Luc 4
1 Jésus, rempli d'Esprit Saint, revint du Jourdain et il
était dans le désert, conduit par l'Esprit,
2 pendant quarante jours, et il était tenté par le diable.
Il ne mangea rien durant ces jours-là, et lorsque ce temps fut écoulé, il eut
faim.
3 Alors le diable lui dit: «Si tu es le Fils de Dieu,
ordonne à cette pierre de devenir du pain.»
4 Jésus lui répondit: «Il est écrit: Ce n'est pas seulement
de pain que l'homme vivra.»
5 Le diable le conduisit plus haut, lui fit voir en un
instant tous les royaumes de la terre
6 et lui dit: «Je te donnerai tout ce pouvoir avec la
gloire de ces royaumes, parce que c'est à moi qu'il a été remis et que je le
donne à qui je veux.
7 Toi donc, si tu m'adores, tu l'auras tout entier.»
8 Jésus lui répondit: «Il est écrit: Tu adoreras le
Seigneur ton Dieu, et c'est à lui seul que tu rendras un culte.»
9 Le diable le conduisit alors à Jérusalem; il le plaça sur
le faîte du temple et lui dit: «Si tu es Fils de Dieu, jette-toi d'ici en bas;
10 car il est écrit: Il donnera pour toi ordre à ses anges
de te garder,
11 et encore: ils te porteront sur leurs mains pour
t'éviter de heurter du pied quelque pierre.»
12 Jésus lui répondit: «Il est dit: Tu ne mettras pas à
l'épreuve le Seigneur ton Dieu.»
13 Ayant alors épuisé toute tentation possible, le diable
s'écarta de lui jusqu'au moment fixé.
14 Alors Jésus, avec la puissance de l'Esprit, revint en
Galilée, et sa renommée se répandit dans toute la région.
Pas une
prédication :
Je me souviens de deux conversations
avec Raphaël. L'une, très théologique, à Montpellier, au cours d'un séminaire
auquel il avait participé, l'année des 80 ans d'André Gounelle, et dont le
titre était "Dieu ou l'embarras de la théologie". L'autre, très
personnelle, c'était au cours du synode national de Sète, et je n’en livrerai
rien. Personne n’a pour moi parlé mieux que lui de la vie en ne parlant que de
sa mort prochaine. La présence de Raphaël aura toujours pour moi une odeur
méridionale, l'odeur de la pinède chaude agrémentée d’un léger parfum d’embruns.
Lorsque les nouvelles de l'aggravation de son état, puis de son décès, sont
tombées, je me suis demandé pourquoi ce Dieu censé être juste et bon reprenait
sa vie à son serviteur Raphaël, et laissait à Jean Dietz la sienne. J’ai même
posé à Dieu la question, mais il n’a pas daigné répondre…
Pendant ce
temps, il y avait eu le congrès fondateur des Attestants et l’assemblée
générale de la Fédération protestante de France allait avoir lieu. Du coup, on
parlait de nouveau du synode de Sète et de sa fameuse décision. Le débat ne
risquait gère d’être élevé. Toute la théologie de la création avait été ramenée
à une seule expression : « Tût tût voiture et pouêt pouêt camion ! »
(Bu 23,12) ; et de toute la belle fraternité qui avait présidé à la mise
sur pied de la Fédération, et qui avait permis qu’on s’accueille humblement et
mutuellement à la Cène on allait découvrir que ce qui faisait que l’Eglise
réformée de France – devenue ensuite protestante et unie – était indispensable
à la Fédération, c’était le montant considérable de sa contribution au budget
commun… le reste, et surtout la présence en son sein d’horribles libéraux,
ayant été pieusement et hypocritement ignoré. Et Raphaël, il allait penser
quoi, de là-haut ?
De là-haut,
ou, pour le dire autrement, en pleine présence de Dieu, le Raphaël n’allait pas
devoir se réclamer, comme tant d’autres, du Sola Scriptura. C’est bête de le
dire. Et comme je suis las en le disant. Pour certains, bénir un couple de même
sexe c’est ne pas tenir compte de l’Ecriture. Et je ne comprends pas pourquoi
pour les mêmes, ne pas mettre à mort un couple de même sexe n’est pas ne pas
tenir compte des Ecritures. Pourquoi Romains 2 et Lévitique 18, mais pas
Lévitique 20 ? Ceux qui coupent les mains des voleurs, qui décapitent, qui
lapident, parce que c’est écrit, ont l’horrible mérite de la cohérence, un
mérite mal partagé. Mais il faut se demander pourquoi tout verset canonique
devrait être littéralement mis en œuvre. La canonicité du texte, sa sacralité
même, appellent-elles une mise en œuvre littérale ?
S’agissant
de la décision de Sète, certain commentateur voudrait nous faire croire que, « pour
la première fois, l’institution ecclésiale (EPUdF) suggère, dans un texte
synodal, officiel, public, que ce qui fonde l’Eglise n’est plus l’autorité des
Ecritures, mais la Seigneurie de Jésus qui nous accueille dans la pluralité de
nos discours théologiques » (Réforme
3642, 28 janvier 2016, p.7). Fieffée hypocrisie que ce commentaire… la
Seigneurie de Jésus, même sur les Ecritures, est affirmée même par les
Ecritures. Au fond, certain commentateur se fichent éperdument et de la Grâce,
et de la Foi, et du Christ, et de la Réforme, et des Ecritures. Je te ramasse le
verset qui va bien et je t’en balance du « si tu es croyant, dis à ces gens
de dégager de l’Eglise car il est écrit… » Tactique du diable et négation
de l’Esprit.
La
canonicité d’un texte, sa sacralité même, en interdisent toute mise en œuvre littérale.
Cela fait bientôt deux mille ans que les Rabbins rescapés de la destruction du
Temple l’ont parfaitement compris. « Elle n’est pas aux cieux »,
tonne Rabbi Yeoshoua, parlant de la Torah ; elle n’est pas d’avantage sur
terre pour qu’on ramasse le verset qui va bien et qu’on en fasse une arme de
guerre. Que cette Ecriture devienne un dire, une Parole, quelque chose qui est
dit au cœur de quelqu’un, on ne le veut pas, surtout pas. On ne le veut surtout pas parce que quelqu'un, ça a un cœur, et qu'on n'a pas de cœur. En plus de se moquer
de la Grâce, de la Foi, du Christ et de la Réforme et des Ecritures, en plus de
nier l’Esprit, c’est « quelqu’un » qu’on oblitère, et on ne l'oblitère pas au nom d'une cohérence communautaire, on le sacrifie sur l'autel païen, idolâtre, immonde... l'autel des Ecritures.
Raphaël, c’était
quelqu’un auprès de qui on se sentait quelqu’un. C’est trop bête de dire on. Il
a sûrement dû coller quelques étudiants et même si l’on n’imagine pas que c’était
injustement, être collé par un prof ne fait jamais plaisir. Une sottise de plus :
comme si éprouver du plaisir pouvait avoir une part là-dedans. C’était quelqu’un
auprès de qui je me suis senti être quelqu’un. C’est un peu ennuyeux de ne pas
avoir pu faire un peu plus de chemin avec lui. Et c’est un peu ennuyeux aussi
de me dire que ce sont parfois les meilleurs qui partent en premier. C’est
ainsi.