samedi 13 janvier 2024

Facilité de Dieu (Jean 1,35-42 ; 1Corinthiens 6,13-20 ; 1Samuel 3,3-19)

Beaucoup de textes biblique aujourd'hui. Nécessaire me semble-t-il. Puis un sermon assez bref, vous verrez. Bonne lecture. A bientôt. 

Jean 1

35 Le lendemain, Jean se trouvait de nouveau au même endroit avec deux de ses disciples.

 36 Fixant son regard sur Jésus qui marchait, il dit: «Voici l'agneau de Dieu.»

 37 Les deux disciples, l'entendant parler ainsi, suivirent Jésus.

 38 Jésus se retourna et, voyant qu'ils s'étaient mis à le suivre, il leur dit: «Que cherchez-vous?» Ils répondirent: «Rabbi - ce qui signifie Maître - , où demeures-tu?»

 39 Il leur dit: «Venez et vous verrez.» Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait et ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là; c'était environ la dixième heure.

 40 André, le frère de Simon-Pierre, était l'un de ces deux qui avaient écouté Jean et suivi Jésus.

 41 Il va trouver, avant tout autre, son propre frère Simon et lui dit: «Nous avons trouvé le Messie!» - ce qui signifie le Christ.

 42 Il l'amena à Jésus. Fixant son regard sur lui, Jésus dit: «Tu es Simon, le fils de Jean; tu seras appelé Céphas» - ce qui veut dire Pierre.

1 Corinthiens 6

13 Les aliments sont pour le ventre, et le ventre pour les aliments, et Dieu détruira ceux-ci et celui-là. Mais le corps n'est pas pour la débauche, il est pour le Seigneur, et le Seigneur est pour le corps.

 14 Or, Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera aussi par sa puissance.

 15 Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ? Prendrai-je les membres du Christ pour en faire des membres de prostituée? Certes non!

 16 Ne savez-vous pas que celui qui s'unit à la prostituée fait avec elle un seul corps? Car il est dit: Les deux ne seront qu'une seule chair.

 17 Mais celui qui s'unit au Seigneur est avec lui un seul esprit.

 18 Fuyez la débauche. Tout autre péché commis par l'homme est extérieur à son corps. Mais le débauché pèche contre son propre corps.

 19 Ou bien ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous et qui vous vient de Dieu, et que vous ne vous appartenez pas?

 20 Quelqu'un a payé le prix de votre rachat. Glorifiez donc Dieu par votre corps.

1 Samuel 3

3 La lampe de Dieu n'était pas encore éteinte, et Samuel était couché dans le Temple du SEIGNEUR, où se trouvait l'arche de Dieu.

 4 Le SEIGNEUR appela Samuel. Il répondit: «Me voici!»

 5 Il se rendit en courant près d'Eli et lui dit: «Me voici, puisque tu m'as appelé.» Celui-ci répondit: «Je ne t'ai pas appelé. Retourne te coucher.» Il alla se coucher.

 6 Le SEIGNEUR appela Samuel encore une fois. Samuel se leva, alla trouver Eli et lui dit: «Me voici, puisque tu m'as appelé.» Il répondit: «Je ne t'ai pas appelé, mon fils. Retourne te coucher.»

 7 Samuel ne connaissait pas encore le SEIGNEUR. La parole du SEIGNEUR ne s'était pas encore révélée à lui.

 8 Le SEIGNEUR appela encore Samuel, pour la troisième fois. Il se leva et alla trouver Eli. Il lui dit: «Me voici, puisque tu m'as appelé.» Eli comprit alors que le SEIGNEUR appelait l'enfant.

 9 Eli dit à Samuel: «Retourne te coucher. Et s'il t'appelle, tu lui diras: Parle, SEIGNEUR, ton serviteur écoute.» Et Samuel alla se coucher à sa place habituelle.

 10 Le SEIGNEUR vint et se tint présent. Il appela comme les autres fois: «Samuel, Samuel!» Samuel dit: «Parle, ton serviteur écoute.»

