Genèse 1
1 Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre
2 La terre était informe et chaos, et la ténèbre à
la surface de l'abîme; l’esprit de Dieu planait à la surface des eaux.
3 Alors Dieu dit: «Que la lumière soit!» Et la lumière
fut.
4 Dieu vit que la lumière était bonne. Dieu sépara
la lumière de la ténèbre.
5 Dieu appela la lumière «jour» et la ténèbre il
l'appela «nuit». Il y eut un soir, il y eut un matin: premier jour.
Actes 2,7-17
7 Déconcertés, émerveillés, ils disaient: «Tous ces
gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens?
8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende
dans sa langue maternelle?
9 Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de la
Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l'Asie,
10 de la Phrygie et de la Pamphylie, de l'Égypte et
de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en résidence ici,
11 tous, tant Juifs que prosélytes, Crétois et
Arabes, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu.»
12 Ils étaient tous déconcertés, et dans leur
perplexité ils se disaient les uns aux autres: «Qu'est-ce que cela veut dire?»
13 D'autres s'esclaffaient: «Ils sont pleins de vin
doux.»
14 Alors s'éleva la voix de Pierre, qui était là
avec les Onze; il s'exprima en ces termes: «Hommes de Judée, et vous tous qui
résidez à Jérusalem, comprenez bien ce qui se passe et prêtez l'oreille à mes
paroles.
15 Non, ces gens n'ont pas bu comme vous le
supposez: nous ne sommes en effet qu'à neuf heures du matin;
16 mais ici se réalise cette parole du prophète
Joël:
17 Alors, dans les derniers jours, dit Dieu, je
répandrai de mon Esprit sur toute chair, vos fils et vos filles seront
prophètes, vos jeunes gens auront des visions, vos vieillards auront des
songes;
Saint Esprit, feu ! |
Actes 10
39 «Et nous autres sommes témoins de toute son
oeuvre sur le territoire des Juifs comme à Jérusalem. Lui qu'ils ont supprimé
en le pendant au bois,
40 Dieu l'a ressuscité le troisième jour, et il lui
a donné de manifester sa présence,
41 non pas au peuple en général, mais bien à des
témoins nommés d'avance par Dieu, à nous qui avons mangé avec lui et bu avec
lui après sa résurrection d'entre les morts.
42 Enfin, il nous a prescrit de proclamer au peuple
et de porter ce témoignage: c'est lui que Dieu a désigné comme juge des vivants
et des morts;
43 c'est à lui que tous les prophètes rendent le
témoignage que voici: le pardon des péchés est accordé par son Nom à quiconque
met en lui sa foi.»
44 Pierre exposait encore ces événements quand
l'Esprit Saint tomba sur tous ceux qui avaient écouté la Parole.
45 Ce fut de la stupeur parmi les croyants circoncis
qui avaient accompagné Pierre: ainsi, jusque sur les nations païennes, le don
de l'Esprit Saint était maintenant répandu!
46 Ils entendaient ces gens, en effet, parler en
langues et célébrer la grandeur de Dieu.
Oui, mais le feu ça brûle... |
Prédication :
Aujourd’hui,
nos frères catholiques fêtent le dimanche de la Trinité. Dimanche dernier, pour
eux comme pour nous, était le dimanche de Pentecôte, dimanche de l’année
liturgique pendant lequel nous fêtons la venue de l’Esprit Saint sur les
disciples… Ainsi les moments de l’année liturgique se suivent-ils dans un ordre
bien précis – qui est cohérent avec plusieurs récits bibliques. En effet, c’est
seulement après le ministère public du Christ, après sa mort et sa résurrection
et après son ascension – pour s’en tenir à l’évangile de Luc et aux Actes des
Apôtres – que l’Esprit Saint est donné.
Il est
envoyé par le Père, sur la requête du Fils. Nous pouvons donc dire que l’Esprit
Saint arrive en dernier. Ce que d’ailleurs la formule baptismale, qui est dans
l’évangile de Matthieu, confirme en énonçant : « … au nom du Père, du
Fils et du Saint Esprit. » L’Esprit Saint n’est pas moins Dieu, n’est pas
moins Seigneur que le Fils et le Père. Mais voilà, c’est après le Père et après
le Fils qu’il se manifeste. Nous allons approfondir cela.
