Est-ce pour rien.... ? |
Luc 17
11 Or, comme Jésus faisait route vers Jérusalem, il passa à
travers la Samarie et la Galilée.
12 À son entrée dans un village, dix lépreux vinrent à sa
rencontre. Ils s'arrêtèrent à distance
13 et élevèrent la voix pour lui dire: «Jésus, maître, aie
pitié de nous.»
14 Les voyant, Jésus leur dit: «Allez vous montrer aux
prêtres.» Or, pendant qu'ils y allaient, ils furent purifiés.
15 L'un d'entre eux, voyant qu'il était guéri, revint en
rendant gloire à Dieu à pleine voix.
16 Il se jeta le visage contre terre aux pieds de Jésus en
lui rendant grâce; or c'était un Samaritain.
17 Alors Jésus dit: «Est-ce que tous les dix n'ont pas été
purifiés? Et les neuf autres, où sont-ils?
18 Il ne s'est trouvé parmi eux personne pour revenir
rendre gloire à Dieu: il n'y a que cet étranger!»
19 Et il lui dit: «Relève-toi, va. Ta foi t'a sauvé.»
2 Rois 5
14 Alors Naamân descendit au Jourdain et s'y plongea sept
fois selon la parole de l'homme de Dieu. Sa chair devint comme la chair d'un
petit garçon, il fut purifié.
15 Il retourna avec toute sa suite vers l'homme de Dieu. Il
entra, se tint devant lui et dit: «Maintenant, je sais qu'il n'y a pas de Dieu
sur toute la terre si ce n'est en Israël. Accepte, je t'en prie un présent de
la part de ton serviteur.»
16 Elisée répondit: «Par la vie du SEIGNEUR que je sers, je
n'accepterai rien!» Naamân le pressa d'accepter mais il refusa.
17 Naamân dit: «Puisque tu refuses, permets que l'on donne
à ton serviteur la charge de terre de deux mulets, car ton serviteur n'offrira
plus d'holocauste ni de sacrifice à d'autres dieux qu'au SEIGNEUR.
18 Mais que le SEIGNEUR pardonne ce geste à ton serviteur:
lorsque mon maître entre dans la maison de Rimmôn pour s'y prosterner et qu'il
s'appuie sur mon bras, je me prosterne aussi dans la maison de Rimmôn. Quand
donc je me prosternerai dans la maison de Rimmôn, que le SEIGNEUR daigne
pardonner ce geste à ton serviteur.»
19 Elisée lui répondit: «Va en paix!»
2 Timothée 2
8 Souviens-toi de Jésus Christ ressuscité d'entre les
morts, issu de la race de David, selon l'Évangile que j'annonce
9 et pour lequel je souffre jusqu'à être enchaîné comme un
malfaiteur. Mais la parole de Dieu n'est pas enchaînée!
10 C'est pourquoi je supporte tout à cause des élus, afin
qu'eux aussi obtiennent le salut, qui est dans le Christ Jésus, avec la gloire
éternelle.
11 Elle est digne de confiance, cette parole: Si nous
mourons avec lui, avec lui nous vivrons.
12 Si nous souffrons avec lui, avec lui nous régnerons. Si
nous le renions, lui aussi nous reniera.
13 Si nous lui sommes infidèles, lui demeure fidèle, car il
ne peut se renier lui-même.
Prédication :
Voici le dernier verset
que nous avons médité la semaine dernière : 10 vous
aussi, lorsque vous aurez fait ce qui vous était ordonné, dites “Nous sommes des serviteurs, nulle
gratification ne nous est due. Nous avons fait seulement ce que nous devions
faire.”
Un
peu par pudeur, c’est le mot serviteur qui avait été utilisé ; il s’agit
en fait du mot esclave. Un esclave est une personne qui n’est pas de condition
libre, qui est sous la puissance absolue d’un maître. Et telle serait la
condition du disciple de Jésus Christ… Obéir, toujours ; servir,
toujours ; pour rien, toujours…
Est-ce
vraiment pour rien ? La question est posée, exactement en ces termes,
frontalement, une fois au moins dans toute la Bible : « Est-ce pour
rien que Job craint Dieu ? » La réponse que propose le livre de Job
est d’abord NON, puis elle devient OUI. Il faut la moitié d’un verset pour
formuler la réponse négative : ce n’est pas pour rien que Job craint Dieu
et le sert. Il faut ensuite 42 chapitres pour élaborer la réponse
positive : OUI, c’est pour rien que Job sert Dieu… 42 chapitres ! En
retranchant le chapitre d’ouverture et le chapitre de clôture, cela fait 40, un
40 symbolique, bien fréquent dans la Bible.
Et
nous voici, avec nos petits fragments du dimanche matin, devant un océan…
Est-ce pour rien que Jésus guérit ces lépreux ? Est-ce pour rien que ces
lépreux guéris vont se montrer aux prêtres ? Est-ce pour rien qu’Elisée le
prophète guérit Naamân, le général syrien lépreux ? Et la question ne
cesse de rebondir, d’un personnage à l’autre, d’un verset à l’autre – au point
qu’elle pourrait devenir obsédante. Est-ce pour rien que nous servons
Dieu ?
