Quelques petits problèmes pour mes lecteurs... et pour moi quelques ennuis avec les machines. Donc un peu de retard pour la mise en ligne de ce document. Désolé.
Exode 2
15 Le Pharaon entendit parler de cette affaire et
chercha à tuer Moïse. Mais Moïse s'enfuit de chez le Pharaon; il s'établit en
terre de Madiân et s'assit près du puits.
16 Le prêtre de Madiân avait sept filles. Elles
vinrent puiser et remplir les auges pour abreuver le troupeau de leur père.
17 Mais des
bergers vinrent les chasser. Alors Moïse se leva et les défendit, puis il abreuva leur troupeau.
18 Elles revinrent près de Réouël, leur père, qui
leur dit: «Pourquoi êtes-vous revenues si tôt, aujourd'hui?»
19 Elles dirent: «Un Égyptien nous a délivrées de la
main des bergers; c'est même lui qui a puisé pour nous et qui a abreuvé le
troupeau!»
20 Il dit à ses filles: «Mais, où est-il? Pourquoi
avez-vous laissé là cet homme? Appelez-le! Qu'il mange du pain!»
21 Et Moïse accepta de s'établir près de cet homme,
qui lui donna Cippora, sa fille.
22 Elle enfanta un fils; il lui donna le nom de
Guershom - Emigré-là - «car, dit-il, je suis devenu un émigré en terre
étrangère!»
23 Après un
très grand nombre de jours, le roi d'Égypte mourut. Les fils d'Israël
gémirent du fond de la servitude et crièrent. Leur appel monta vers Dieu du
fond de la servitude.
24 Dieu entendit leur plainte; Dieu se souvint de
son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob.
25 Dieu vit les fils d'Israël; Dieu connut
Exode 3
1 Moïse faisait paître le troupeau de son beau-père
Jéthro, prêtre de Madiân. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la
montagne de Dieu, à l'Horeb.
2 L'ange du SEIGNEUR fut
visible dans une flamme de feu, du milieu du buisson. Il vit : le buisson était en feu et le
buisson n'était pas dévoré.
3 Moïse dit: «Je vais faire un détour pour voir cette
grande vision: pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas?»
4 Le SEIGNEUR vit qu'il avait fait un détour pour voir, et
Dieu l'appela du milieu du buisson: «Moïse! Moïse!» Il dit: «Me voici!»
5 Il dit: «N'approche pas d'ici! Retire tes sandales de
tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte.»
6 Il dit: «Je suis le Dieu de ton père, Dieu d'Abraham,
Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob.» Moïse se voila la face, car il craignait de voir Dieu.
7 Le SEIGNEUR dit: «J'ai vu la misère de mon peuple en
Égypte et je l'ai entendu crier sous les coups de ses chefs de corvée. Oui, je
connais ses souffrances.
8 Je suis descendu pour le délivrer de la main des
Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un bon et vaste pays, vers un pays
ruisselant de lait et de miel, vers le lieu du Cananéen, du Hittite, de
l'Amorite, du Perizzite, du Hivvite et du Jébusite.
9 Et maintenant, puisque le cri des fils d'Israël est venu
jusqu'à moi, puisque j'ai vu le poids que les Égyptiens font peser sur eux,
10 va, maintenant; je t'envoie vers le Pharaon, fais sortir
d'Égypte mon peuple, les fils d'Israël.»
19 Mais je connais que le roi d'Égypte ne vous donnera pas de partir, sauf s'il est
contraint par une main forte.
Prédication :
Moïse, qui s’était rendu coupable d’un meurtre en défendant l’un des ses
frères, dut s’enfuir d’Egypte. Vous connaissez cet épisode de l’Exode, c’est
celui qui précède les versets que nous avons lus.
