Alléluia
41-22. Louons Dieu le Créateur
1.
Louons Dieu le Créateur ! Il sema partout des fleurs, Nous offrant le grand
honneur D’être enfants de son lignage. Il nous pétrit de ses mains, Nous donna
le beau jardin Où jouer nos lendemains D’hommes faits à son image.
2.
Louons Christ le Rédempteur ! Qui vint pour chasser nos peurs, Nous donner le
vrai bonheur Des enfants de son Royaume. Il s’égale aux plus petits, Les
accueille et leur sourit, S’émerveille et les bénit Pour chanter la joie des
psaumes.
3.
Appelons le Saint-Esprit Qui insuffle en nous la vie, Nous éclaire et nous
conduit Pour aimer le nom du Père. Lui l’Esprit de liberté, Le chemin de vérité
De qui vient toute unité Comblera ceux qui espèrent.
Louange
et prière 75. Gloire, gloire à l’Eternel
1. Gloire, gloire à
l’Eternel! Qu’un cantique solennel Qu’un cantique solennel De nos cœurs monte à
son trône. Quand il crée, oh! qu’Il est grand! Quand Il crée, oh! qu’Il est
grand! Qu’Il est juste en punissant, Qu’Il est bon quand Il pardonne!
2. Il commande… et le
néant Tressaille au premier accent Tressaille au premier accent De sa parole
vivante; Et des astres radieux Et des astres radieux Sa main jette dans les
cieux La poussière étincelante.
3. Il accuse et le
pécheur, Devant cet accusateur Devant cet accusateur Sent sa profonde misère ;
Il s’écrie en son effroi, Il s’écrie en son effroi Montagnes tombez sur moi
Cachez-moi de sa colère.
4. Mais l’âme à qui le
Seigneur S’est donné pour Rédempteur S’est donné pour Rédempteur Goûte une paix
ineffable; Objet d’un si grand amour Objet d’un si grand amour Elle se donne en
retour À ce Sauveur adorable.
5. Ô Dieu! Que tes
rachetés Toujours chantent les bontés Toujours chantent les bontés De celui qui
leur pardonne! Gloire, gloire à l’Eternel! Gloire, gloire à l’Eternel! Ce
cantique solennel Montera jusqu’à son trône!
1 Jean 4
7 Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, car
l'amour vient de Dieu, et quiconque aime vient de Dieu et connaît de Dieu.
8 Qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, puisque Dieu est
amour.
9 Voici comment a été manifesté l'amour de Dieu au milieu
de nous: Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par
lui.
10 Voici ce qu'est l'amour: ce n'est pas nous qui avons
aimé Dieu, c'est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime d'expiation
pour nos péchés.
Jean 15
9 Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés;
demeurez dans mon amour.
10 Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans
mon amour, comme, en gardant les commandements de mon Père, je demeure dans son
amour.
11 «Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et
que votre joie soit parfaite.
12 Voici mon commandement: aimez-vous les uns les autres
comme je vous ai aimés.
13 Nul n'a d'amour plus grand que celui qui pose là sa vie
pour ses amis.
14 Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous
commande.
15 Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur
reste dans l'ignorance de ce que fait son maître; je vous appelle amis, parce
que tout ce que j'ai entendu auprès de mon Père, je vous l'ai fait connaître.
16 Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous
ai choisis et posés là pour que vous alliez, que vous portiez du fruit et que
votre fruit demeure: si bien que tout ce que vous demanderez au Père en mon
nom, il vous l'accordera.
17 Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les
autres.
Prédication :
Nous avons chanté deux cantiques sur
une même mélodie (de Samuel Webbe le Jeune, 1770-1843). Plus d’un siècle sépare
ces deux textes. J’aime la mélodie de ces cantiques ; c’est probablement
la première mélodie de cantique que j’ai connue, j’étais alors tout enfant.
Elle est un des sommets de ma petite spiritualité. Ces choses-là ne se
discutent pas.