Pentecôte,
selon le livre des Actes, cela se passe à Jérusalem, en Judée. Les habitants de
Judée, et entre tous surtout ceux de Jérusalem ont d’eux-mêmes une haute
opinion, selon laquelle ils sont la seule lignée pure du peuple élu par
Dieu ; Jérusalem, c’est là se
dresse le Temple ; et le Temple est le lieu où demeure la présence de
Dieu. Et de cela aussi, les habitants de Jérusalem sont très fiers. Or, à Pentecôte,
selon le livre des Actes, l’Esprit Saint se manifeste hors du Temple, et se
répand sur des Galiléens. Cela est choquant pour les institutions. L’Esprit
Saint n’est pas là où il devrait résider ordinairement… et, en plus, les gens
qui le reçoivent sont des Galiléens. Pour les habitants de Jérusalem, pour les habitants
de Judée, les Galiléens ne sont que des gens d’ascendance douteuse, des pas
grand-chose, voire des moins que rien.
Pentecôte : des Galiléens
reçoivent l’Esprit Saint hors du Temple ! Les cadres et les repères
habituels de la religion sont totalement dépassés.
En
poursuivant la lecture des Actes des Apôtres, nous allons découvrir que ces
Galiléens eux-mêmes, ayant entre temps structuré leur propre mouvement,
c'est-à-dire ayant structuré la jeune Eglise, vont être eux-mêmes tout à fait choqués
de voir l’Esprit Saint être répandu sur des Païens, que eux, Galiléens
regardent aussi un peu de haut.
Pentecôte (bis – si l’on ose
dire) : des Païens reçoivent l’Esprit Saint en dehors des cadres et de
repères prévus par la nouvelle religion.
Alors, bien entendu, nous qui
venons après tout cela, nous qui avons lu et assimilé le discours que Pierre
fait à Pentecôte à Jérusalem, nous reconnaissons dans ces fantaisies de
l’Esprit Saint l’accomplissement de la prophétie de Daniel : « Dans
les derniers temps, je répandrai de mon Esprit sur toute chair… » Mais ce
savoir ne doit pas nous conduire à considérer comme banal ou ordinaire que
l’Esprit Saint se répande là où on ne l’attend pas. Ne nous comportons pas en
gens savants et blasés. La surprise est entière pour les disciples de Jésus
devenus Apôtres, comme elle fut entière pour les Judéens de Jérusalem. Nous ne
savons pas où Dieu est aujourd’hui en train de se faire connaître, ni où
l’Esprit Saint est aujourd’hui en train de se répandre. La surprise et
l’étonnement dureront… jusqu’à la fin des derniers temps.
Ceci étant dit, il y a trois
points communs importants entre les disciples rassemblés à Jérusalem le jour de
la première Pentecôte et les Païens rassemblés devant Pierre :
1. Le premier point commun, c’est
que l’Esprit Saint se répand, de sa seule initiative, et sur des gens qui ne
l’ont pas personnellement sollicité. L’Esprit Saint surprend…
2. Le second point commun, c’est
que ces gens, bien que n’ayant rien demandé, éprouvent envers Dieu et envers
ceux qui parlent de Dieu une sympathie sincère, et profonde. Ils sont, si l’on
peut dire, déjà tournés vers Dieu ; ils ont déjà entrouvert leur cœur à Dieu.
3. Le troisième point commun,
c’est que ces gens ont tous déjà reçu un enseignement de qualité. Nous voyons
bien que, dans le 10ème chapitre des Actes des Apôtres, lorsque
l’Esprit Saint est répandu sur les Païens, Pierre n’a pas achevé son enseignement…
mais il l’a déjà bien commencé. Une parole, un catéchisme ordonné a été déjà
mis en place, et une communauté structurée existe déjà. Et c’est le cas aussi
pour les disciples assemblés à Jérusalem : ils avaient reçu l’enseignement
de Jésus, et existaient déjà en tant que communauté structurée autour des Apôtres
et de Pierre. Ce troisième point commun est d’une importance capitale : un
enseignement et un encadrement sont des préalables nécessaires à l’irruption de
l’Esprit Saint. Et voici deux illustrations de ceci, l’une biblique, l’autre
historique.