Et juste après les versets que nous avons lus
commencera la grande aventure de la sortie d’Egypte, qui est l’un des plus
beaux récits bibliques de l’apprentissage de la foi en Dieu. Mais quel est ce
Dieu ? Et quels sont les adorateurs qu’il recherche ? Ce sont deux
questions que nous pouvons nous poser.
Pour esquisser une
réponse, nous allons nous intéresser à l’articulation du chapitre 2 et du
chapitre 3 de l’Exode. Il y a quelque chose d’étonnant à l’articulation de ces
deux chapitres. Cherchez un instant ce qui est étonnant, sans cherche midi à
quatorze heure, mais juste en regardant le texte… Il y a une phrase qui n’est pas
finie : Dieu vit les fils d’Israël et Dieu connut
Dieu connut… mais Dieu connut quoi ? Au verbe
connaître il manque ici un complément d’objet direct. Ce complément qui semble
évidemment manquer pourrait bien être la souffrance de son peuple. On
s’attendrait bien à ce que la phrase soit ainsi construite : « Dieu
vit les fils d’Israël et Dieu connut leur souffrance. » Ayant connu cette
souffrance, il décida donc d’agir, et le chapitre suivant peut commencer.
Mais, avec cela, nous
avons un problème. Un problème avec Dieu. Dieu ne connaissait-il pas la
souffrance des Fils d’Israël, alors que ceux-ci étaient déjà, et depuis
longtemps, sous le joug de la servitude ? Une fois cette première question
posée, d’autres questions suivent, en lisant le texte à rebours, avec les verbes
qu’il nous propose. Dieu ne voyait-il pas les Fils d’Israël alors qu’ils
peinaient sous la dureté des corvées ? Dieu avait-il oublié son alliance
avec Abraham, Isaac et Jacob ? Dieu était-il sourd pour ne pas entendre
leur plainte ? Nous avons un problème avec Dieu qui est ignorant, aveugle,
amnésique et sourd…
Et nous prolongeons nos questions. Où donc était
Dieu, que faisait-il, lorsque les fils d’Israël ont souffert, ont été
rançonnés, expulsés, méprisés, victimes de pogromes, lorsqu’on leur a imposé le
port de la rouelle, celui de l’étoile jaune, et lorsqu’ils furent assassinés
par millions ? Où donc est-il encore, Dieu, et que fait-il, lui qui est Tout
Puissant, Créateur, Sauveur… lorsque le chaos règne au proche Orient ? Ou
donc est-Il, Lui qui sait tout, Lui qui peut tout, lorsque le mal fait des
ravages ?
Ne prenons pas la défense de Dieu, ce serait une
insulte envers les éprouvés. Peut-être bien que Dieu n’est pas là parce qu’il
n’est nulle part. Ou bien le Tout Puissant n’est pas tout puissant. Ou bien il
est trop bête pour comprendre, ou trop indifférent pour intervenir… Il faut
bien écouter tout cela lorsque des gens nous le disent dans l’épreuve. Il faut
bien l’écouter parce qu’ils disent la vérité.
Au cœur des versets que
nous venons de lire, à l’articulation des chapitres 2 et 3 du livre de l’Exode,
au détour d’une phrase apparemment mal finie, il y a le problème du mal. Il y a
ce problème qui vient défier la philosophie et la théologie, qui vient ternir
les belles images de Dieu, flétrir les paroles pieuses et mettre à mal les
croyances.
Revenons à notre phrase. Dieu
donc connut… phrase non finie, pour un défi permanent. Et continuons notre
lecture, sans oublier ce que nous venons de dire. Une fois que Dieu connaît ce
qu’il a à connaître, c'est-à-dire qu’une fois qu’il a enfin pris connaissance
de ce que souffrent les fils d’Israël, Dieu, qui tout de même est Dieu, va
faire ce qu’il faut pour que cela cesse.