Les deux textes parlent de Dieu,
n’est-ce pas ? Mais de quel Dieu ? Tentons de ramener la théologie de
chacun des deux cantiques à un seul mot. Pour le premier, Louons Dieu le Créateur (Pasteur Louis Lévrier (1923-2004) en
1999), ce serait le mot liberté (il sème à profusion). Pour Gloire gloire à l’Eternel (Dr Lamouroux
(1794-1866), ce serait le mot ordre (il crée, il accuse, il punit, il
pardonne).
Les deux cantiques se rencontrent sur le thème de la rédemption… encore
que la rédemption de la fin du XXè siècle ne soit qu’effacement des peurs, là
où celle du XIXè efface des péchés…
Vous pouvez avoir une préférence pour un texte, ou pour l’autre… Si
vous n’êtes pas décidés à cet instant, gardez la feuille de culte et revenez-y
plus tard.
Ces deux cantiques vous ont été aujourd’hui proposés pour introduire
une réflexion sur les images de Dieu et les images des hommes – gardez bien en
vous l’idée que toute image de Dieu va avec une image de l’homme. Dieu, il est
comment ? Liberté ? Ordre ? Et pour quel homme est-il ceci ou
plutôt cela ?
Dans les deux textes bibliques que
nous avons lus, le mot amour et le verbe aimer ne cessent d’être répétés. Dieu
est amour. Les traditions conservées par l’évangile de Jean et les trois épîtres
de Jean ne cessent de parler d’amour, de Dieu qui est amour, et de ce qu’est
aimer.
Dieu, comment a-t-il aimé ?
L’évangile de Jean répond dès ses tout premiers versets. Au commencement… le
Verbe est Dieu, et le Verbe s’est fait chair. La lumineuse univocité du Verbe
est devenue équivoque comme la chair seule peut l’être. Bien plus encore que de
devenir chair, ce qui pourrait laisser penser à une forme de conservation ou de
réversibilité, comprenons qu’elle s’y anéantit. Plus encore que se dessaisir
d’elle-même, elle se pose là sans se donner aucun moyen de se reprendre. Et
c’est ainsi que Dieu aime. Et c’est ainsi qu’il envoie son Fils – avec lequel
il est un – comme victime expiatoire pour les péchés des hommes, ce qui
signifie très clairement qu’à partir du moment où ce sacrifice est accompli,
Dieu, qui aime, n’a plus rien à exiger des humains. Aimer, dans cette perspective,
dans cette tradition, c’est se poser là, y être à merci, comme offrande
radicale, dans l’impuissance la plus absolue. Pour tâcher d’être un peu plus
clair, Dieu qui aime, Dieu qui est amour, se donne totalement aux humains et
leur dit « Faites de moi ce que vous voudrez ».
Les auteurs de cantiques dont nous avons parlé tout à l’heure ont fait
de Dieu ce qu’ils voulaient.
Comme l'argile entre les mains du potier, ils ont fait de l'argile exactement ce qu'ils voulaient |
En en faisant de Dieu ce qu’ils
voulaient, ces auteurs ont aussi dépeint l’homme – le croyant – tel qu’ils le veulent.
Dans Louons Dieu le Créateur, le
croyant idéal est un être humain libéré de toute peur, ouvert, joyeux et militant
œcuménique ; c’est un croyant d’après le Concile, une croyant idéal de la
seconde moitié du XXème siècle. Dans Gloire,
gloire à l’Eternel, le croyant idéal est un être humain qui a vécu toutes
sortes de troubles et qui, libéré de ces troubles, mène, après un long et
difficile combat, une vie enfin paisible et ordonnée.
Qu’en est-il de nos textes
bibliques ? Quel croyant ? L’unique commandement, celui qui, dans
l’évangile de Jean, résume toute l’aventure humaine divine du Verbe qui se fait
chair, c’est « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai
aimés ». Comment Jésus les a-t-il aimés ? Il les a aimés comme le
Père l’a aimé. Et comment le Père l’a-t-il aimé ? En envoyant son Fils en
victime d’expiation pour les péchés. Dieu a aimé les humains en se posant là en
toute impuissance et en disant « faites de moi ce que vous voudrez ».
