mercredi 1 juillet 2020

Lettre pastorale du 1er juillet 2020. Sortir

            Le verbe sortir est un verbe très fréquent dans l’Ancien Testament : il y apparaît 990 fois. Dans son sens le plus archaïque, ce verbe décrit la plante qui sort du sol, et l’eau de source qui sort de terre. Il décrit Noé qui sort de l’Arche après le Déluge, et ce que font les patriarches qui, obéissant à l’ordre de Dieu, sortent de la terre de leur naissance et se mettent en route vers la terre promise. Ils sortent aussi de leur tente, la nuit, pour regarder les étoiles, et Dieu leur promet que d’eux sortira une descendance nombreuse… Faire sortir les Hébreux hors d’Égypte, c’est l’ordre que Dieu adresse un jour Moïse. Nous nous souvenons tous que cette sortie ne se fit pas sans douleur. Dieu s’était fait connaître en révélant son nom à Moïse, il se fit connaître en donnant sa Loi aux Hébreux. Ainsi commencent les dix commandements : « Je suis l’Éternel ton Dieu qui t’a fait sortir de la terre d’Égypte, de la maison de l’esclavage » (Exode 20,2).

            Ainsi traduit, nous pouvons penser que cette sortie a eu un commencement et une fin. Mais nous nous souvenons de révoltes et de murmures dans le camp des Hébreux. Nous nous souvenons que certains protestèrent contre cette existence ascétique dans le désert. Nous nous souvenons que certains furent prêts à retourner en Égypte (Nombres 14:3, par exemple). Redoutable liberté, exigeante liberté, qui fait à certains préférer la servitude, à un tel point que même l’amour divin semble peiner. Il fallut bien du temps, 40 années, durée hautement symbolique, pour que le peuple, enfin sorti d’Égypte dans sa tête, soit prêt à sortir du désert pour entrer dans la terre promise.

            La toute première phrase du Décalogue est en fait bien plus riche que nous ne l’avons envisagé jusqu’ici. En voici une autre traduction : « Je suis l’Éternel ton Dieu qui te fais (verbe au présent) sortir de la terre d’Égypte, de la maison des esclavages (au pluriel) (ou encore, de la maison des esclaves. » Le verbe sortir est au présent, ce qui indique que la sortie, la libération, est en train d’avoir lieu : Dieu est en train de faire sortir. Et plus encore, avec ce verbe au présent, ce n’est plus seulement le peuple hébreu qui est concerné, mais le lecteur, auquel l’Éternel s’adresse personnellement. Mais ces esclavages, ou ces autres esclaves que le lecteur côtoie, quels sont-ils ? Nous risquons ici d’entrer dans le secret des consciences… chacun dispose de sa propre intimité avec Dieu. Chacun suit son propre chemin avec Dieu.

            Mais s’agissant de sortir, il y a quelque chose qui nous concerne tous ensemble. Nous étions, ces derniers mois, assez empêchés de sortir. Mais, maintenant, la plus grande part de notre liberté nous a été rendue. Quelques contraintes demeurent, il est vrai, mais nous pouvons de nouveau sortir. Nos activités ont repris et, parmi elles, le culte dominical. Nous pouvons de nouveau aussi nous arrêter à la terrasse d’un café, fréquenter les cinémas, et les restaurants. Pour cela, nous rendons grâce à Dieu. Mais nous n’oublions pas que, parmi les plus anciens d’entre nous, certains ne sortent plus de chez eux et attendent nos appels et nos visites.

 Chères sœurs, chers frères, cette lettre pastorale hebdomadaire a vu le jour le 20 mars 2020, au début du confinement. Elle avait pour but de maintenir le lien paroissial. Le confinement fini, elle prend fin. Fin provisoire ? Fin définitive ? Dieu seul sait de quoi demain sera fait. Merci pour votre fidélité.