dimanche 9 octobre 2016

La foi comme reconnaissance (Luc 17,11-19)

Luc 15
1 Les collecteurs d'impôts et les pécheurs s'approchaient tous de lui pour l'écouter.
2 Et les Pharisiens et les scribes murmuraient; ils disaient: «Cet homme-là fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux!»
3 Alors il leur dit cette parabole:
4 «Lequel d'entre vous, s'il a cent brebis et qu'il en perde une, ne laisse pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller à la recherche de celle qui est perdue jusqu'à ce qu'il l'ait retrouvée?
5 Et quand il l'a retrouvée, il la charge tout joyeux sur ses épaules,
6 et, de retour à la maison, il réunit ses amis et ses voisins, et leur dit: ‹Réjouissez-vous avec moi, car je l'ai retrouvée, ma brebis qui était perdue!›
Luc 17
5 Les apôtres dirent au Seigneur: «Augmente en nous la foi.»
6 Le Seigneur dit: «Si vraiment vous aviez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous diriez à ce sycomore: ‹Déracine-toi et va te planter dans la mer›, et il vous obéirait.
7 «Lequel d'entre vous, s'il a un serviteur qui laboure ou qui garde les bêtes, lui dira à son retour des champs: ‹Va vite te mettre à table›?
8 Est-ce qu'il ne lui dira pas plutôt: ‹Prépare-moi de quoi dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive; et après tu mangeras et tu boiras à ton tour›?
9 A-t-il de la reconnaissance envers ce serviteur parce qu'il a fait ce qui lui était ordonné?
10 De même, vous aussi, quand vous avez fait tout ce qui vous était ordonné, dites: ‹Nous ne sommes que de simples serviteurs. Nous avons fait seulement ce que nous devions faire.› »

11 Or, comme Jésus faisait route vers Jérusalem, il passa à travers la Samarie et la Galilée.
12 À son entrée dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s'arrêtèrent à distance
13 et élevèrent la voix pour lui dire: «Jésus, maître, aie pitié de nous.»
14 Les voyant, Jésus leur dit: «Allez vous montrer aux prêtres.» Or, pendant qu'ils y allaient, ils furent purifiés.
15 L'un d'entre eux, voyant qu'il était guéri, revint en rendant gloire à Dieu à pleine voix.
16 Il se jeta le visage contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce; or c'était un Samaritain.
17 Alors Jésus dit: «Est-ce que tous les dix n'ont pas été purifiés? Et les neuf autres, où sont-ils?
18 Il ne s'est trouvé parmi eux personne pour revenir rendre gloire à Dieu: il n'y a que cet étranger!»

19 Et il lui dit: «Relève-toi, va. Ta foi t'a sauvé.»

Prédication :
Lorsqu’on envisage les chapitres 15, 16 et 17 de l’évangile de Luc comme une longue réflexion sur la foi, on repère tout d’abord que la foi prend les aspects d’un engagement éperdu, gratuit, voire déraisonnable, et coûteux, voire même ruineux. Comme laisser sans surveillance 99 brebis pour en cherche une seule. Comme donner la moitié d’une fortune à un fils, et l’accueillir lorsqu’il revient après ayant tout claqué. La centième brebis finit par être retrouvée, le fils prodigue finit par revenir, et on est content.
Mais on pourrait imaginer que cet engagement de la foi pourrait être en pure perte… Avec le récit de la guérison de dix lépreux, il y en a un sur dix qui revient… On se dit que ça n’est pas si mal. Mais lorsque Jésus crucifié remet son esprit entre les mains de Dieu, quel retour sur engagement reçoit-il ?
Nous avons médité ces dernières semaines sur le coût de la foi, sur cet engagement qu’elle est.
Nous explorons maintenant une autre dimension de la foi.

Et voici que dix lépreux se trouvent un jour, à l’entrée d’un village, à portée de regard et de voix de Jésus et qu’ils lui demandent d’avoir pitié d’eux. Ils ne sont peut-être pas affligés de lèpre au sens de la médecine d’aujourd’hui, mais toute affection cutanée un peu trop visible ou suintante était en ce temps-là qualifiée d’impureté, et isolait les gens, parfois même les condamnait à être des parias, vivant à l’entrée des villages, de ce qu’on voudrait bien leur laisser, et attendant le passage d’une âme généreuse ou, peut-être, d’un guérisseur performant… Toute guérison devait être authentifiée par un prêtre spécialisé. Une fois la consultation accomplie,  on pouvait tenter de recommencer une vie normale.
Aie pitié de nous, maître, « toi qui es au-dessus de tout », clament les dix lépreux !