Aimer ainsi correspond à l’obéissance à l’unique commandement de Jésus. Aimer
ainsi est l’idéal du disciple, l’idéal du chrétien. Le chrétien pose là sa vie,
au service de son semblable, au service de la communauté, dans un engagement
total et irréversible. Il proclame son désir d’obéir et de servir ; il déclare
en somme son amour… C’est cela, l’idéal du chrétien. Et lorsque cet idéal est
partagé, lorsque les chrétiens s’aiment les uns les autres, c’est aussi l’idéal
de la vie de la communauté. C’est un idéal, c’est même radical.
C’est si radical que nous nous
posons une première question : pour quelles raisons cela a-t-il été pensé
et écrit ? Dans le nouveau Testament, il y a un autre texte qui parle
admirablement de l’amour, c’est la première épître aux Corinthiens. On se rend
assez vite compte que l’hymne à l’amour du chapitre 13 est un écrit de
circonstances. Les chrétiens de Corinthe ont prêté énormément d’attention aux
dons personnels de l’Esprit, et ont laissé de côté la vie de la communauté…
Paul tente de remédier à cela en énonçant que si l’on n’a pas l’amour, tout le
reste ne vaut rien. De la même manière, dans l’évangile de Jean, et surtout dans
l’épître, on parle beaucoup d’amour du prochain, mais beaucoup aussi de
connaissance de Dieu. Ce qui laisse supposer que des groupes ont consacré tant
de leur énergie et de leurs dévotions à parvenir
à une connaissance de Dieu qu’ils en aient oublié la communauté, le prochain,
le frère… L’épître serait un écrit de circonstances, qui, en fonction justement
des circonstances, développe un point qu’elle juge essentiel, et invite à y
revenir : aimer. Avec quel succès ? Nous avons de bonnes raisons de
penser que l’auteur des Epîtres de Jean a échoué. C'est-à-dire que son
interpellation n’a pas été entendue, et que les groupes qui se consacraient
entièrement à rechercher la connaissance de Dieu – au détriment de la vie
communautaire – se sont détachés du grand courant de l’Eglise, centrés sur leur
seule recherche, se sont vraisemblablement épuisés et perdus.
Ils se sont épuisés et perdus, et de
cette aventure il est resté les écrits que sont l’évangile de Jean et les trois petites épîtres. Et à nous autres il est resté et reste une
interpellation radicale : aimons-nous les uns les autres, posons-là nos
vies, mettons-nous totalement à disposition les uns des autres… Cette
interpellation radicale découle de l’affirmation non moins radicale que Dieu
est amour. C'est-à-dire que si nous entendons nous en tenir, s’agissant de
Dieu, à l’unique affirmation qu’il est amour, et qu’il n’est rien d’autre
qu’amour, c’est ainsi qu’il nous faut absolument et résolument vivre.
Est-ce donc ce que nous
affirmons ? Est-ce ainsi que nous vivons ? Non… pas vraiment, plus ou
moins. Pas du tout ? Pas tout à fait… Vous hésitez. Le prédicateur hésite.
Nous sentons bien qu’à vouloir produire une confession de foi simple et
univoque, nous produisons en même temps une éthique totalement impraticable,
une éthique qui incessamment nous accuse…
Mais nous sentons bien aussi que
cette exhortation à l’amour et au service est pertinente tant pour la vie
personnelle que pour la vie communautaire.
Alors ? Alors, si nous sommes
un tant soit peu touchés par cette exhortation, mais pas seulement par elle, il
est possible que ce qui nous accuse ne nous écrase pas, mais bien plutôt nous
stimule.
Ainsi, au nom de Jésus Christ nous pouvons demander au Père qu’il fasse
grandir en nous l’amour. C’est même, dans le sens de notre texte, la seule
chose que nous puissions demander au Père au nom du Fils. Et il nous
l’accordera. Amen