Les Apôtres de Notre Dame de Paris |
1 Après cela, le Seigneur désigna soixante-douze
autres et les envoya deux par deux en avant de lui dans toute ville et tout
endroit où lui-même devait aller.
2 Et il leur disait : " La moisson est abondante,
mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson d'envoyer
des ouvriers à sa moisson.
3 Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au
milieu de loups.
4 N'emportez pas de bourse, pas de besace, pas de
sandales, et ne saluez personne en chemin.
5 En quelque maison que vous entriez, dites d'abord :
"Paix à cette maison ! "
6 Et s'il y a là un fils de paix, votre paix ira reposer
sur lui ; sinon, elle vous reviendra.
7 Demeurez dans cette maison-là, mangeant et buvant ce
qu'il y aura chez eux ; car l'ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de
maison en maison.
8 Et en toute ville où vous entrez et où l'on vous
accueille, mangez ce qu'on vous sert ; 9 guérissez ses malades et dites
aux gens : "Le Royaume de Dieu est tout proche de vous. "
10 Mais en quelque ville que vous entriez, si l'on ne vous
accueille pas, sortez sur ses places et dites : 11 "Même la
poussière de votre ville qui s'est collée à nos pieds, nous l'essuyons pour
vous la laisser. Pourtant, sachez-le, le Royaume de Dieu est tout proche.
"
12 Je vous dis que pour Sodome, en ce Jour-là, il y aura
moins de rigueur que pour cette ville-là.
13 " Malheur à toi, Chorazeïn ! Malheur à toi,
Bethsaïde ! Car, si les miracles qui ont lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr
et à Sidon, il y a longtemps que, sous le sac et assises dans la cendre, elles
se seraient repenties.
14 Aussi bien, pour Tyr et Sidon il y aura moins de
rigueur, lors du Jugement, que pour vous.
15 Et toi, Capharnaüm, crois-tu que tu seras élevée
jusqu'au ciel ? Jusqu'à l'Hadès tu descendras !
16 " Qui vous écoute m'écoute, qui vous rejette me
rejette, et qui me rejette rejette Celui qui m'a envoyé. "
17 Les soixante-douze revinrent tout joyeux, disant :
" Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom ! "
18 Il leur dit : " Je voyais Satan tomber du ciel
comme l'éclair !
19 Voici que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux
pieds serpents, scorpions, et toute la puissance de l'Ennemi, et rien ne pourra
vous nuire.
20 Cependant ne vous réjouissez pas de ce que les esprits
vous sont soumis ; mais réjouissez-vous de ce que vos noms se trouvent inscrits
dans les cieux. "
Prédication :
Je crois en l’Église, Une, Sainte,
Catholique et Apostolique.
Je reconnais un seul baptême pour le
pardon des péchés.
J’attends la résurrection des morts,
et la vie du monde à venir.
Vous avez
reconnu je pense la fin d’une très ancienne confession de foi. Le Symbole de
Nicée Constantinople – 4ème siècle après Jésus Christ. Qui est l’une des confessions
de foi dont nos pères réformateurs se sont unanimement réclamés. Il faut dire
que leur intention profonde n’était pas de tout chambouler, mais de tout
restaurer, re-former, dans l’état des tout premiers temps… Aussi nos pères se
sont-ils fondés sur les témoignages les plus anciens, ceux des Saintes
Écritures, ceux des Pères de l’Église, et ceux
des synodes œcuménique, dont ils ont été d’infatigables commentateurs.
A vrai dire,
dans les trois phrases que nous venons de citer, chaque mot mérite un
commentaire ; une fois les commentaires mot à mot bien formulés, des
commentaires croisé (deux mots) seraient les bienvenus, etc., jusqu’à un
commentaire d’ensemble qui, il me semble, devrait porter sur le ‘je crois’ et
le ‘nous croyons’. Tout cela qui en ferait autant d’occasions d’interroger, et
aussi d’encourager, nos vies et la vie de notre Église.
Vous
imaginez l’entreprise ; nous commençons ici et aujourd’hui ce parcours. Jusqu’où
irons-nous ? Restons prudents et modestes. Le texte de l’évangile de Luc
qui nous est proposé nous invite à une réflexion sur le mot apostolique.
L’Église est apostolique.
Apostolique, cela nous fait penser au mot apôtre, et, en fait d’apôtres, notre
pensée s’oriente naturellement vers ceux qu’on appelle les 12, les Apôtres ‘avec un grand A’.
De ces 12-là, nous avons les noms,
sous la forme de plusieurs listes de 12 noms, pas les mêmes suivant les
évangiles, 12 hommes que Jésus appela, forma
à grand-peine, envoya (Luc 9), et qui, après la Passion, et après la Pentecôte,
reçurent, ou plutôt prirent, peut-être s’octroyèrent, la responsabilité de
l’enseignement et de l’organisation de la toute première Église (Actes), une
organisation très pyramidale, exactement sur le modèle de l’Empire romain
(allez imaginer ce qu’auraient été les structures de l’Église si cela s’était
passé sous domination parthe…).
La tradition rapporte qu’ensuite,
lorsqu’ils durent tous quitter Jérusalem, chacun des 12 prit une direction
particulière et s’en alla annoncer l’Évangile et fonder des Églises là où il
n’y en avait pas encore. C’est ainsi donc que l’histoire ancienne de la
fondation de bien des Églises commence par le récit d’une première évangélisation
par tel Apôtre. Cette histoire permet à telle Église de se dire apostolique.