De
la part de Naamân, Elisée ne veut rien recevoir. Alors même que l’offre de
Naamân est une offre absolue : ce n’est pas accepte, que dit Naamân, mais prends, et ça n’est pas le mot
serviteur que Naamân utilise, mais bien le mot esclave. Avec une obstination absolue, Elisée refuse. Et lorsque
c’est sa conversion à Dieu que Naamân met en avant, Elisée lui répond : Va
en paix. Cette phrase d’envoi signifie que dorénavant, c’est entre Naamân et
Dieu lui-même que la suite se joue.
Est-ce
pour rien qu’Elisée sert Dieu ? Oui, semble-t-il. S’agissant de cet
épisode de son ministère, Elisée semble bien servir Dieu pour rien.
Est-ce
pour rien que Jésus sert Dieu ? Posons cette question le plus simplement
du monde, en face du récit de la guérison de ces dix lépreux. Jésus ordonne aux
dix d’aller se montrer aux prêtres – c’est la règle – et ne leur demande rien
d’autre. Il n’a d’ailleurs aucun moyen de vérifier qu’ils y sont bien allés.
C’est lorsqu’un seul revient que son comportement est un peu étrange. Comment
comprendre la question que pose Jésus au sujet des neuf autres ? Jésus
s’attendait-il à ce que tous reviennent, rendant gloire à Dieu, et se
prosternent à ses pieds ? La manifestation de joie, et de gratitude de cet
homme guéri ne dit rien ni de la joie ni de l’ingratitude des neuf autres, et
peut-être ces neuf autres sont-ils quelque part à louer Dieu et à crier partout
que Jésus a eu pitié d’eux et les a guéris. En fait, nous n’en savons rien.
Face aux questions posées par Jésus, nous pouvons penser qu’il a pu espérer un
retour plus abondant. Et cette pensée en précède une autre : Jésus, Juif
de son temps, n’attendait rien de la part d’un Samaritain qu’il désigne comme cet étranger, d’une autre engeance, et
attendait quelque chose d’autre, de plus… de la part de ses compatriotes. S’il
attendait quelque chose, quoi que ce fût, ça n’était donc pas vraiment pour
rien qu’il avait servi Dieu en les guérissant tous.
Cet
épisode peut nous en rappeler au moins un autre, celui où les disciples de
Jésus n’ont pas été capables de guérir un enfant gravement malade. Et que leur
dit Jésus ? « Génération incrédule et pervertie ! Jusqu’à quand
serai-je tout proche de vous, et aurai-je à supporter de vous ? » (Luc
9,41) Manifestation de colère ? Manifestation d’impatience ? Le motif
de cette colère et de cette impatience signale que Jésus aurait aimé que ses
disciples, devant lesquels il servait Dieu, soient autres qu’ils n’étaient,
deviennent plus rapidement qu’ils ne le pouvaient les témoins pertinent et
efficaces de la grâce.
Nous
pouvons aussi penser à la dernière Pâque que Jésus célèbre avec ses disciples.
Il sait que tous vont l’abandonner, et il l’accepte. Mais au moment où cela va
effectivement se produire, il prie Dieu son Père : « si tu veux
écarter de moi cette coupe... » (Luc 22,42). Cette demande même, qui
marque un instant de refus, laisse à penser, au moment où tout va s’accomplir,
que Jésus, Fils de Dieu, et vrai homme, a éprouvé cette faiblesse bien humaine
qui montre que ça n’est pas toujours pour rien qu’on sert Dieu, ni lui, ni
personne d’ailleurs.
Personne,
et même pas Paul – ou l’auteur des épîtres à Timothée. Vous l’avez entendu tout
à l’heure. « … je supporte tout, à cause des élus – des membres de
l’Eglise – afin qu’eux aussi
obtiennent la vie éternelle (…) » et bien, celui qui s’exprime ainsi avoue
dans sa propre déclaration que ça n’est pas pour rien qu’il sert Dieu.
Voyez-vous,
à part Elisée le prophète, dans un tout petit fragment de sa vie, personne ne
passe la barre. Personne ne semble être en mesure de toujours montrer que c’est pour rien
qu’il sert Dieu. Mais ne nous attristons pas. D’abord parce que ce que nous
avons eu sous les yeux aujourd’hui, ce sont des tranches de vie. Une autre
fois, Elisée chancellera. Une autre fois – bien d’autres fois – Jésus tiendra
bien haut l’étendard de la foi en Dieu.
Et
puis quand bien même, les fruits de nos engagements nous auraient par trop
déçus, et que nous en venions à renier le Christ notre seigneur et maître, lui
ne nous renierait pas. Avez-vous remarqué, tout à l’heure, dans la lecture de
Timothée, qu’il est écrit : « Si nous le renions, lui aussi nous
reniera » ? C’est au verset 12, c’est comme une tache, ou une
épreuve. Un copiste, un jour, aura ajouté cela… Alors, c’est dans la Bible, et
nous ne le croyons pas. Peut-être que ça n’est pas toujours pour rien que nous
servons Dieu, mais c’est toujours pour rien qu’il nous sert, lui. Lui demeure
fidèle, Lui ne peut se renier lui-même.
Que
ses serviteurs lui rendent grâce !
Vous
direz après moi : « Nous rendons grâce à Dieu ! »
Nous rendons grâce à Dieu !
Amen