1 Commencement de
l'Évangile de Jésus Christ Fils de Dieu:
2 Ainsi qu'il est écrit dans le
livre du prophète Esaïe, Voici, j'envoie mon messager en avant de toi, pour
préparer ton chemin.
3 Une voix crie dans le désert:
Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.
4 Jean le Baptiste parut dans le
désert, proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés.
5 Tout le pays de Judée et tous les
habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui; ils se faisaient baptiser
par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés.
6 Jean était vêtu de poil de
chameau avec une ceinture de cuir autour des reins; il se nourrissait de
sauterelles et de miel sauvage.
7 Il proclamait: «Celui qui est
plus fort que moi vient après moi, et je ne suis pas digne, en me courbant, de
délier la lanière de ses sandales.
8 Moi, je vous ai baptisés d'eau,
mais lui vous baptisera d'Esprit Saint.»
Prédication :
Commencement, qu’est-ce que cela
signifie ?
Marc 1:1 Commencement de l’évangile
de Jésus Christ Fils de Dieu. Marc 16:8 Elles sortirent et s'enfuirent loin du tombeau,
car elles étaient toutes tremblantes et bouleversées; et elles ne dirent jamais
rien à personne, car elles avaient peur.
Ce verset, si l’on décide
– c’est possible – qu’il est la fin de l’évangile de Marc dans sa version la
plus ancienne, vient affirmer que la résurrection de Jésus Christ signe – selon
Marc – la fin de l’Évangile.
Mais bien sûr, vous n’êtes
pas dupes, c’est quelqu’un qui a eu une idée géniale pour que les humains
parlent de l’évangile entre eux. Cette idée, c’est de transformer littérairement le récit d’un drame
absolu en l’annonce d’une bonne nouvelle. Cette idée revient à confier à l’être
humain – auditeur ou lecteur – la tâche de proclamer que la fin est le
commencement.
Et tout de suite, nous
nous demandons comment cela se fera.
Si nous nous référons à
l’histoire de la terre d’Israël, et aux relations que le peuple hébreu eut avec
ses voisins, nous constatons que le pire fut possible, le meilleur aussi.
Question de période, question de la bonne forme des royautés d’Israël et de
Juda, question aussi de la bonne forme des Empires voisins. Essayons d’être
clairs. Les Empires voisins ont toujours montré un grand appétit en face de
petits Royaumes, qu’ils ont souvent vaincus et assujettis au tribu,
c'est-à-dire à la paix payante, et si l’on ne paye pas, c’est la guerre… Mais
lorsque les grands Empires entraient eux-mêmes en crise (coup d’état au palais,
succession foireuse ou invasions ou épidémie, les petits Royaumes pouvaient un
temps être tranquilles et n’avaient alors de cesse que de s’émanciper, et il y
eut pour eux de belles périodes d’autonomie Jusqu’à ce que… ça recommence.
Et jusqu’à ce qu’arrivent
les grandes catastrophes de la chute de Samarie (~722) et de l’exil à Babylone
(~585). Et c’est au sujet de ces
catastrophes vraiment majeures que certaines questions se sont posées avec une
certaine urgence.
C’est que Dieu était jusque là un
Dieu de la terre, un Dieu de la fertilité dont l’humeur conditionnait le rythme
des précipitations – rythme régulier et généreux dans ce pays et à ce moment
là… Un Dieu généreux pour de petits pécheurs. Les accidents de la météo, et les
accidents liés à la mauvaise humeur des croyants étaient vite expiés, régis par
des lois d’équivalence, pas forcément arithmétisées, mais simplement
existantes. Ce qui suffisait pour la justification… Mais arrivèrent deux
catastrophes majeures.
Dans la première de ces
catastrophes, 10 des 12 tribus des fils d’Israël disparurent, déportées par le
vainqueur l’Assyrien Sargon II, et l’on n’entendit plus jamais parler d’elles.
Dans la deuxième catastrophe (585), le pays fut ravagé, Jérusalem mise à sac,
le Temple détruit, et la famille royale décimée, tout ce qui était prêtre,
prince, artisan, intellectuel... fut déporté en Babylonie.