Or, vous l’avez bien lu, sans aucun geste miraculeux, comme s’il était effectivement au-dessus de tout, c'est-à-dire même au-dessus des gestes miraculeux, Jésus les envoie se montrer aux prêtres, prêtres qui les constatent guéris et les déclarent purs. Quand donc ces dix hommes ont-ils été guéris ? Le furent-ils dans l’instant où Jésus leur a donné ordre de bouger ? Ou encore se mirent-ils en route et guérirent-ils ainsi tout en marchant ? Nous ne le savons pas… nous n’avons pas à le savoir.
Ce texte d’ailleurs ne parle pas d’un miracle. Il appartient à une grande séquence qui invite à réfléchir sur la foi. Et la phrase clé que nous avons à méditer est celle que Jésus prononce : « Ta foi t’a sauvé. » Nous avons donc à nous interroger sur la foi de cet homme, et sur ce dont sa foi l’a sauvé. 

Qu’est-ce donc que la foi de cet homme ? Il revient sur ses pas. Il rend gloire à Dieu. Il se prosterne devant Jésus. Il remercie. Il est Samaritain. Qu’est-ce donc que sa foi ? Ou croire ? Ou un croyant ?
Et bien, en reprenant tout ce qui distingue cet homme, un croyant est un étranger, c'est-à-dire quelqu’un qui ne mérite rien, à qui pourtant il a été fait miséricorde, qui s’en émerveille, qui revient vers celui qui lui a fait miséricorde, le remercie, et rend gloire à Dieu.
Croire, c’est constater qu’on vous a fait du bien, sans que vous l’ayez aucunement mérité, éprouver le besoin de remercier l’auteur de ce bien, remercier l’auteur de ce bien, et enfin rendre gloire à Dieu – c'est-à-dire reconnaître après tout – mais surtout pas avant – que ce bien vient d’au-delà même de celui qui vous a fait du bien, et porte plus loin que votre propre personne.
La foi est une exclamation de reconnaissance, pour un bien immérité, qui célèbre plus encore que l’auteur de ce bien la possibilité même de ce bien.
On pourrait même aller jusqu’à dire que celui qui croit s’éprouve soudain miraculeusement justifié de son existence même au sein d’une insondable et merveilleuse histoire qui remonte de lui jusqu’à la création du monde : il remercie l’auteur de ce bien et rend gloire à Dieu.
 
Mer montante, ou mer descendante ?
Et maintenant, voici notre seconde interrogation : de quoi la foi de cet homme l’a-t-elle sauvé ?
Observons que cet homme « rend » gloire à Dieu, qu’il « rend » grâce à Jésus, qu’il se prosterne devant lui, et qu’il ne parle aucunement de lui-même. Il reçoit sa guérison et sa purification et, même si elles sont bien sa guérison et sa purification à lui, il les « rend » en quelque manière à celui qui en est l’auteur et à Dieu. Nous pouvons oser dire que, en rendant grâce à Jésus et en rendant gloire à Dieu, bien que guéri et purifié, il reste un Samaritain lépreux. Sa guérison, qui était totalement inattendue et totalement imméritée, reste, même une fois qu’elle lui est advenue, inattendue et imméritée. Elle est bien sienne, mais pourtant ne appartient pas.
De quoi donc la foi de cet homme le sauve-t-elle ? Justement, de se figurer que c’était bien normal, que Jésus pouvant le faire devait le faire. La foi le sauve d’une double ingratitude, ingratitude envers celui qui lui a fait du bien, Jésus, ingratitude envers ce qui rend ce même bien  possible, Dieu.

Les prédications de ces dernières semaines étaient l’occasion d’examiner notre foi sous l’angle de nos engagements. Nous avons aujourd’hui l’occasion d’examiner notre foi sous l’angle de la gratitude pour ce que nous avons reçu.
Que chacun s’examine un instant dans son cœur et fasse silencieusement mémoire d’un ou deux faits, d’un ou deux noms...

Grâces soient rendues à ceux auxquels nous pensons.
A Dieu soit la gloire. Amen