent vers lui des prêtres et des lévites pour lui poser la question: «Qui es-tu?»

20 Il fit une déclaration sans restriction, il déclara: «Je ne suis pas le Christ.»
21 Et ils lui demandèrent: «Qui es-tu? Es-tu Elie?» Il répondit: «Je ne le suis pas.» - «Es-tu le Prophète?» Il répondit: «Non.»
22 Ils lui dirent alors: «Qui es-tu?... que nous apportions une réponse à ceux qui nous ont envoyés! Que dis-tu de toi-même?»
23 Il affirma: «Je suis la voix de celui qui crie dans le désert: ‹Aplanissez le chemin du Seigneur›, comme l'a dit le prophète Esaïe.»

24 Or ceux qui avaient été envoyés étaient des Pharisiens.
25 Ils continuèrent à l'interroger en disant: «Si tu n'es ni le Christ, ni Elie, ni le Prophète, pourquoi baptises-tu?»
26 Jean leur répondit: «Moi, je baptise dans l'eau. Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas;
27 il vient après moi et je ne suis même pas digne de dénouer la lanière de sa sandale.»
28 Cela se passait à Béthanie, au-delà du Jourdain, où Jean baptisait.

29 Le lendemain, il voit Jésus qui vient vers lui et il dit: «Voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.
30 C'est de lui que j'ai dit: ‹Après moi vient un homme qui m'a devancé, parce que, avant moi, il était.›
31 Moi-même, je ne le connaissais pas, mais c'est en vue de sa manifestation à Israël que je suis venu baptiser dans l'eau.»

32 Et Jean porta son témoignage en disant: «J'ai vu l'Esprit, tel une colombe, descendre du ciel et demeurer sur lui.
33 Et je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau, c'est lui qui m'a dit: ‹Celui sur lequel tu verras l'Esprit descendre et demeurer sur lui, c'est lui qui baptise dans l'Esprit Saint.›

34 Et moi j'ai vu et j'atteste qu'il est, lui, le Fils de Dieu.»

Prédication
            Je voudrais, au cours de cette prédication, présenter Jean (Baptiste), comme un modèle du chrétien, un simple modèle en trois temps : la vocation, la prédication, l’action.

            La vocation, c’est classiquement ce qui se passe à l’intérieur. Jean a entendu une voix, et c’est au titre de cette voix qu’il baptise. Cette même voix lui a dit que celui sur qui il verrait l’Esprit se poser est celui qui baptise dans l’Esprit Saint. Puis c’est dans une vision qu’il voit l’Esprit comme une colombe se poser sur Jésus. Mais Jean est le seul à avoir entendu et vu cela. Ainsi, le texte que nous lisons nous fait être, comme bien d’autres textes que nous avons médité ces derniers mois, témoins indiscrets de l’intimité de quelqu’un. Or, le propre de l’intime est que c’est intime. Tant mieux pour Jean s’il entend des voix et s’il a des visions, tant mieux aussi si ces voix et ces visions fondent son intime conviction et le conduisent à agir, mais de ce qui se passe dans son intimité rien ne peut être déduit. D’ailleurs Jean lui-même n’infère rien de ce qu’il entend et voit : il ne se réclame d’aucun savoir. Il baptise, et, si on l’interroge, il répond. Nous n’avons rien à dire de plus sur la vocation de Jean, mais nous pouvons nous interroger sur que nous avons entendu, vu, ou lu, cela qui fonde notre espérance, notre intime conviction, et qui nous porte
.
Sans nous attarder d’avantage à la vocation de Jean, nous nous intéressons à sa prédication. Prédication n’est pas le mot employé ici par l’évangile. C’est le mot de témoignage qui est employé, mais nous allons nous intéresser d’abord à ce que Jean dit (sa prédication), puis à sa manière d’agir (son action), les deux ensemble constituant son témoignage.
La prédication de Jean tient ici en une seule phrase : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert “Aplanissez le chemin du Seigneur”, comme l’a dit le prophète Esaïe. » Qu’est-ce que cela signifie dans la bouche de Jean ? Le verbe aplanir a été choisi par certains traducteurs, mais il ne rend pas compte du premier sens du verbe grec utilisé dans notre évangile. Le verbe en question a un sens juridique, celui de redresser (pensez à une maison de redressement), ou de corriger (on inflige une correction à qui a mal agi). Bien sûr, si l’on tente de traduire par “corrigez les chemins du Seigneur”, cela laisse entendre que le Seigneur a pris de mauvais chemins comme un mauvais garçon, et qu’il s’agit alors de corriger le Seigneur pour qu’il en prenne de meilleurs à l’avenir. Mais il s’agit du Seigneur. Et nous n’avons pas à corriger le Seigneur, ni ses chemins.
L’expression “chemins du Seigneur” désigne ici plutôt tout ce que les humains s’imposent ou imposent à leurs semblables aux fins de se rendre leurs dieux propices. L’expression “chemins du Seigneur” peut aussi désigner toutes ces règles soi-disant inspirées par Dieu lui-même et au nom desquelles certains dominent, surveillent et punissent. Et alors ce n’est pas le Seigneur qui est mis en cause… mais ceux qui parlent de Lui, ceux qui profitent de Lui, ceux-là même qui profitent de la faiblesse et de la crédulité des pauvres gens. Plus ordinairement encore,  l’expression “les chemins du Seigneur” peut désigner les travers ordinaires des croyants ordinaires, ces manières qu’on peut avoir de ne pas descendre de son petit ciel où l’on est un petit dieu…
La prédication de Jean interpelle tous ceux qui croient, qui trouvent qu’il est difficile de croire. Et Jean leur suggère que croire en Dieu est complexe et difficile parce que les humains rendent cela complexe et difficile, parce qu’ils situent Dieu très haut, qu’ils l’imaginent très étranger, et très loin là-haut, alors que c’est ici, au milieu, dans l’humanité, qu’il doit être cherché et rencontré : « au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ».
 
