Lévitique 18
4 mettez en pratique mes coutumes et veillez à garder mes lois. C'est moi, le SEIGNEUR,
votre Dieu.
5 Gardez mes lois et mes coutumes : c'est en
les mettant en pratique que l'homme a la vie. C'est moi, le SEIGNEUR.
Lévitique 20
7 Sanctifiez-vous donc pour être saints, car c'est
moi, le SEIGNEUR, votre Dieu.
8 Gardez mes lois et mettez-les en pratique. C'est
moi, le Seigneur, qui vous sanctifie.
9 Ainsi: Quand un homme insulte son père ou sa
mère, il sera mis à mort; il a insulté père et mère, son sang retombe sur lui.
10 Quand un homme commet l'adultère avec la femme de
son prochain, ils seront mis à mort, l'homme adultère aussi bien que la femme
adultère.
Jean 8
1 Et Jésus gagna le mont
des Oliviers.
2 Dès le point du jour, il revint au temple et,
comme tout le peuple venait à lui, il s'assit et se mit à enseigner.
3 Les scribes et les Pharisiens amenèrent alors une
femme qu'on avait surprise en adultère et ils la placèrent au milieu du groupe.
4 «Maître, lui dirent-ils, cette femme a été prise
en flagrant délit d'adultère.
5 Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces
femmes-là. Et toi, qu'en dis-tu?»
6 Ils parlaient ainsi dans l'intention de lui
tendre un piège, pour avoir de quoi l'accuser. Mais Jésus, se baissant, se mit
à tracer du doigt des traits sur le sol.
7 Comme ils continuaient à lui poser des questions,
Jésus se redressa et leur dit: «Que celui d'entre vous qui n'a jamais péché lui
jette la première pierre.»
8 Et s'inclinant à nouveau, il se remit à tracer
des traits sur le sol.
9 Après avoir entendu ces paroles, ils se
retirèrent l'un après l'autre, à commencer par les plus âgés, et Jésus resta
seul. Comme la femme était toujours là, au milieu du cercle,
10 Jésus se redressa et lui dit: «Femme, où sont-ils
donc? Personne ne t'a condamnée?»
11 Elle répondit: «Personne, Seigneur», et Jésus lui
dit: «Moi non plus, je ne te condamne pas: va, et désormais ne pèche plus.»
Prédication :
Et ainsi, cette femme, dont la culpabilité ne
faisait aucun doute puisqu’elle avait été surprise en flagrant délit… cette
femme déjà condamnée ne fut pas exécutée. On attribue le mérite de ce sauvetage
à l’admirable phrase de Jésus, qui vaut à elle seule tout un évangile :
« Celui qui d’entre vous est sans péché, qu’il lui jette le premier la
pierre. » Nous connaissons la suite et nous ne nous lassons pas de ce
spectacle : ils s’en vont tous, l’un après l’autre, en commençant par les
plus âgés. Le dernier mot vient de Jésus, qui ne condamne pas et qui rappelle
la Loi.
La petite paraphrase que je viens de vous proposer laisse
pourtant quelque chose dans l’ombre, une question. L’idée que scribes et
Pharisiens se font de la Loi de Moïse dans le cas de cette femme est qu’elle
doit être lapidée. De fait, très facilement, nous trouvons dans la Loi –
Lévitique 20,10 – le fondement de la sanction. Et nul ne semble douter que si
la femme était mise à mort, la Loi serait effectivement appliquée. C’est même
tellement évident que les accusateurs font de ce cas un piège pour Jésus :
toute autre réponse que ‘la mort !’ reviendrait à mépriser la Loi, toute
autre réponse que ‘la mort !’ serait un blasphème.
Or, une autre réponse est possible, nous l’avons lu et répété. Et voici que
cette réponse accomplit la Loi. Mettre à mort la femme, cela accomplissait la
Loi, apparemment. L’interpellation que Jésus adresse aux accusateurs, et la
grâce qu’il accorde à la femme, cela accomplit la Loi aussi. Et nous voici avec
deux jugements possibles et inverses l’un de l’autre pour accomplir la même
Loi… là est la question que nous nous posons : en quoi les paroles de
Jésus accomplissent-elles la Loi et l’accomplissent-elle d’une manière qui
s’impose tant aux accusateurs qu’à l’accusée ? Nous méditons sur cette
question.
Pour commencer, serrons le texte de près. Et remarquons que ceux qui
s’adressent à Jésus viennent avec un cas particulier, un commandement
correspondant à ce cas, et une condamnation correspondant à ce cas. Nous
reconnaissons que le commandement et la condamnation sont bien dans la Loi,
mais que procéder ainsi – faute-commandement-condamnation- sanction – avec une
sorte de règle d’équivalence automatique, cela n’accomplit pas la Loi. Certes
cela accomplit littéralement un commandement, mais cela laisse de côté tous les
autres. Un commandement isolé de tous les autres commandements, ça n’est pas la
Loi.