Illustration biblique, première
épître aux Corinthiens : l’Eglise de Corinthe, fut une Eglise sur laquelle
l’Esprit Saint se répandit très généreusement. Cette communauté vécut
indubitablement une expérience spirituelle intense et profonde. Malgré la
présence de l’Esprit Saint, la communauté se disloque. Il y manque, pour
qu’elle tienne durablement, des cadres et de la structure. C’est ce que Paul
s’efforce de faire dans son Epître. Paul célèbre les dons de l’Esprit Saint,
par deux fois dans cette épître, mais il rappelle aussi, et surtout, aux
Corinthiens des vérités déjà reçues au sujet de Dieu, et aussi des
enseignements structurants qui concernent les bonnes et fraternelles manières
de vivre ensemble.
L'Esprit Saint, sous la forme d'un volatile |
Deuxième
illustration, historique : au premiers temps de la Réforme, celui de
Thomas Müntzer (1490 ?-1525). Il était prêtre, puis disciple de Luther
mais, trouvant que la Réforme prenait trop de temps et que Luther prenait trop
de précautions, Müntzer développa une théologie très spirituelle, radicale, et
violente, où le Christ n’était pas
« doux », mais « amer », une théologie où l’Esprit Saint
pouvait se passer des Saintes Ecritures et de leurs interprètes qualifiés et
reconnus, où Dieu lui-même parlait à l’intimité de gens sans instruction.
Müntzer fut idéologue et meneur de la révolte paysanne qui ensanglanta le sud
de l’Allemagne en 1524-1525, 300.000 paysans se soulevèrent, et furent matés. Müntzer
vous dit que l’Esprit Saint souffle : bilan, 100.000 morts. Retenons ici que
l’Esprit Saint est un alibi parfois utilisé par des idéologues pressés et
avides de pouvoir pour mobiliser et soulever des gens peut-être spirituellement
peu nourris, mais aussi et surtout peu instruits.
Le destin de certains volatiles... |
L’Esprit
Saint doit venir et il vient, mais en dernier, après tout le reste. Le livre de
la Genèse est là déjà pour nous dire que l’Esprit Saint ne sait faire qu’une
chose : planer, virevolter, à la surface des eaux, soulever de l’écume,
être la beauté des vagues et des tourbillons des tempêtes que lui-même suscite.
Il fait ça très bien, l’Esprit Saint… mais il ne fait rien d’autre. Et pour
qu’il y ait un peu d’ordre, pour que la vie puisse émerger et durer, il faut que
quelque chose soit dit, il faut une parole structurante. La création ne commencera
que lorsque Dieu, en tant que Père, aura dit : « Que la lumière
soit ! » en manifestant par là son autorité transcendante sur le
chaos.
L’Esprit
Saint doit venir et viendra. Mais, pour que Dieu ne soit pas qu’une autorité
transcendante, abstraite et peut-être persécutrice , il manque l’incarnation,
c'est-à-dire le Fils. Avec le Fils, Dieu devient homme et frère, il devient un
enseignement et un modèle.
L’Esprit Saint doit venir, après
l’Ascension, car s’il manque l’Esprit Saint, il manque à Dieu son dynamisme
créateur et à l’être humain cet élan profondément intime, voire irrépressible,
qui le soutient sur son chemin de sanctification, à la suite du Fils.
Mais, nous l’avons dit, si on
laisse l’Esprit Saint seul, sans la parole et l’enseignement du Fils, et sans l’autorité
et la transcendance du Père, tout n’est qu’émotion, agitation, manipulation, et
risque de retourner au chaos…
Vous avez
reçu l’Esprit Saint. Vous le recevrez, et nous le recevrons encore… car notre
chemin est encore long et que la promesse de notre Seigneur ne saurait faillir.
Mais nous continuerons à étudier les Ecritures Saintes, ainsi que l’héritage de
nos grands prédécesseurs théologiens, non pas pour donner à nos vues des
arguments imparables, mais pour que nos émotions spirituelles les plus
profondes ne nous débordent pas, et pour leur donner des mots et un langage que
nous puissions partager ; nous l’oublierons pas aussi chemin faisant que l’Esprit
Saint nous surprendra toujours…
Que le Père
nous garde, que le Fils nous guide, et que l’Esprit Saint nous surprenne. Amen