Après la vocation et la prédication de Jean, c’est de son action que nous pouvons parler. Si nous nous en tenons aux actes directement repérables, nous ne pouvons dire qu’une chose : Jean baptise, il ne fait que baptiser et semble bien refuser toute autre pratique religieuse que celle du baptême : aucune confession des péchés, aucune confession de foi n’accompagne ce baptême. Dans sa manière de répondre aux questions qui lui sont posées, et dans ce qui semble l’opposer à ses interlocuteurs, nous pouvons repérer aussi que Jean refuse tout titre ronflant. Ni Elie, ni le prophète, ni le Christ… Jean n’entend être qu’une voix qui parle de celui qui était avant lui, qui sera après lui, qui est plus grand que lui et qui importe infiniment plus que lui… Jean n’œuvre en toutes choses qu’afin que cet autre, le Fils de Dieu soit manifesté.
Simplicité, dépouillement et humilité caractérisent l’action de Jean.


Vocation, prédication, action, nous avons ainsi présenté Jean comme un modèle du chrétien. Prenons le risque de nous mesurer à ce modèle.
Vocation : cela revient à interroger notre intime conviction, les voix, les visions, ou les versets bibliques… qui nous portent. Pouvons-nous résumer notre foi en peu de mots ?
Prédication : nous pouvons nous demander ce que sont « nos » “chemins du Seigneur” ? Ceux de notre tradition, mais aussi nos propres chemins. Sont-ils simples ? Ou infiniment complexes ? Ont-ils besoin d’être corrigés ?
Action : nous interrogeons enfin nos manières d’être. Agissons-nous en matière de religion aux seules fins de nous rendre indispensables, ou comme de simples serviteurs ?

Peut-être bien que ce triple examen n’est pas en notre faveur. Jean – dans notre évangile – n’est pas un accusateur. Il est juste un témoin, un grand frère, un compagnon de route.

Que faire alors ? Revenir à l’intime conviction de Jean, qui est tout de même un peu la nôtre.  
Celui que Jean a vu et dont il s’est fait le témoin – rien que le témoin -  c’est l’agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. Il ôte notre péché aussi. C’est Lui qui baptise dans l’Esprit Saint. Il nous baptise aussi.
A Lui nous devons tout. A Lui nous remettons tout. Qu’il nous soit en aide. Amen.