Apocalypse 21
1 Alors je vis un ciel nouveau et une terre
nouvelle, car le premier ciel et la première terre ont disparu et la mer n'est
plus.
2 Et la cité sainte, la
Jérusalem nouvelle, je la vis qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu, comme
une épouse qui s'est parée pour son époux.
3 Et j'entendis, venant
du trône, une voix forte qui disait: Voici la demeure de Dieu avec les hommes.
Il demeurera avec eux. Ils seront ses peuples et lui sera le Dieu qui est avec
eux.
4 Il essuiera toute larme
de leurs yeux, La mort ne sera plus. Il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni
souffrance, car le monde ancien a disparu.
5 Et celui qui siège sur
le trône dit: Voici, je fais toutes choses nouvelles. Puis il dit: Écris: Ces
paroles sont certaines et véridiques.
Jean 13
31 Dès que Judas fut sorti, Jésus dit: «Maintenant, le Fils de l'homme a été
glorifié, et Dieu a été glorifié par lui;
32 Dieu le glorifiera en
lui-même, et c'est bientôt qu'il le glorifiera.
33 Mes petits enfants, je
ne suis plus avec vous que pour peu de temps. Vous me chercherez et comme j'ai
dit aux Juifs: ‹Là où je vais, vous ne pouvez venir›, à vous aussi maintenant
je le dis.
34 «Je vous donne un
commandement nouveau: aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés,
aimez-vous les uns les autres.
35 À ceci, tous vous
reconnaîtront pour mes disciples: à l'amour que vous aurez les uns pour les
autres.»
Prédication :
Gloire. Il nous est proposé de lire
quelques versets de l’Apocalypse de Jean, versets où commence ce que nous
pourrions appeler la révélation finale. La Jérusalem nouvelle descend du ciel,
toutes choses sont faites nouvelles…
En fait les versets que nous venons de
lire sont extraordinairement sobres pour être des versets de ce dernier épisode
de l’Apocalypse. Quelques lignes plus loin, il y aura un véritable déluge de
superlatifs. Il y aura toutes les matières précieuses connues, dans un plan architectural
extrêmement maîtrisé. Rien ne sera trop beau pour décrire cette cité, et la
gloire de cette cité. Rien ne sera trop beau pour dire le nouveau, comme si hyper-précieux
et nouveau étaient synonymes.
N’avançons pas trop vite, revenons
d’abord à ce qui s’accomplit : toutes choses sont faites nouvelles. Mais
que signifie cela, toutes choses sont faites nouvelles ? Toutes choses,
les pires, les mauvaises, les bonnes et les meilleures. Si toutes choses sont
faites nouvelles, même les meilleures choses sont faites nouvelles. Et là, nous
hésitons… pour deux raisons : nous ne sommes pas certains d’être compétents
en matière de détermination du meilleur, et nous ne sommes pas capables de
parler du meilleur renouvelé : nous n’avons juste pas le vocabulaire
nécessaire. Nous hésitons donc sur ces versets.
Mais celui qui parle, lui, Jean, le
voyant de Patmos, comment s’y prend-il pour parler de ce grand
renouvellement ? Il se réclame de visions particulières, et il reprend à
son propre compte les grands récits merveilleux que son époque, et l’époque
précédente, avaient produits. Il prend ces récits, et il les transforme. Il ne
s’agit d’ailleurs pas de transformations considérables. La lumière
éblouissante, les chasses gigantesques en métaux précieux polis, les pierres
précieuses de toutes sortes : « 18 La muraille était construite en jaspe, et la
ville était d'or pur, semblable à du verre pur. 19 Les fondements de
la muraille de la ville étaient ornés de pierres précieuses de toute espèce: le
premier fondement était de jaspe, le second de saphir, le troisième de
calcédoine, le quatrième d'émeraude, 20 le cinquième de sardonyx, le
sixième de sardoine, le septième de chrysolithe, le huitième de béryl, le
neuvième de topaze, le dixième de chrysoprase, le onzième d'hyacinthe, le
douzième d'améthyste. 21 Les douze portes étaient douze perles; »
Tout cela peut être indéfiniment reconduit, les seules transformations notables
tiennent au nom de Dieu et au nom de son Fils, lumières intrinsèques – comment
en serait-il autrement – qui évoquent, qui représentent la gloire de Dieu.
