dimanche 13 septembre 2015

La suite de l'Evangile de Jésus Christ Fils de Dieu - 2 - (Marc 8,27-38)

Marc 8
27 Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages voisins de Césarée de Philippe. En chemin, il interrogeait ses disciples en leur disant «Qui suis-je, selon ce que les gens disent ?»
28 Ils lui dirent: «Jean le Baptiste; pour d'autres, Elie; pour d'autres, l'un des prophètes.»
29 Et lui leur demandait: «Et vous, qui dites-vous que je suis?» En lui répondant, Pierre lui dit : «Tu es le Christ.»
30 Mais il les réprimanda, {leur enjoignant} de ne rien dire de lui à personne.
31 Puis il commença à leur enseigner qu'il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite.
32 Il parlait ouvertement ce langage. Mais Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander.
33 Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, réprimanda Pierre; il lui dit : « Dégage ! Derrière moi, Satan, car tes pensées et tes manières ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes.»
34 Puis il fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit: «Si quelqu'un veut venir derrière moi, me suivre, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu'il m’accompagne.
35 En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile, la sauvera.
36 Et quel avantage l'homme a-t-il à gagner le monde entier, s'il le paie de sa vie?
37 Que pourrait donner l'homme en échange de sa vie?

38 Car si quelqu'un a honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l'homme aussi aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges.»

Prédication :
        Petit retour en arrière. Dans le texte que nous avons lu la semaine dernière, Jésus, ayant accompli un miracle, interdisait formellement qu’on fasse quelque publicité que ce soit autour de ce miracle.
Nous avons compris qu’on ne fait guère avancer la cause de l’évangile de Jésus Christ Fils de Dieu en faisant une publicité effrénée au sujet de miracles accomplis par lui, mais que nous sommes incapables de réitérer. A nous, au nom du Christ, d’accomplir simplement ce que nous sommes capables d’accomplir. Plaise à Dieu que cela porte du fruit et à Lui soit la gloire.
        Le texte que nous venons de lire aujourd’hui met en place une autre interdiction, plus fermement exprimée encore que la précédente.
« Tu es le Christ ! », affirme Pierre. Et Jésus lui-même de répliquer en interdisant à tous ses disciples de dire quoi que ce soit de lui à quiconque.
Comment l’évangile de Jésus Christ Fils de Dieu va-t-il être continué s’il est s’interdit de dire publiquement que Jésus est le Christ et s’il est même interdit de parler de lui ?

Laissons un  instant en suspens le défi que constitue, en elle-même, cette interdiction. Et revenons au texte et aux contextes.
            Jésus est un prédicateur brillant, un guérisseur performant, il a une notoriété considérable dans son petit pays. Et dans son petit pays, sous brutale domination romaine, l’attente d’un puissant libérateur est une réalité. La notoriété de Jésus, la publicité faite autour de lui, risque à chaque instant de faire se lever derrière lui une petite armée, motivée religieusement et politiquement, qui pourrait certes donner du fil à retordre aux légions romaines, mais que Rome saurait assurément écraser. Lorsqu’il commande à ses disciples de ne rien dire de lui à personne, Jésus tente peut-être de prévenir la violence.
           
            Pour autant, personne n’a jamais respecté vraiment l’interdiction, formulée par Jésus, ni jadis, ni maintenant. Si bien que la question qui nous intéresse ne peut pas être celle du respect de cette interdiction, mais celle de son interprétation.
Il en va de cette interdiction comme du commandement du Décalogue qui dit : « Tu ne prononceras pas mon nom en vain ! », c’est ce qui est commandé. Mais n’abuse-t-on pas de ce commandement si l’on vient à en faite une interdiction absolue de prononcer le nom de Dieu ? Que les quatre lettres du nom divin soient imprononçables, cela ne dispense jamais de parler de Dieu. Et comment parlera-t-on de Lui, de Dieu, sans jamais le nommer ? Ce commandement nous invite à nous demander de quoi nous parlons lorsque nous parlons de Dieu. Il nous signale même que lorsque nous parlons de Dieu, ce n’est jamais de Dieu que nous parlons. Cela signifie que ce commandement ne vise pas à établir, à signifier ou à maintenir que Dieu est Dieu. Que Dieu soit Dieu n’est jamais établi ni jamais réfuté par aucun propos ni par aucun agir humain. Nous ne pouvons pas établir ou réfuter que Dieu soit Dieu. C’est une affaire qui nous dépasse. Mais le commandement interpelle profondément celui qui se réclame de Dieu. « Est-ce bien Dieu qui est ton Dieu ? » Ou encore : « Ton Dieu, est-ce Dieu ? Ou bien est-ce le texte dont tu te réclames ? » Ou encore, « Comment montreras-tu que Dieu est ton Dieu ? »
           De même, l’interdiction de jamais parler de lui à personne, que Jésus adresse à ses disciples, est destinée à les interpeller. Que Pierre dise à Jésus, devant les autres disciples : « Tu es le Christ ! » n’établit ni n’établira jamais en aucun cas que Jésus est le Christ. Ce qui peut établir que Jésus est le Christ, c’est ce que Jésus dit et fait : son ministère public, sa Passion, sa Résurrection. Mais ne soyons pas naïfs, car son ministère public, sa Passion, sa Résurrection, ne nous sont accessibles que par un texte. « C’est écrit dans la Bible… » Et alors ? Rien ne peut indiquer que Jésus est le Christ, si ce n’est la réception de ce texte. C'est-à-dire que rien ne peut indiquer que Jésus est le Christ si ce n’est ce que les lecteurs ont fait, font, et feront de ce texte.
A ceci on pourra objecter que Jésus est le Christ indépendamment de ce que les humains auront fait de lui, tout comme Dieu est Dieu indépendamment de ce que les humains font de lui. Et c’est vrai, en tant qu’énoncé de la foi. C’est tellement vrai que l’énoncé de cette foi donne une chance à l’humanité. Dieu est plus grand, Christ est plus grand, que les atrocités commises en son nom, et que les horreurs proférées en son nom.
Dans cette foi, ni Dieu ni Christ n’ont besoin de nos services. Notre propos est juste de continuer l’Evangile de Jésus Christ Fils de Dieu. Au fond, nous avons à louer Dieu que nos pères ont reçu l’Evangile. Nous avons à rendre grâce à Dieu de ce que des traditions ont reçu et transmis le texte, et bien des commentaires du texte. Jésus est Christ parce que nos pères l’ont reconnu, et ont transmis ce qu’on a dit de lui. Reste encore à ce que Jésus soit Christ pour nous, Christ pour moi. Est-il Christ pour moi ? Que chacun s’interroge ! S’il est Christ pour moi, comment le saurai-je ? Nous avons un bon guide pour nous interroger maintenant. L’évangile de Marc !