Est-ce que ce petit Dieu tout juste
agricole, péquenot même avec son Temple, même pas céleste, qui allait bien pour
un climat clément et une population plutôt paisible pour des Proche Orientaux, était
capable de quoi que soit lorsque la calamité ennemie leur tomba dessus
d’en-haut, et que les morts et les disparus se comptèrent soudain par dizaines
de milliers ? Quelle faute massive, collective, avaient-ils donc commise
dont ils fussent tous coupables, et qu’ils devraient tous expier, tous, les justes
comme les méchants. Par quel rituel ? Et quelle peine ?
C’est intordable. Et donc la
religion entra en crise. Pour aller au bout de ce que nous voulons dire, Dieu
lui-même entra en crise, une crise si grave que Dieu en mourut. Et que se passa-t-il
alors ?
(Passons au présent) Je crois que ce
qui se passe alors n’est pas forcément du fait des théologiens professionnels.
Et peut-être même pas du fait des pasteurs. Peut-être du fait des petites gens,
des croyants, de ceux qui n’ont pas de savoir ni de pouvoir à protéger. Car ce
qui doit se passer, et qui va se passer, c’est un départ, un nouveau départ.
Avec audace, ils vont envisager que chacun est responsable de ses propres
fautes, le salut va donc être individualisé. Avec audace ils vont considérer
que Dieu est là-haut et qu’il domine tout. Avec audace aussi ils vont
considérer que Dieu est fidèle envers et contre tout à un peuple qu’il va
chercher jusqu’en terre d’exil pour le ramener sur une certaine terre. Audace
toujours lorsqu’on affirmera que c’est Dieu lui-même qui couronne les empereurs
étrangers (Cyrus le Perse reçoit l’onction divine…) Avec une audace encore plus
folle ils considèreront que la parole divine ne sort plus de la bouche d’un
prophète mais qu’elle est consignée dans un livre, et donc accessible d’une
manière autonome à tous ceux qui savent lire…
Toutes ces choses sont bien un peu
difficile, convenons-en, mais peut-être pas tant que ça, alors je ferai mémoire
ici devant vous d’une théologienne que j’ai bien connue dans l’Ain, à Attignat,
elle avait largement passé ses 80 ans, élevait trois vaches et quelques poules
consanguines. Elle sortait le fumier à la fourche, comme dans l’autre siècle,
s’appelait Louise Rayroud, de toute sa vie n’avait lu que sa Bible et le
journal. Sa compréhension et sa pensée du présent et de Dieu étaient d’une
pénétration et d’une finesse admirable. Elle aurait pu à elle seule recommencer
l’histoire des hommes et de Dieu si les circonstances l’avaient exigé. Très
modestement, elle m’invitait, à l’automne, dans son potager et sur son champ,
et me faisait don de suffisamment de courges pour nourrir ma petite famille,
plus toute la paroisse.
Toutes ces choses sont elles si
difficile ?
Commencement, qu’est-ce que ça veut
dire ? Si nous le prenons au pied de la lettre qui nous est proposé, le
commencement c’est Jean le Baptiste qui prend la parole et annonce ceci et
cela, la lettre du texte. Mais c’est très insatisfaisant parce que cela enferme
l’évangile dans un schéma de clôture qui va rendre caduque les derniers versets
de Marc 16 : « Elles ne dirent jamais à personne... » Clôture
qui oblige à rajouter au texte toutes sortes d’apparitions contraignantes du
Ressuscité, au lieu d’inviter le lecteur à faire sien l’étonnement devant le
tombeau vide – même si, et surtout si – il n’y comprend rien.
Commencement de l’évangile de Jésus
Christ Fils de Dieu c’est le titre de tout le texte originel de Marc. Depuis
Marc 1:2 et jusqu’à Marc 16:8 nous n’avons que le commencement. Et la
suite ? Elle appartient au croyant-lecteur-auditeur de la prédication
chrétienne de l’inventer – inventer, c’est découvrir.
Plusieurs voies, sont possibles en
vérité, Marc 1:1 et ce qui suit Marc 16:8, Jean 1:1 « Au commencement
était la parole… », et Genèse 1:1 « Au commencement Dieu créa
les cieux et la terre… ». Trois voies, parmi des dizaines d’autres pour
entrer dans ce qu’un de nos maitres a appelé l’invention de Dieu – Thomas RÖMER, ou la découverte de Dieu, la
création de Dieu, ou encore l’intimité de Dieu.
Tout cela en héritage, comme au
commencement.