« Heureux… »
(Lire les Béatitudes)
Avec
les lettres pastorales de ces derniers mois, nous avons lu les Béatitudes du 5ème
chapitre de l’évangile de Matthieu. C’est une collection unique dans la Bible,
même si d’autres auteurs ont pu écrire : « Heureux… » Il y a des
béatitudes dans les Psaumes, il y en a aussi dans les livres de sagesse, et quelques-unes
dans les Prophètes.
Pendant
tout le temps que nous avons mis à lire les Béatitudes de Matthieu, je me suis
fait une observation : les Béatitudes ne sont pas des textes ordinaires,
elles ne doivent pas être lues comme des textes ordinaires. Entendons-nous bien,
il n’y a pas de textes ordinaires dans la Bible, et ça n’est pas sans raisons
sérieuses qu’on appelle parfois la Bible Parole de Dieu. Mais pour lire la
plupart des textes de la Bible nous pouvons mobiliser toutes sortes de
compétences, historiques, critiques, philologiques, sémiotiques, nous pouvons
apprendre bien des langues originales… nous pouvons encore et encore allonger
cette liste. Et nous serons des lecteurs savants – la communauté a besoin de ce
genre de lecteurs et de ce genre de lectures. Savoir s’ils sont indispensables
est une autre affaire.
Donc
quantité de compétences peuvent être mobilisées pour lire les textes bibliques,
mais lorsqu’il s’agit des Béatitudes de l’évangile de Matthieu, rien ne marche.
Le lecteur se trouve devant son texte, devant telle Béatitude, et c’est comme
si ses compétences s’étaient évaporées. L’attitude studieuse qu’on peut avoir
devant les autres textes n’est pas pertinente. La quête des fins et des
commencements, des pourquoi et des comment, semble n’avoir aucune portée.
Et
l’on se trouve devant chaque Béatitude comme devant une sorte de miroir, un
miroir qui reflète un monde très simplifié, mais très profond, précisément le
monde de cette Béatitude-là, et qui vous défie, et qui en plus de ce qu’elle
déclare, vous adresse sa question, voire son défi. Son Et alors ? C’est ce que
vous demande la Béatitude. C’est si direct, c’est si profond, que le lecteur
reste pantois, pantois comme devant un chef d’œuvre.
Comment
lire les Béatitudes donc ? Et l’on arrive à ceci : Les Béatitudes ne
peuvent pas être lues. Bien entendu chacun pourra, avec les compétences qui
sont les siennes, produire un commentaire. Mais ce qu’il nous semble, c’est que
les Béatitudes appellent à une contemplation. Et c’est après ce temps de contemplation
qu’un essai de transmission pourra être, peut-être, entrepris. Nous disons ici
peut-être, car le lecteur garde à tout moment la liberté qui est la sienne,
celle de garder pour lui-même le fruit de sa méditation.
Sœurs et frères, je partage aujourd’hui avec vous ces quelques réflexions sur la fréquentation des Béatitudes. Pendant ces quelques mois nous avons, je l’espère, fait un bout de chemin avec l’un des textes les plus beaux, et les plus difficiles, de toute la Bible. Dans ce texte, le mot Heureux ne cesse d’être utilisé et, il me semble, il ne cesse d’être malmené. Et il l’est, jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême, lorsqu’est, à la fin, assené Heureux lorsqu’on vous insulte, lorsqu’on vous persécute... Heureux parce qu’ainsi ont été traités les Prophètes ? Heureux à l’idée d’une récompense céleste ? La Béatitude (Matthieu 5:11-12) parle ici d’un monde où sont interdits les actes de contestation, où sont sanctionnés les gestes charitables, mais dans lequel vivent des hommes et des femmes qui défient ces interdits, quoi qu’on en dise et quoi qu’il en coûte.
Cette
Béatitude est ainsi un texte d’espérance, ce qu'elles sont, aussi, toutes ensemble.
Pasteur
Jean DIETZ, 15 juin 2021
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