Pierre confesse que Jésus est le Christ. A la bonne heure ! Mais « il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands  prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite. » La plupart des traducteurs rendent « il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, etc. » Il le fallait et, hélas, il le faut toujours. Nous affirmons que la Passion de Jésus, telle qu’elle est racontée par les évangiles, n’épuise en aucun cas la question de Jésus en tant que Christ. Il n’est pas exact de dire que Jésus a été reconnu comme Christ à la croix, ni au matin de Pâques. Ce qui est exact, c’est d’affirmer que Jésus n’est reconnaissable  comme Christ – hier, aujourd’hui et toujours – que crucifié et ressuscité, et qu’il ne l’est que pourvu que ceux qui se réclament de lui discutent très sérieusement, contestent en eux-mêmes et pour autrui, les trois pouvoirs qui ont toujours, dans le récit, et dans l’histoire de la chrétienté, rejeté Jésus, le Fils de l’homme, le Christ : les anciens, les grands-prêtres, les scribes.
Rejeté par les anciens : Jésus est reconnaissable comme Christ lorsque ses disciples, ses témoins, nous autres… nous ne prétendons pas que l’ancienneté est sage, a fait ses preuves, et que le temps présent, ou la génération montante, n’a rien à nous apprendre, et que les formes sociales,  politiques, et les inégalités qui vont avec sont de toujours et pour toujours…
Rejeté par les grands prêtres : Jésus est reconnaissable comme Christ lorsque ses disciples, ses témoins, nous autres… nous ne nous en  tenons pas par obligation, par conservatisme aux formes reçues et ne contraignons pas tout un chacun à pratiquer sans le comprendre un rituel que nous-mêmes n’aurons pas sérieusement interrogé.
Rejeté par les scribes : Jésus est reconnaissable comme Christ lorsque ses disciples, ses témoins, nous autres… nous ne sacralisons pas le texte biblique, c'est-à-dire au fond ne sacralisons pas nos propres habitudes et nos propres personnes.

            Peut-être que cela fait beaucoup à discuter, beaucoup à contester, beaucoup à rejeter. Peut-être que ça casse bien des convenances et bien des connivences. Continuer l’Evangile de Jésus Christ Fils de Dieu, c’est une croix à porter. La joie peut ne pas être absente lorsqu’on choisit de porter cette croix.
Que le Seigneur nous donne l’envie et la joie de porter cette croix. En la portant résolument nous signalerons que Jésus est Christ pour nous. Ainsi pourra-t-il être, Dieu voulant, un signe aussi pour nos contemporains. Amen


Un signe pour nos contemporains... signe de quoi? Prolongement étrange de cette prédication, l'irruption des Femen dans un "Salon musulman", où l'on discutait de cuisine, de la place de... l'opportunité, de la licéité... enfin, du statut et de la place des femmes. C'était à Pontoise, il y a quelques heures. Ce qui me donne l'opportunité de traduire en trois phrases simples les trois examens de soi proposés ci-dessus, et cela fera trois résolutions sérieuses.
Rejeté par les anciens : "Je ne serai jamais un vieux con !"
Rejeté par les grands prêtres : "Je ne serai jamais un intégriste !"
Rejeté par les scribes : "Je ne serai jamais un fondamentaliste !"