Alors, cette ancienne et
merveilleuse évocation, cette soupe précieuse cent fois déjà révélée, est-elle
la seule manière possible de parler du grand renouvellement de toutes
choses ? Évoquer le triomphe du Dieu fort et de son Fils, est-ce la seule
manière d’apporter le réconfort et la tranquillité aux fidèles qui, si nous
lisons bien le début de l’Apocalypse, avaient été persécutés en raison de leur
foi ? Cette vision finale de la gloire divine et de la gloire des
serviteurs de Dieu, est-le la seule manière possible pour dire pour dire le renouvellement
de tout ?
Les spécialistes des écrits
attribués à Jean pensent que l’évangile, les trois petites épîtres et
l’Apocalypse sont d’une même école, si ce n’est pas d’une même plume. Ce qui
saute aux yeux du lecteur, c’est qu’ils sont au moins d’une même langue.
Peut-être pas frères, mais au moins très proches cousins, leurs réflexions s’interpellent,
et parfois se complètent.
Nous avons partagés quelques
mots sur la gloire dans l’Apocalypse, mais l’évangile de Jean a, lui aussi,
réfléchi sur la gloire.
Parole de Jésus :
« Dès que Judas fut sorti, Jésus dit : "Maintenant, le Fils de
l’homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié par lui…" » Judas
sort. C’est juste après que Jésus l’ait désigné comme celui qui va trahir, et
qu’il lui ait recommandé de ne pas tarder à accomplir cette trahison. Et si
nous lisons bien – peut-être avons-nous peur de lire, mais c’est pourtant ce
qui est écrit – le Fils de l’homme a été glorifié en cette trahison, et Dieu
tout autant glorifié par le Fils de l’homme. Nous pensons à Dieu et au Fils de l’homme
tels que nous les avons évoqués dans d’autres méditations, grandeurs non
mesurables, puissances inépuisables, et nous nous demandons comment une
glorification "par le bas", "par la trahison" est possible,
et comment elle est même concevable.
Et bien comme cela arrive
souvent dans l’évangile de Jean, il peut être intéressant de revenir au tout
début, au commencement, au premier chapitre – son prologue – et, dans ce
prologue, à une affirmation décisive, le
verbe s’est fait chair (1.14). Certains proposent de traduire Dieu s’est
fait homme, ou encore il est devenu un homme. Cet homme, c’est Jésus Christ.
Quand donc s’est-il fait
homme ? N’ayant pas de récit de nativité dans l’évangile de Jean, nous
pouvons dire qu’il s’est fait homme, d’un coup d’un seul, ou progressivement, avant
le commencement du récit. Mais nous ne pouvons pas trop spéculer sur ce qui
n’est pas écrit… et nous dirons que se faire homme, apprendre à être chair,
c’est une tâche dont la durée est la durée de l’évangile, allant crescendo jusqu’à la fin… quelle
fin ? Et que cette tâche passe par le moment où Jésus accepte d’être
trahi.
L’évangile
selon Jean passe nécessairement par la trahison. Seule la chair peut être aussi
radicalement trahie que le sera Jésus. Et elle peut être radicalement trahie
parce qu’elle est radicalement donnée. L’incarnation de Dieu et sa donation aux
humains sont une seule et même chose – une seule et même expérience humaine et divine.
Au point culminant de cette expérience, il y a la trahison, dont la possibilité
est le signe de la donation de Dieu lui-même à la chair, et dont
l’accomplissement jusqu’à la croix est le signe de l’amour de Dieu (ou don de
Dieu – c’est la même chose) pour la chair, pour les humains.
Et c’est pour cette raison
aussi qu’il parle ici d’amour. « Aimez-vous les uns les autres, comme je
vous ai aimés ». Et c’est pour cette raison que Jésus parle ici de gloire.
Ce qui fait que nous avons
deux fois parlé de gloire. Une fois de la gloire extrêmement élevée, brillante,
merveilleuse qui, de très haut et de très loin dans le futur surplombe
l’humanité ; inatteignable sauf par vision divine, puis surtout par le
génie flamboyant des écrivains biblique. Et une autre fois d’une gloire que
nous qualifierons d’éthique, la gloire du Fils de l’homme, qui est gloire de
Dieu, étant de s’engager absolument, éperdument, dans l’humanité et pour
l’humanité, au risque connu et assumé d’être trahi par ses semblables, risque
avéré, nous le savons, dans l’évangile.
Autant la première gloire
est la gloire d’un Dieu fort et lointain, autant la seconde gloire est la gloire
d’un Dieu tout proche, aimant et faible.
Est-ce la même
gloire ? Le soleil étincelant de la Jérusalem nouvelle est-il aussi le
coucher de soleil lamentable sur le Golgotha du Vendredi Saint ? C’est la
même gloire en ses variations les plus extrêmes. La même gloire, celle de Dieu,
celle des humains.