Il va le faire, en effet. Il va vaincre l’Egypte,
ouvrir la mer, nourrir son peuple. Et vous savez tout cela. Mais ces prodiges
ne peuvent pas nous faire oublier les questions posées précédemment : une
certaine image de Dieu est définitivement ruinée par la servitude en Egypte,
par sa brutalité, par sa durée…
Pendant que les fils d’Israël souffrent et
gémissent, l’un d’entre eux, Moïse, qui a survécu par chance et subsisté par
grâce, fait paître le troupeau de son beau-père Jethro, se déplace jusqu’à
l’Horeb, la montagne de Dieu… Moïse semble ne rien connaître de cette montagne,
ni de Dieu, et il ne connaît rien non plus de souffrance aggravée de ses frères.
Pourquoi Dieu vient-il chercher un ignorant, Moïse ? Dieu, qui est Dieu,
ne pourrait-il pas se passer de Moïse ?
Dieu se passe de
Moïse pendant quelques instants seulement. Dieu se passe de Moïse juste
pour donner à voir un buisson qui brûle sans se consumer. Et, pour toute la
suite Dieu ne se passera plus de Moïse. Pour toute la suite de l’Exode, Dieu ne
se passera plus jamais de Moïse. Et Moïse ne se passera plus jamais de Dieu.
Pourquoi tout cela ? Parcequ’une certaine
image de Dieu a été mise à mal dans la première partie de notre texte. Cette
mise à mal est définitive, et il s’agit de ne pas chercher à restaurer Dieu
dans son omniscience et sa Toute Puissance. Si l’on écrivait la suite de
l’Exode avec Dieu seul et sans Moïse, cela reviendrait à justifier ou à nier
l’interminable souffrance des Hébreux en Egypte. Et on ne doit jamais justifier
le mal.
Et c’est ainsi, les deux parties du texte
s’articulent-elles autour d’une phrase apparemment non finie : « et
Dieu connut »
Cette phrase est-elle réellement non finie ?
Au fond, je ne le pense pas. Elle dit quelque chose de très important de Dieu,
quelque chose qui contraint le lecteur, qui contraint le croyant, à méditer sur
l’image qu’il a de Dieu en face du problème du mal. Et le problème est bien
posé : aucune des images de Dieu qui sont ordinairement évoquées ne
résiste devant problème du mal. Lorsqu’il est écrit « Et Dieu
connut », ces images sont définitivement ruinées. Et ces images étant
ruinées, la réflexion sur l’origine du mal est suspendue. Avec cette suspension
c’est toute la spéculation sur le rôle de Dieu lorsque le mal opère qui devient
impossible. Mais ça n’est pas tout.
Une fois que la spéculation est suspendue, une
fois donc qu’il est énoncé que Dieu connaît, quelque chose d’autre va pouvoir
commencer. On voit alors émerger comme un autre Dieu, qui sollicite l’homme, et
qui se lie indéfectiblement à l’homme qui répondra à sa sollicitation. Dieu
sollicite Moïse ; il s’en remet à Moïse. Et Moïse fait un détour pour
voir… Sans la curiosité, sans la disponibilité de Moïse, rien ne se passerait…
C’est avec un Dieu indéfectiblement lié à l’homme que commence réellement l’aventure
de l’Exode, que commence l’apprentissage de la foi.
Quel est donc ce Dieu ? Et quel sont les
adorateurs qu’il recherche ? Le verbe hébreu souvent traduit par connaître
est aussi souvent traduit par pénétrer. Ce Dieu, celui qui fait alliance, ne
peut rien sans ses alliés… Dire « Dieu connut », c’est dire qu’il
pénétra dans l’histoire d’un homme – et des hommes – pour ne plus jamais en ressortir.
Alors, s’agissant du mal, s’agissant de ce qui est réellement important dans
l’histoire d’un être humain, dans la vie de celui qui croit, Dieu ne peut rien
sans l’homme, et l’homme ne peut rien sans Dieu.
Puissions-nous être les adorateurs de ce Dieu-là,
et d’aucun autre. Que Dieu nous soit en aide. Amen