Car la Loi, qu’est-ce que c’est ? La Loi est souvent représentée par
deux tables sur lesquelles les dix commandements figurent en abrégé. Mais
est-ce cela, la Loi ? Les tables sont-elle un catalogue à l’intérieur
duquel on prélève à un moment donné cela qui peut servir (on n’y trouvera pas
dans ce cas de quoi condamner une femme adultère) ? Ou bien est-ce que tel
commandement doit être compris – et mis en œuvre – en tâchant de respecter
aussi tous ceux qui le précèdent ? voire tous les autres qui y sont
inscrits ? Il y a quelques années, dans le temple de Saint-Agrève
(Ardèche), était affichée une très intéressante représentation des dix
commandements : chaque commandement était la branche d’un même arbre, et les
branches se croisaient, s’emmêlaient d’une manière indéfaisable…
Les dix commandements en tant que tels ne prévoient aucune sanction ;
ils nomment des faits et interdisent certains actes. Ils interdisent en
particulier l’idolâtrie, c'est-à-dire d’avoir quelqu’autre dieu de Dieu. Ce qui
a pour conséquence que toute personne qui, obéissant à tel ou tel commandement,
se réjouit en soi-même et devant Dieu de l’avoir fait, prend ce commandement
pour dieu et place sa propre observance au-dessus de Dieu lui-même. Ce qui est
un blasphème… Jésus pourrait donc tout à fait traiter de blasphémateurs les
accusateurs de la femme.
Les choses se sont déjà un peu complexifiées. Ne le regrettons pas :
il y a une personne qui est à genoux, au milieu d’un cercle menaçant ; et
s’ils n’étaient pas dans le temple, ils auraient déjà ramassé des pierres… Pour
l’instant, nous n’avons parlé que des dix commandements, mais la Loi, ça n’est
pas seulement les dix commandements. Ils en font partie, mais les cinq premiers
livres de la Bible constituent la Loi. Il y a donc dans la Loi les deux
fragments du Lévitique que nous avons lus, et ça n’est pas tout. Car les
Prophètes n’ont jamais fait grand-chose d’autre que rappeler la Loi, et en
particulier, s’agissant du prophète Ezéchiel, dans un raccourci fulgurant, de
rappeler une certaine parole de Dieu : « Je ne prends pas plaisir à
la mort de celui qui meurt… » (Ezéchiel 18,32). Cela fait partie de la
Loi, au même titre que Lévitique, et cela vient aussi se croiser avec tous les
autres commandements bibliques, dont ceux qui prévoient la mise à mort des
contrevenants. D’autant plus que, par la bouche du prophète Ezéchiel, Dieu dit
encore : « Revenez (convertissez-vous) et vivez ! »
Et il y a plus encore. En plus d’une Loi écrite (on parle de la Torah), il
y a aussi, au temps de Jésus, une Loi orale, qui collectionne les commentaires
de la Torah écrite, les décisions juridiques, les commentaires des
commentaires... qui furent mis par écrit lorsque les Juifs subirent la grande
dispersion du second siècle de notre ère (Talmud). Ainsi, on ne doit jamais
juger quelqu’un sur l’unique base d’un verset biblique, car c’est faire insulte
à tous ceux, nos anciens, nos maîtres, qui ont réfléchi, commenté, et jugé
avant ‘nous’…
La Loi, est-ce enfin tout cela ? Les 613 commandements de la
Torah ? Non, me dit un jour un ami Rabbin, 613, ce sont les commandements
principaux, il y en a encore beaucoup d’autres…
Tout cela, Jésus le rappelle aux scribes et Pharisiens. Il le leur rappelle
par son silence, en se baissant pour tracer des traits sur le sol et en leur
disant que seul quelqu’un qui serait sans péché – non qu’il n’aurait jamais
péché, mais qu’il aurait été sanctifié de tous ses péchés – pourrait jeter le
premier la première pierre. Qui donc est sans péché ? C’est peut-être le
plus important, un des moments les plus profonds, les plus puissants et les
plus géniaux de toute la Bible, Lévitique 20,7-8. Répétons-les encore :
« Sanctifiez-vous et soyez saints, oui, c’est moi le Seigneur votre Dieu.
Gardez mes lois et mettez-les en pratique (faites-les)
c’est moi le Seigneur qui vous sanctifie. »
Quiconque s’affirmerait sans péché pourrait certes le premier jeter la
pierre mais se désignerait aussi lui-même comme blasphémateur… quand bien même
il aurait été strictement observant tout le reste de sa vie. Cela, ils le
savent, tous. Même s’il faut un peu d’âge, et une certaine sagesse, pour
reconnaître cette certitude de la foi, selon laquelle Dieu seul connaît ceux à
qui il a fait ou fera miséricorde, cette vérité que Dieu seul connaît ceux
qu’il a sanctifiés.
Et c’est pour cette raison que, même si les faits sont aussi bien établis
que dans le cas de cette femme, une seule possibilité demeure finalement
qui accomplisse la Loi et qui ne soit pas blasphématoire : la miséricorde.
Que ce Dieu qui nous a fait miséricorde fasse de nous des femmes et des
hommes de miséricorde. Amen