dimanche 20 septembre 2015

La suite de l'Evangile de Jésus Christ Fils de Dieu - 3 - (Marc 8,27-38) Sur la honte

Marc 8
27 Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages voisins de Césarée de Philippe. En chemin, il interrogeait ses disciples en leur disant «Qui suis-je, selon ce que les gens disent ?»
28 Ils lui dirent: «Jean le Baptiste; pour d'autres, Elie; pour d'autres, l'un des prophètes.»
29 Et lui leur demandait: «Et vous, qui dites-vous que je suis?» En lui répondant, Pierre lui dit : «Tu es le Christ.»
30 Mais il les réprimanda, {leur enjoignant} de ne rien dire de lui à personne.
31 Puis il commença à leur enseigner qu'il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite.
32 Il parlait ouvertement ce langage. Mais Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander.
33 Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, réprimanda Pierre; il lui dit : « Dégage ! Derrière moi, Satan, car tes pensées et tes manières ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes.»
34 Puis il fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit: «Si quelqu'un veut venir derrière moi, me suivre, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu'il m’accompagne.
35 En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile, la sauvera.
36 Et quel avantage l'homme a-t-il à gagner le monde entier, s'il le paie de sa vie?
37 Que pourrait donner l'homme en échange de sa vie?

38 Car si quelqu'un a honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération (engeance) adultère et pécheresse, le Fils de l'homme aussi aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges.»



Prédication :
            Le texte que nous venons de lire est le même texte que celui que nous avons lu il y a une semaine. La prédication d’il y a une semaine avait laissé de côté un verset, le dernier : Car si quelqu'un a honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l'homme aussi aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges.
            Ce verset parle de la honte. Si quelqu’un a honte de moi et de mes paroles, dit Jésus. Mais comment aurait-on honte de Jésus et de ses paroles ? Et bien, d’abord, la honte, qu’est-ce que c’est ?

            Retour sur un épisode d’actualité. Il y a quelque jours, à Pontoise, au cours du « Salon Musulman du Val d’Oise », deux conférenciers barbus connus pour leur radicalisme, ont vu surgir devant eux deux femmes en jeans et torse nu. On peut voir, sur les photos, que d’autres femmes sont présentes aux premiers rangs de l’assemblée, et qu’elles ne sont pas en jeans ni torse nu… Nous allons ici nous interroger sur ce bref face à face. Avant de nous interroger sur ce choc, nous nous interrogeons sur ce qui forme une communauté.
            Ce qui forme une communauté, ce sont les liens qui unissent des personnes entre elles. C’est d’abord (1) l’image que chacun a de soi-même, mais aussi (2) l’image que chacun cherche à donner de soi-même, ainsi que (3) l’image que chacun a des autres, et enfin (4) l’image que les autres ont de vous. Les liens qui unissent des personnes entre elles tiennent donc à ce que les gens pensent d’eux-mêmes, et à ce qu’ils montrent, disent et font, puis à la réception de tout cela par les autres.
Il y a des liens forts qui rassemblaient le public et les orateurs barbus. Ce sont, dans leur milieu, des orateurs renommés. Deux femmes ont fait irruption devant eux, et devant leur public, jeans et torse nu. Aucun lien ne s’est fait entre eux tous… rien ne correspondait entre elles et eux.

            S’interroger sur l’image de soi et l’image des autres, sur la plus ou moins grande correspondance entre ces images, cela permet de s’interroger sur la honte. Car la honte est cela qu’on éprouve lorsque l’image qu’on a de soi vient à être abimée, lorsque l’image qu’on a de ceux auxquels on est lié vient à être abimée. Alors, lorsqu’une personne éprouve de la honte, ce qui la relie à elle-même, et ce qui la relie à autrui vient à être malmené, voire détruit. La honte, lorsqu’on l’éprouve, fait à la fois perdre pied et perdre le contact… La honte est ainsi un sentiment qui isole puissamment. Celui qui éprouve la honte aura besoin de se reconstruire, ainsi que de reconstruire ses relations…
            Dans le face à face entre les orateurs barbus et les femmes aux torse nu, dans le face à face entre elles et le public, puis dans le face à face entre elles et ceux qui les ont violemment expulsées, dans le face à face que les média nous proposent de revivre, quelqu’un aura-t-il trouvé l’occasion d’éprouver la honte ? Quelqu’un aura-t-il été ébranlé… Nous ne pouvons pas pénétrer les consciences. Ce qu’on peut lire sur les sites des uns et des autres, les forums et les blogs laisse bien perplexe. Le face à face entre radicalisme et provocation produit plus souvent l’endurcissement que la honte. Mais peut-être que quelques âmes fragiles, hésitantes, tentées par telle option ou par telle autre, auront à cette occasion éprouvé la honte. Peut-être auront-elles alors choisi de tourner le dos à ce monde dans lequel les femmes sont horriblement encadrées, et choisi finalement le monde où les femmes disposent librement d’elles-mêmes. Je le crois. Qui sait ? Peut-être. Car de la honte on peut sortir « par le haut » (la conversion), ou « par le bas » (l’endurcissement).

