dimanche 7 juillet 2019

Les AA (Apôtres Anonymes) Luc 10,1-20

Les Apôtres de Notre Dame de Paris
Luc 10
1 Après cela, le Seigneur désigna soixante-douze autres et les envoya deux par deux en avant de lui dans toute ville et tout endroit où lui-même devait aller.
2 Et il leur disait : " La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson.
3 Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu de loups.
4 N'emportez pas de bourse, pas de besace, pas de sandales, et ne saluez personne en chemin.
5 En quelque maison que vous entriez, dites d'abord : "Paix à cette maison ! "
6 Et s'il y a là un fils de paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle vous reviendra.
7 Demeurez dans cette maison-là, mangeant et buvant ce qu'il y aura chez eux ; car l'ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison.
8 Et en toute ville où vous entrez et où l'on vous accueille, mangez ce qu'on vous sert ;  9 guérissez ses malades et dites aux gens : "Le Royaume de Dieu est tout proche de vous. "
10 Mais en quelque ville que vous entriez, si l'on ne vous accueille pas, sortez sur ses places et dites : 11 "Même la poussière de votre ville qui s'est collée à nos pieds, nous l'essuyons pour vous la laisser. Pourtant, sachez-le, le Royaume de Dieu est tout proche. "
12 Je vous dis que pour Sodome, en ce Jour-là, il y aura moins de rigueur que pour cette ville-là.
13 " Malheur à toi, Chorazeïn ! Malheur à toi, Bethsaïde ! Car, si les miracles qui ont lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr et à Sidon, il y a longtemps que, sous le sac et assises dans la cendre, elles se seraient repenties.
14 Aussi bien, pour Tyr et Sidon il y aura moins de rigueur, lors du Jugement, que pour vous.
15 Et toi, Capharnaüm, crois-tu que tu seras élevée jusqu'au ciel ? Jusqu'à l'Hadès tu descendras !
16 " Qui vous écoute m'écoute, qui vous rejette me rejette, et qui me rejette rejette Celui qui m'a envoyé. "
17 Les soixante-douze revinrent tout joyeux, disant : " Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom ! "
18 Il leur dit : " Je voyais Satan tomber du ciel comme l'éclair !
19 Voici que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds serpents, scorpions, et toute la puissance de l'Ennemi, et rien ne pourra vous nuire.
20 Cependant ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous de ce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. "



Prédication : 
            Je crois en l’Église, Une, Sainte, Catholique et Apostolique.
            Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés.
            J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir.

            Vous avez reconnu je pense la fin d’une très ancienne confession de foi. Le Symbole de Nicée Constantinople – 4ème siècle après Jésus Christ. Qui est l’une des confessions de foi dont nos pères réformateurs se sont unanimement réclamés. Il faut dire que leur intention profonde n’était pas de tout chambouler, mais de tout restaurer, re-former, dans l’état des tout premiers temps… Aussi nos pères se sont-ils fondés sur les témoignages les plus anciens, ceux des Saintes Écritures, ceux des Pères de l’Église, et ceux  des synodes œcuménique, dont ils ont été d’infatigables commentateurs.
            A vrai dire, dans les trois phrases que nous venons de citer, chaque mot mérite un commentaire ; une fois les commentaires mot à mot bien formulés, des commentaires croisé (deux mots) seraient les bienvenus, etc., jusqu’à un commentaire d’ensemble qui, il me semble, devrait porter sur le ‘je crois’ et le ‘nous croyons’. Tout cela qui en ferait autant d’occasions d’interroger, et aussi d’encourager, nos vies et la vie de notre Église.
            Vous imaginez l’entreprise ; nous commençons ici et aujourd’hui ce parcours. Jusqu’où irons-nous ? Restons prudents et modestes. Le texte de l’évangile de Luc qui nous est proposé nous invite à une réflexion sur le mot apostolique.                       
Des apôtres tous prêts au départ
L’Église est apostolique. Apostolique, cela nous fait penser au mot apôtre, et, en fait d’apôtres, notre pensée s’oriente naturellement vers ceux qu’on appelle les 12, les Apôtres ‘avec un grand A’.
De ces 12-là, nous avons les noms, sous la forme de plusieurs listes de 12 noms, pas les mêmes suivant les évangiles,  12 hommes que Jésus appela, forma à grand-peine, envoya (Luc 9), et qui, après la Passion, et après la Pentecôte, reçurent, ou plutôt prirent, peut-être s’octroyèrent, la responsabilité de l’enseignement et de l’organisation de la toute première Église (Actes), une organisation très pyramidale, exactement sur le modèle de l’Empire romain (allez imaginer ce qu’auraient été les structures de l’Église si cela s’était passé sous domination parthe…).
La tradition rapporte qu’ensuite, lorsqu’ils durent tous quitter Jérusalem, chacun des 12 prit une direction particulière et s’en alla annoncer l’Évangile et fonder des Églises là où il n’y en avait pas encore. C’est ainsi donc que l’histoire ancienne de la fondation de bien des Églises commence par le récit d’une première évangélisation par tel Apôtre. Cette histoire permet à telle Église de se dire apostolique.
Un second critère est ainsi ajouté au premier, un critère successoral ; après ce premier Apôtre, l’Église connaît la succession ininterrompue de ses chefs, successeurs de l’Apôtre. L’Église de Rome est ainsi apostolique parce que fondée en tant que telle par Pierre, disciple du Christ, Apôtre du Christ ; François est le 266ème évêque de Rome, le 265ème après Pierre, les noms de tous les autres sont connus…
Fondation, succession, deux critères pour examiner si une Église particulière est apostolique. Autant se demander tout de suite si l’Église protestante unie de France passe l’examen avec succès. Autant se demander aussi tout de suite si ces deux critères suffisent… je vous laisse quelques instants pour vous interroger.

