dimanche 17 mars 2019

L'exode de Jésus à Jérusalem (Luc 9,30-31)


Luc 9
30 Et voici que deux hommes s'entretenaient avec Jésus; c'étaient Moïse et Elie;
31 apparus en gloire, ils parlaient de son départ qui allait s'accomplir à Jérusalem.
Voici deux versets du récit de la Transfiguration selon Luc. Notre méditation va se dérouler en trois remarques.

(1) Il y a trois hommes. Quel point commun entre ces trois hommes ?
La grandeur de leurs missions respectives : à Elie, la grandeur de l’histoire des prophètes d’Israël, à Moïse, la grandeur de la Torah, à Jésus, la grandeur de l’Evangile… mais surtout, pour les trois, personne ne sait où repose leur corps. Il n’y a de tombeau ni d’Elie, enlevé au ciel, ni de Moïse, enterré croit-on par Dieu lui-même quelque part en Transjordanie, et Jésus, certes mort et enseveli on ne sait où, puis ressuscité, et surtout ascensionné.

Aucun pèlerinage en un lieu particulier n’est donc possible pour leurs successeurs, et si l’on veut honorer leur mémoire, il faut se souvenir de leurs paroles, de leurs gestes et surtout d’une simple injonction : « Va, et toi fais de même ! », ce qu’on peut faire en tout lieu. Pas besoin d’un mausolée, ni d’une basilique du Saint Sépulcre où des batailles rangées éclatent régulièrement entre croyants, prêtres, moines et simples fidèles, mais de différentes obédiences…

(2) Nous pouvons nous demander à quoi l’on reconnaît Moïse et Elie.
Et bien, ce sont les deux seuls personnages importants qui soient susceptibles d’apparaître ainsi. Le monisme matérialiste strict des Juifs empêche tout mort normal de se manifester ainsi. Lorsqu’on est mort, on est mort ! Mais ni Moïse ni Elie ne sont des morts ordinaires. Ils peuvent donc apparaître en tout lieu et à n’importe quel moment.
Mais pourquoi les faire apparaître ? Manifestement, ils ont quelque chose à se dire. Et ce quelque chose, lisons-nous, porte sur le prochain départ de Jésus à Jérusalem.

Le mot départ n’est pas très bien choisi. Moïse et Elie, apparus en gloire, parlent avec Jésus, lui aussi apparaissant en gloire, de son exode – de Jésus – qui doit prochainement s’accomplir à Jérusalem. Il s’agit d’un exode. Exode qu’ont vécu en leur temps tant Moïse qu’Elie.

(3) Exode ? Qu’est-ce que c’est ?
Nous pensons au peuple hébreu quittant libre l’esclavage d’Egypte et s’en allant dans le désert apprendre la foi en Dieu. Mais cela ne s’applique pas immédiatement à la mort de Jésus (je laisse ceci de côté pour aujourd’hui et j’annonce une prochaine prédication sur cette question).

Luc est le plus grec des auteurs d’évangile. Or, dans la tragédie grecque, l’exode est la dernière partie du spectacle : après la sortie du chœur qui a explicité dans ses chants les enjeux de l’action, vient l’exode,  la dernière partie de la pièce, qui contient son dénouement.

Y a-t-il un dénouement à Jérusalem ? Oui, la fin du nouage entre Jésus vivant et ses détracteurs, la fin du nouage avec ses disciples. Aux uns comme aux autres ne restera que les souvenirs de l’enseignement du maître et, en quelque manière, leurs actes – s’il leur en vient – pour honorer la mémoire de ce maître. Et rien de plus, puisqu’il n’y aura pas de mausolée. 

Lorsque Mao Zedong est mort, certains penseurs de la révolution se sont demandé s’il y aurait un mausolée de Mao. Mao avait ordonné que son corps fût incinéré et les cendres dispersées ; pas de mausolée. Mais lorsqu’il a été connu qu’il y en aurait un, il a été clair pour ces penseurs qu’en plus du Président Mao, c’est la Révolution elle-même que les caciques du Parti communiste chinois avaient décidé d’enterrer.

Il n’y a pas de mausolée de Jésus de Nazareth, ni de mausolée de Moïse, ni de mausolée d’Elie. Ce qui signifie que la parole prophétique est toujours prête à appeler les humains à revenir à Dieu, qu’il est toujours nécessaire de réinterpréter la Loi, et que l’Evangile a une actualité permanente, en tant que parole de grâce, d’instruction et d’engagement.

Le chemin est toujours à réinventer. Notre Seigneur, qui n’a ni tombe ni mausolée, nous précède et nous accompagne toujours sur ce chemin nouveau. Grâces en soit rendues à Dieu. Amen
 Cette méditation a été donnée pour l'ouverture de l'assemblée générale annuelle d'une Eglise membre de l'Eglise protestante unie de France. A la fin de cette même assemblée générale, une prière a été lue, que voici.

            Seigneur notre Dieu ! Quand la peur nous prend, ne nous laisse pas désespérer ! Quand nous sommes déçus, ne nous laisse pas devenir amers ! Quand nous n’y comprenons plus rien et que nous sommes à bout de force, ne nous laisse pas périr ! Non, fais-nous sentir ta présence et ton amour, que tu as promis aux cœurs humbles et brisés qui ont peut de ta Parole. C’est vers tous les hommes qu’est venu ton Fils bien aimé, vers des hommes désemparés. Parce que nous le sommes tous, il est né dans une étable et mort sur la croix. Seigneur, réveille-nous et tiens-nous éveillés pour le reconnaître et le confesser.
            Nous pensons à toute l’obscurité et à toutes les souffrances de ce temps qui est le nôtre, aux erreurs et aux malentendus nombreux par lesquels nous nous tourmentons les uns les autres, à tous les fardeaux que tant d’hommes doivent porter sans connaître de consolation, à tous les graves dangers qui menacent le monde sans qu’il sache comment les affronter. Nous pensons aux malades, aux aliénés, aux exilés, aux opprimés, aux victimes de l’injustice, aux enfants qui n’ont pas de parents ou pas de bons parents. Nous pensons à tous ceux qui sont appelés à servir, dans la mesure où les hommes le peuvent : aux autorités de notre pays et de tous les pays, aux juges et aux fonctionnaires, aux maîtres et aux éducateurs, aux écrivains et aux journalistes, aux médecins et aux infirmières des hôpitaux, aux prédicateurs de ta Parole dans les diverses Églises et communautés, au près et au loin. Nous pensons à eux en te priant de faire luire pour eux et pour nous la lumière de Noël (ta lumière), de la rendre encore plus brillante encore que jusqu’ici, afin qu’ils y trouvent, et nous avec eux, le secours dont ils ont besoin. Nous te demandons tout cela au nom du Sauveur en qui tu nous as déjà exaucés et en qui tu veux continuer de nous exaucer. Amen.

            Karl Barth ; Se présenter devant Dieu, p.26-28