Actes 2
1 Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble. 2 Tout à coup il y eut un bruit qui venait du ciel comme le souffle d'un violent coup de vent: la maison où ils se tenaient en fut toute remplie; 3 alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s'en posa sur chacun d'eux. 4 Ils furent tous remplis d'Esprit Saint et se mirent à parler d'autres langues, comme l'Esprit leur donnait de s'exprimer.
5 Or, à Jérusalem, résidaient des Juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel. 6 À la rumeur qui se répandait, la foule se rassembla et se trouvait en plein désarroi, car chacun les entendait parler sa propre langue. 7 Déconcertés, émerveillés, ils disaient: «Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens? 8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle? 9 Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l'Asie, 10 de la Phrygie et de la Pamphylie, de l'Égypte et de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en résidence ici, 11 tous, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu.»
Prédication :
7 semaines se sont écoulées depuis Pâques. Et pendant les
dimanches qui ont ponctué ces 7 semaines, nous avons été invités à lire des
textes issus des Actes des Apôtre, des textes de l’évangile de Jean, et de la
première épitre de Jean. Que retenons-nous de ces textes ? Nous retenons
(je retiens) que ces textes proposaient une mise en place, la mise en place
d’une structure d’Eglise, fondée sur le Christ, habitée par l’amour,
évidemment, mais dominée par les Douze, et surtout dominée par Pierre.
Nous avons bien repéré que Luc, l’auteur d’un évangile et
des Actes, interrogeait cette structure. Mais son interrogation n’est pas une
contestation ouverte (Luc est un écrivain trop avisé pour mettre en place une telle
contestation ; si d’ailleurs il l’avait fait, ses livres ne seraient
simplement pas dans la Bible).
Quoi qu’il en soit, après 6 dimanches, la structure apostolique
étant bien en place, nous sommes invités à lire ce récit tellement connu :
des Galiléens, autant dire des ploucs, pris d’une émotion considérable, se
mettent à produire des sons qui s’avèrent être des énoncés des merveilles de
Dieu exprimés dans toutes les langues, dialectes et idiomes parlés à Jérusalem
par une foule cosmopolite de pèlerins. Ces Galiléens, compagnons de route de
Jésus, et certainement aussi ses Apôtres attitrés, sont « remplis du Saint
Esprit », ou encore « revêtus de puissance » (Luc 24:49).
Comment ne pas se réjouir de l’accomplissement d’une promesse faite par Jésus Christ Ressuscité ? Réjouissons-nous.
Réjouissons-nous, et réfléchissons un peu. Nous venons de
lire 11 versets des Actes des Apôtres qui célèbrent en quelque manière la venue
du Saint Esprit et l’étonnement que provoque cette venue. Et juste après ces 11
versets, va venir un enseignement de Pierre qui dure 22 versets, deux fois plus
que l’événement. Ce discours est très sophistiqué, très démonstratif, voire
normatif, et semble n’avoir été prononcé qu’une une seule langue. Peu importe aujourd’hui le contenu de ce
discours.
Car ce qui importe, c’est la fonction de discours :
c’est un discours qui unit. Autant l’onction de Saint Esprit était une
manifestation qui individualisait à l’extrême les uns et les autres, autant le
discours de Pierre collectivise, met
chacun et chacune en totale égalité. Autant l’onction d’Esprit Saint conduisait
à la production d’un florilège d’expressions des merveilles de Dieu, autant le
discours de Pierre se donne comme premier, seul, originaire… énoncé de la foi
chrétienne.
Que nous faut-il penser de cela, c'est-à-dire de ces deux
formes si extraordinairement différentes d’expression ?
Il manque du langage commun ; au comblement de ce
manque Pierre va pourvoir. Le langage commun, en religion, peut porter divers
noms, comme liturgie, ou catéchisme, ou étude biblique... Pierre, le jour de
Pentecôte, donne, nous l’avons déjà dit, un catéchisme de 22 versets ;
Pierre, si j’ose dire, parle plus longtemps que le Saint Esprit. Et le discours
qu’il fait, dans une langue commune, va permettre de commencer à constituer et
à structurer la première communauté chrétienne. De cela nous pouvons nous
réjouir. Mais – car il y a un mais – ce premier catéchisme qui structure si
bien la première communauté, ne risque-t-il de devenir un discours unique,
obligatoire, propriété exclusive du collège des Apôtres et surtout de Pierre ?
Et tout ceci nous interdit d’être pessimistes. Il n’y a
pas seulement deux modèles d’Église possible, l’Église nébulisée, celle de
l’expérience de Pentecôte, et l’Église bétonnée, celle du discours de Pierre. Il
n’y a pas deux impasses, il n’y a que des éléments contingents, et des chemins
possibles. Ni les Églises, ni les gens, ne sont tout l’un ou tout l’autre. Il y
a toujours des changements possibles.
Oui, dans l’histoire des Églises, il a pu y avoir des
temps de sclérose, des temps de confiscation de la parole, des temps où Christ
n’était plus l’unique Seigneur de l’Eglise. Mais dans d’autres temps, il y a eu
des réformateurs, c'est-à-dire des hommes, et des femmes, capables de retrouver
le dynamisme de la parole première et de traduire ce dynamisme en des
catéchismes nouveaux.
Où en est l’Église, au sens le plus large, celle que Dieu
seul connaît ? Dieu le sait. Où en est notre Église ? Elle en est à
Pentecôte, moment d’étonnement, et moment aussi de consolidation. Moment pour
considérer qu’en même temps le Seigneur est parti, et qu’en même il nous
accompagne par son esprit. Moment de creusement et moment de plénitude. Amen