Depuis le commencement de notre méditation, nous avons parlé d’apôtres. Mais de quels apôtres ? Les 12 ? En effet, dans les évangiles, lorsque Jésus envoie des apôtres en mission, il s’agit des 12.  Les évangiles sont unanimes, presque. Dans l’évangile de Luc, au chapitre 9, Jésus envoie bien les 12 en mission, ce qu’il fait aussi dans Marc et Matthieu. Mais, au chapitre 10 de l’évangile de Luc, Jésus en envoie encore d’autres, il en envoie 72. Luc – qui est aussi l’auteur des Actes des Apôtres – est le seul à rapporter cet épisode. Pour quelle raison ? Et pour dire quoi ? Nous allons essayer de le comprendre, et de l’interpréter.

1. Jésus les désigne, Jésus les envoie. Ce sont donc des envoyés, des apôtres, exactement tout comme les 12.
2. Là où les 12 sont 12, ce qui est un symbole de plénitude du peuple de Dieu, le nombre de 72 n’est pas du tout choisi par hasard : c’est le nombre exact de toutes les nations de la terre tel qu’énumérées en Genèse 10. La mission de ces 72 est donc d’emblée – immédiatement – une mission universelle, avant la Passion, avant l’Ascension et la Pentecôte. C’est donc une mission apostolique avant toutes les missions des Apôtres avec un grand A. Luc rapporte ainsi qu’une mission d’inspiration chrétienne ancienne et œcuménique a existé, plus ancienne que celle rapportée dans les Actes des Apôtres, et qu’elle a été partout…
3. Les 72 sont envoyés « en avant de lui (Jésus), dans toute ville et tout endroit où lui-même était sur le point d’aller ». En avant de lui (Jésus) ne signifie pas seulement lui, monsieur Jésus, mais aussi lui, le crucifié, ressuscité, ascensionné… C'est-à-dire – nous insistons – la mission des 72 précède Jésus vivant, mais aussi Jésus ressuscité proclamé (le Christ de la foi), qui sera proclamé ultérieurement par d’autres missions, celle des 12 notamment.
4. La manière d’être apôtre, le code de bonne conduite, est donné à ces 72. Ce code est même plus complet que celui donné aux 12. Ce code va être communiqué par ces 72 aux populations qu’ils rencontreront de par le monde. Ce code de bonne conduite permettra ensuite à ces populations d’opérer un discernement entre ceux qui suivront : simplicité, frugalité, fugacité, pureté...
En partant en mission...
5. L’objet de la mission des 72 est aussi donné : guérir, et annoncer l’immense proximité du règne de Dieu. Là encore, cela vise à une sorte de préparation de ces populations, aux fins de les aider dans leur discernement, notamment en les préparant à s’intéresser aux actes autant et même plus qu’aux paroles qui leur seront adressées.
6. Ces 72 apôtres reviennent, pleins de joie. Ils sont allés même plus loin que simplement guérir, puisque les démons leurs sont soumis… dans l’évangile de Luc – et dans les Actes des Apôtres – tout envoyé va toujours au-delà de la mission à lui confiée par telle autorité, et cela est, pour le meilleur, un signe de plus de l’authenticité de son ministère.
7. Et enfin, les 72 sont anonymes. Ils sont anonymes, ce qui signifie que peu importe l’identité du premier envoyé, pourvu qu’après son passage demeure l’actualité de son message : l’acte gratuit de guérir, celui d’enseigner sans se faire payer, celui d’accompagner sans être pressé, et la certitude de l’extrême proximité du règne de Dieu. Il semble même que cette qualité d’engagement corresponde presque exactement au règne de Dieu…

Ainsi, les 72 partent en mission à la fin du verset 16, et reviennent de mission au début du verset 17. Entre temps, anonymement, humblement, efficacement… les 72 sont allés jusqu’au bout du monde.
Que conclure ? Nul ne peut jamais dire qu’il est quelque part le premier ou le seul annonciateur de l’Évangile. Toujours, il a été précédé. Et toujours par quelqu’un qui avait reçu mission du Christ lui-même, par quelqu’un dont la probité, la simplicité, et finalement l’anonymat… attestaient de l’authenticité de sa mission.
Puisse le Christ toujours susciter et envoyer de tels apôtres. Amen