 11 Le SEIGNEUR dit à Samuel: «Voici que je vais accomplir une chose en Israël, à faire tinter les oreilles de quiconque en entendra parler.

 12 Ce jour-là, je réaliserai contre Eli tout ce que j'ai dit au sujet de sa maison, de bout en bout.

 13 Je lui annonce que je fais justice de sa maison pour toujours à cause de sa faute: il savait que ses fils insultaient Dieu et néanmoins, il ne les a pas repris.

 14 Voilà pourquoi je le jure à la maison d'Eli: Rien n'effacera jamais la faute de la maison d'Eli, ni sacrifice, ni offrande.»

 15 Samuel resta couché jusqu'au matin, puis il ouvrit les portes de la Maison du SEIGNEUR. Samuel craignait de rapporter la vision à Eli.

 16 Eli appela Samuel et lui dit: «Samuel, mon fils.» Il dit: «Me voici.»

 17 Il dit: «Quelle est la parole qu'il t'a adressée? Ne me le cache pas, je t'en prie. Que Dieu te fasse ceci et encore cela si tu me caches un mot de toute la parole qu'il t'a adressée.»

 18 Alors Samuel lui rapporta toutes les paroles, sans rien lui cacher. Il dit: «Il est le SEIGNEUR. Qu'il fasse ce que bon lui semble.»

 19 Samuel grandit. Le SEIGNEUR était avec lui et ne laissa sans effet aucune de ses paroles.

Prédication 

            Je voudrais ce matin vous parler d’un Père de l’Église, écrivain chrétien des premiers siècles, un certain Tatien le Syrien, IIème siècle, qui est très connu pour avoir entrepris une – la première – Harmonie des quatre évangiles, entreprise considérable, et considérablement discutée en ce temps – et pas seulement en ce temps. La question est simple : puisqu’il n’y a qu’un seul messie, pourquoi y a-t-il quatre évangiles ? Et pourquoi ne pas produire un Diatessaron, de quatre vers un ? Tatien donc se met à l’ouvrage et produit un texte qui rencontrera un succès considérable, jusqu’au 9ème siècle au moins. Plus loin dans le 20ème siècle, en feuilletant divers ouvrages de piété, j’ai trouvé des psaumes, diverses confessions, et des harmonies des quatre évangiles. Quelle est l’utilité de ce genre de travail ? Faut-il vraiment tourner le dos à ces textes et à ce personnage unique – peut-être bien unique – qu’ils donnent à connaître ? Discussion âpre. Pour ce texte, peut-être pas seulement, mais pour d’autres aussi il est considéré comme Père de l’Église. Mais il est aussi considéré comme hérétique par les Église grecques et latines.

            Tatien, pour la fin de sa vie, aurait été  encratite, c'est-à-dire exerçant contre son propre corps une discipline extrêmement rigoureuse, ni viande, ni boisson enivrante, ni union charnelle, ni sensualité d’aucune sorte. Quelque chose de violent, comme vous le voyez, avec en plus diverses doctrines pour certaines particulièrement abstruses. L’Église a, avec ses moyens, condamné et pourchassé ce genre d’orientation.

 

            Mais nous n’allons pas plus loin. Avec les textes que nous avons lus, plus Tatien, nous avons tout ce qu’il faut pour poser une certaine question : que faut-il faire pour être proche de Dieu ? Ou : pour s’en tenir à Dieu ? Ou : pour obéir à Dieu ? C’est une question unique mais qui a besoin de plusieurs énoncés. Et 1 Samuel 3 est parfaitement explicite : (1) Dieu, c’est le rituel, (2) Dieu, c’est une certaine parole, prononcée par une personne pure et désintéressée, (3) Dieu c’est la justice rendue justement, (4) Dieu, c’est la gratuité et la liberté pour ceux qui portent leur requête, (5) Dieu, c’est la soumission à l’ordre de la parole qui vient. Ce ne sont pas des nuances de Dieu, c’est Dieu tout entier à chaque fois. Et c’est pour cette raison que la punition sur la famille du prêtre Héli s’annonce si violente. Non que Dieu soit spécialement vindicatif, mais parce qu’en violentant Dieu, c’est la condition de la vie qui disparaît. C’est cette condition et sa rupture qu’on nomme Dieu et ce qui s’ensuit.

