mercredi 16 juin 2021

Lire les Béatitudes (lettre pastorale du 15 juin 2021)


« Heureux… » (Lire les Béatitudes)

 

            Avec les lettres pastorales de ces derniers mois, nous avons lu les Béatitudes du 5ème chapitre de l’évangile de Matthieu. C’est une collection unique dans la Bible, même si d’autres auteurs ont pu écrire : « Heureux… » Il y a des béatitudes dans les Psaumes, il y en a aussi dans les livres de sagesse, et quelques-unes dans les Prophètes.

            Pendant tout le temps que nous avons mis à lire les Béatitudes de Matthieu, je me suis fait une observation : les Béatitudes ne sont pas des textes ordinaires, elles ne doivent pas être lues comme des textes ordinaires. Entendons-nous bien, il n’y a pas de textes ordinaires dans la Bible, et ça n’est pas sans raisons sérieuses qu’on appelle parfois la Bible Parole de Dieu. Mais pour lire la plupart des textes de la Bible nous pouvons mobiliser toutes sortes de compétences, historiques, critiques, philologiques, sémiotiques, nous pouvons apprendre bien des langues originales… nous pouvons encore et encore allonger cette liste. Et nous serons des lecteurs savants – la communauté a besoin de ce genre de lecteurs et de ce genre de lectures. Savoir s’ils sont indispensables est une autre affaire.

            Donc quantité de compétences peuvent être mobilisées pour lire les textes bibliques, mais lorsqu’il s’agit des Béatitudes de l’évangile de Matthieu, rien ne marche. Le lecteur se trouve devant son texte, devant telle Béatitude, et c’est comme si ses compétences s’étaient évaporées. L’attitude studieuse qu’on peut avoir devant les autres textes n’est pas pertinente. La quête des fins et des commencements, des pourquoi et des comment, semble n’avoir aucune portée.

            Et l’on se trouve devant chaque Béatitude comme devant une sorte de miroir, un miroir qui reflète un monde très simplifié, mais très profond, précisément le monde de cette Béatitude-là, et qui vous défie, et qui en plus de ce qu’elle déclare, vous adresse sa question, voire son défi. Son Et alors ?  C’est ce que vous demande la Béatitude. C’est si direct, c’est si profond, que le lecteur reste pantois, pantois comme devant un chef d’œuvre.

            Comment lire les Béatitudes donc ? Et l’on arrive à ceci : Les Béatitudes ne peuvent pas être lues. Bien entendu chacun pourra, avec les compétences qui sont les siennes, produire un commentaire. Mais ce qu’il nous semble, c’est que les Béatitudes appellent à une contemplation. Et c’est après ce temps de contemplation qu’un essai de transmission pourra être, peut-être, entrepris. Nous disons ici peut-être, car le lecteur garde à tout moment la liberté qui est la sienne, celle de garder pour lui-même le fruit de sa méditation.

            Sœurs et frères, je partage aujourd’hui avec vous ces quelques réflexions sur la fréquentation des Béatitudes. Pendant ces quelques mois nous avons, je l’espère, fait un bout de chemin avec l’un des textes les plus beaux, et les plus difficiles, de toute la Bible. Dans ce texte, le mot Heureux ne cesse d’être utilisé et, il me semble, il ne cesse d’être malmené. Et il l’est, jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême, lorsqu’est, à la fin, assené Heureux lorsqu’on vous insulte, lorsqu’on vous persécute... Heureux parce qu’ainsi ont été traités les Prophètes ? Heureux à l’idée d’une récompense céleste ? La Béatitude (Matthieu 5:11-12) parle ici d’un monde où sont interdits les actes de contestation, où sont sanctionnés les gestes charitables, mais dans lequel vivent des hommes et des femmes qui défient ces interdits, quoi qu’on en dise et quoi qu’il en coûte.          

            Cette Béatitude est ainsi un texte d’espérance, ce qu'elles sont, aussi, toutes ensemble. 

 

Pasteur Jean DIETZ, 15 juin 2021

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