Un second critère est ainsi
ajouté au premier, un critère successoral ; après ce premier Apôtre,
l’Église connaît la succession ininterrompue de ses chefs, successeurs de l’Apôtre.
L’Église de Rome est ainsi apostolique parce que fondée en tant que telle par
Pierre, disciple du Christ, Apôtre du Christ ; François est le 266ème
évêque de Rome, le 265ème après Pierre, les noms de tous les autres
sont connus…
Fondation, succession, deux
critères pour examiner si une Église particulière est apostolique. Autant se
demander tout de suite si l’Église protestante unie de France passe l’examen
avec succès. Autant se demander aussi tout de suite si ces deux critères
suffisent… je vous laisse quelques instants pour vous interroger.
Depuis le commencement de notre
méditation, nous avons parlé d’apôtres. Mais de quels apôtres ? Les 12 ?
En effet, dans les évangiles, lorsque Jésus envoie des apôtres en mission, il
s’agit des 12. Les évangiles sont
unanimes, presque. Dans l’évangile de Luc, au chapitre 9, Jésus envoie bien les
12 en mission, ce qu’il fait aussi dans Marc et Matthieu. Mais, au chapitre 10
de l’évangile de Luc, Jésus en envoie encore d’autres, il en envoie 72. Luc –
qui est aussi l’auteur des Actes des Apôtres – est le seul à rapporter cet
épisode. Pour quelle raison ? Et pour dire quoi ? Nous allons essayer
de le comprendre, et de l’interpréter.
1. Jésus les désigne, Jésus les
envoie. Ce sont donc des envoyés, des apôtres, exactement tout comme les 12.
2. Là où les 12 sont 12, ce qui
est un symbole de plénitude du peuple de Dieu, le nombre de 72 n’est pas du
tout choisi par hasard : c’est le nombre exact de toutes les nations de la
terre tel qu’énumérées en Genèse 10. La mission de ces 72 est donc d’emblée –
immédiatement – une mission universelle, avant la Passion, avant l’Ascension et
la Pentecôte. C’est donc une mission apostolique avant toutes les missions des
Apôtres avec un grand A. Luc rapporte ainsi qu’une mission d’inspiration chrétienne ancienne et œcuménique a
existé, plus ancienne que celle rapportée dans les Actes des Apôtres, et
qu’elle a été partout…
3. Les 72 sont envoyés « en
avant de lui (Jésus), dans toute ville et tout endroit où lui-même était sur le point d’aller ». En
avant de lui (Jésus) ne signifie pas seulement lui, monsieur Jésus, mais aussi
lui, le crucifié, ressuscité, ascensionné… C'est-à-dire – nous insistons – la
mission des 72 précède Jésus vivant, mais aussi Jésus ressuscité proclamé (le
Christ de la foi), qui sera proclamé ultérieurement par d’autres missions,
celle des 12 notamment.
4. La manière d’être apôtre, le
code de bonne conduite, est donné à ces 72. Ce code est même plus complet que
celui donné aux 12. Ce code va être communiqué par ces 72 aux populations
qu’ils rencontreront de par le monde. Ce code de bonne conduite permettra
ensuite à ces populations d’opérer un discernement entre ceux qui
suivront : simplicité, frugalité, fugacité, pureté...
En partant en mission... |
5. L’objet de la mission des 72
est aussi donné : guérir, et annoncer l’immense proximité du règne de
Dieu. Là encore, cela vise à une sorte de préparation de ces populations, aux
fins de les aider dans leur discernement, notamment en les préparant à
s’intéresser aux actes autant et même plus qu’aux paroles qui leur seront
adressées.
6. Ces 72 apôtres reviennent,
pleins de joie. Ils sont allés même plus loin que simplement guérir, puisque
les démons leurs sont soumis… dans l’évangile de Luc – et dans les Actes des
Apôtres – tout envoyé va toujours au-delà de la mission à lui confiée par telle
autorité, et cela est, pour le meilleur, un signe de plus de l’authenticité de
son ministère.
7. Et enfin, les 72 sont
anonymes. Ils sont anonymes, ce qui signifie que peu importe l’identité du
premier envoyé, pourvu qu’après son passage demeure l’actualité de son
message : l’acte gratuit de guérir, celui d’enseigner sans se faire payer, celui
d’accompagner sans être pressé, et la certitude de l’extrême proximité du règne de Dieu. Il
semble même que cette qualité d’engagement corresponde presque exactement au règne
de Dieu…
Ainsi, les 72 partent en mission
à la fin du verset 16, et reviennent de mission au début du verset 17. Entre
temps, anonymement, humblement, efficacement… les 72 sont allés jusqu’au bout
du monde.
Que conclure ? Nul ne peut
jamais dire qu’il est quelque part le premier ou le seul annonciateur de
l’Évangile. Toujours, il a été précédé. Et toujours par quelqu’un qui avait
reçu mission du Christ lui-même, par quelqu’un dont la probité, la simplicité,
et finalement l’anonymat… attestaient de l’authenticité de sa mission.
Puisse le Christ toujours
susciter et envoyer de tels apôtres. Amen