           

            C’est ainsi en tout cas que les auteurs du 1er livre de Samuel ont envisagé qu’on s’approche de Dieu. Et vous voyez que leurs propositions sont tout à fait différentes de celles de Tatien. Mais la vie en Dieu, est-elle forcément aussi ampoulée, et aussi dangereuse ? Poursuivons nos investigations, Paul.

 

            Paul est tout un univers, et nous n’allons pas en entreprendre la visite ce matin. Ce qui nous intéresse c’est Dieu et c’est ce corps humain dont nous avons vu qu’à cause de leurs convictions, certains le mortifient jusqu’aux dernières extrémités, au point pour certains de passer leur vie entière perchés sur une colonne.

            Paul est un personnage particulier, et emporté, mais il est aussi un prédicateur pour le moins humain. Qu’on croie en Christ – ou en Dieu – est pour lui une chose, et que la foi soit compatible avec la vie personnelle, et avec la vie communautaire, c’est une autre chose, le deux étant idéalement indissociables. C’est ce qui lui fait écrire : « Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? » Et pour Paul ils le sont dès à présent même s’ils doivent l’être ultérieurement, et parce qu’ils le furent déjà. Paul est un écrivain génial, dans le sens où il sait parler du passé, du présent et de l’avenir de manière pertinente dans une seule phrase. Ce qui fait que sa pensée de l’homme et sa pensée de Dieu sont une seule et même pensée. Et comme il connait aussi très bien sa Bible, il peut, toujours en peu de mots, parler de l’homme de Genèse, et méditer sur l’état de maturité des écritures et des hommes de son temps.

            Et qu’est-ce que ça donne pour l’homme et pour Dieu ? Pas une ascèse, mais une prudence, un bon usage des biens et corps, un bon usage aussi de la parole. Une certaine conscience aigüe de ce que nul ne s’appartient, et que les corps – sans exception d’aucun, sont « Temple du Saint Esprit » Est-ce simple ? Oui, et il est inutile d’en faire tout un plâtras. Comme souvent avec Paul, les choses apparemment compliquées – comme on dit aujourd’hui – finissent dans la plus profonde simplicité. « 20 Quelqu'un a payé le prix de votre rachat. » C’est cadeau. « Glorifiez donc Dieu par votre corps. » C’est merci. Et c’est ainsi qu’on est proche de Dieu, si proche de Dieu qu’il est même tout en vous.

 

            Mais il reste quelque chose encore. On dit parfois qu’il est étonnant qu’avec un langage aussi simple il soit possible de dire des choses si extraordinairement profondes. S’approcher de Dieu, dans l’évangile de Jean, c’est s’approcher de Jésus – et tous les autres noms qu’il porte. Pour s’approcher de lui, il faut suivre la route balisée, il y a donc bien des balises, et les indications de tel et tel témoins, il y en a aussi. S’approcher de Dieu, cinq lignes dans ce sermon. Quelques mots dans l’évangile de Jean. « Venez et vous verrez. Ils allèrent et ils virent. » Jésus – et donc Dieu tout court et tout simplement – est là, pure et perpétuelle présence donnée en quelques  mots.

            On se dit parfois que tout, Nouveau Testament et Ancien Testament, pourrait être ramené à une seule phrase : « Et le Verbe se fait chair… » C’est justement une phrase de l’évangile de Jean. Qui, si je comprends bien, nous dit toute la profondeur, la simplicité, et la vitalité de Dieu.