Si quelqu’un a honte de moi et de mes paroles dans cette génération adultère et pécheresse, dit Jésus… Ceci nous invite à une large interrogation sur ce que les gens ont pu éprouver, amis ou ennemis de Jésus, lorsqu’ils l’ont entendu parler, lorsqu’ils l’ont vu vivre, et mourir. Si c’est de la honte qu’ils ont éprouvé, qu’en auront-ils fait ?
Les disciples de Jésus, et ses contemporains, qu’éprouvent-t-ils lorsqu’ils voient leur maître guérir, ou multiplier les pains ? Peut-être pas de la honte, sans doute de la fierté, de la joie, et, pour certains, un dépit qui se changera en haine. Lorsque Jésus enseigne, mais qu’ils ne comprennent rien, qu’éprouvent-ils ? Lorsqu’il polémique ? Lorsqu’il transgresse le commandement du sabbat ? Qu’éprouvent-ils ? Lorsqu’il guérit, d’un seul mot, un enfant qu’eux-mêmes avaient été impuissants à soulager, et qu’en plus il les traite d’engeance incrédule, ajoutant « jusqu’à quand vous supporterai-je » ? Peut-être que la honte s’invite là. Lorsqu’il accueille à bras ouverts des enfants qu’eux-mêmes avaient repoussés ? Lorsqu’il leur tend un bout de pain en disant « c’est mon corps », qu’éprouvent-ils ? Lorsqu’il se laisse arrêter sans se défendre ? Et lorsqu’il meurt misérablement ?
Parmi les sentiments qu’ils éprouvent, la honte est certainement présente, la honte qui dévaste l’image qu’ils avaient d’eux-mêmes en tant que disciples de cet homme-là, et c’est si flatteur lorsque tout va bien ! La honte qui met à mal le lien qui les unissait à leur maître, mais qui, peut-être aussi, met à mal les liens qui les unissaient à leur contemporains. Oui, la honte est un sentiment qui peut habiter les disciples de Jésus, et certains de ses contemporains. Puissent-ils avoir eu honte de Lui et de ses paroles, et en être sortis par le haut.
De la honte, nous l’avons dit, on peut sortir par le bas, ou par le haut. Sortir de la honte par le bas ce pouvait être, pour les disciples de Jésus, s’enfuir, le renier puis se taire définitivement et laisser l’histoire effacer l’Evangile, la bonne nouvelle, et l’espérance. Sortir de la honte par le haut ce pouvait être, prendre de la distance avec la religion et les compromissions de leur temps, choisir de devenir témoins de Jésus après sa mort, choisir de croire et vivre par la foi. C’est, nous le pensons, ce qu’ils ont fait. Ce qui n’effaçait en rien leur ancienne incrédulité, leur vieille dureté de cœur, leur lâcheté et leur reniement. Car la honte, lorsque celui qui l’éprouve ne se laisse pas anéantir par elle mais choisit de lui faire face, lorsque celui qui l’éprouve choisit d’en sortir par le haut, est proche parente de la vérité. En tant que telle, elle constitue le sous-bassement solide d’une conversion. Vous objecterez qu’on peut se convertir à bien des idées, à bien des religions. Oui, mais les idées ne se valent pas toutes. S’agissant de l’Evangile de Jésus Christ Fils de Dieu, le dépassement de la honte par le haut, la conversion, est une ouverture à la vie, elle est une protestation contre tout ce qui défigure Dieu en en faisant une idole, ou une arme de guerre, une protestation contre tout ce qui abime l’être humain en en faisant du bétail.

Si quelqu'un a honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l'homme aussi aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges. Comment allons-nous comprendre ce que dit finalement Jésus ?
Comme une menace dans la perspective du jugement dernier, peut-être… Mais après ce que nous avons dit de la honte, et de l’appel à la conversion qu’elle apporte avec elle, ce qui est soudain mis en jeu c’est le jugement dernier de Dieu sur l’homme qui est mis en question. Avant le jugement dernier de Dieu sur l’homme, il y a le jugement avant-dernier de l’homme sur lui-même. La honte est là, honte de mes paroles, honte de mes gestes, honte de soi-même… lorsqu’elle arrive, la honte signale la possibilité d’une conversion. Il y a un choix de vie que chacun peut faire, et doit toujours faire. Du jugement dernier, nous ne pouvons dire qu’une seule chose : il vient en dernier. Le dernier mot n’est jamais dit et il ne nous appartient pas. En affirmant que le Fils de l’homme venant au jour du jugement pourra avoir honte de certains, Jésus affirme que son opinion n’est pas encore formée. Quelle sera-t-elle sur nous ? Cela lui appartient. C’est une bonne nouvelle pour mettre fin à toute spéculation sur l’au-delà.
Tout est grâce, et c’est par la foi qu’il nous faut vivre, et continuer l’Evangile. Amen



On pourrait dire que l'Europe est en train de faire naufrage, que l'Occident est en train de faire naufrage, que la modernité a tellement peu tenu ses promesses que, finalement, le radicalisme religieux est une alternative acceptable, ou qu'un Etat fort, sans doute... Mais un Etat fort est juste une version sécularisée du radicalisme religieux. Et du radicalisme religieux on sait de quoi il est capable. Séduction et facilité du désespoir que se laisser aller plus que quelques instants à certaines pensées. Il faut préférer le silence de la honte au caquètement  des idées trop simples. Quant aux gestes... 
Je défendrai la modernité. Car c'est en Dieu que je crois. 

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