dimanche 10 septembre 2017

Actualité de la Transfiguration (Matthieu 16,24-17,9)

Matthieu 16
24 Alors Jésus dit à ses disciples: «Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive.
25 En effet, qui veut sauvegarder sa vie, la perdra; mais qui perd sa vie à cause de moi, l'assurera.
26 Et quel avantage l'homme aura-t-il à gagner le monde entier, s'il le paie de sa vie? Ou bien que donnera l'homme qui ait la valeur de sa vie?
27 Car le Fils de l'homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père; et alors il rendra à chacun selon sa conduite.
28 En vérité, je vous le déclare, parmi ceux qui sont ici, certains ne mourront pas avant de voir le Fils de l'homme venir dans son règne.»
Matthieu 17
1 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et les emmène à l'écart sur une haute montagne.
2 Il fut transfiguré devant eux: son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs comme la lumière.
3 Et voici que leur apparurent Moïse et Elie qui s'entretenaient avec lui.
4 Intervenant, Pierre dit à Jésus: «Seigneur, il est bon que nous soyons ici; si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie.»
5 Comme il parlait encore, voici qu'une nuée lumineuse les recouvrit. Et voici que, de la nuée, une voix disait: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu'il m'a plu de choisir. Écoutez-le!»
6 En entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre, saisis d'une grande crainte.
7 Jésus s'approcha, il les toucha et dit: «Relevez-vous! soyez sans crainte!»
8 Levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus, lui seul.
9 Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre: «Ne dites mot à personne de ce qui s'est fait voir de vous, jusqu'à ce que le Fils de l'homme soit ressuscité des morts.»
Prédication :
« En vérité, je vous le déclare, parmi ceux qui sont ici, certains ne mourront pas avant de voir le Fils de l'homme venir dans son règne. » Cette promesse, Jésus la fit un jour à ses disciples. Il la fit à ces hommes qui avaient à peine commencé à le suivre. Dimanche dernier, nous avons dit que, pour Pierre, Jacques et Jean, cette promesse s’était réalisée six jours plus tard, lorsqu’ils avaient vu Jésus transfiguré. Et puisqu’une rétribution est promise par Jésus à ceux qui l’auront suivi, nous avons cru pouvoir affirmer qu’en Christ, et pour ceux qui le suivent, cette rétribution promise vient tout au début du parcours…
Nous avons ainsi pris pour nous cette promesse, et nous avons même proclamé qu’elle ne pouvait faillir, promesse de notre Seigneur : il a été, il est et il sera présent, transfiguré, lumineux, à nos côtés ! Mais n’était-ce pas un peu hâtif de proclamer cela ? Nous n’avons pas assisté à la Transfiguration, comme Pierre, Jacques et Jean !
Mais au fond, Pierre, Jacques, et Jean, à quoi ont-ils assisté ? Nous, lecteurs, nous savons tout, toujours tout. Et, bien souvent, lorsque nous lisons la Bible, notre savoir nous encombre. De Jésus de Nazareth, nous savons toujours déjà qu’il est Jésus Christ Fils de Dieu ; de la voix qui parle dans la nuée nous savons que c’est celle de Dieu. Mais si, un jour, dans la nature, un ami – ou un de nos maîtres – se mettait à rayonner, à devenir tout brillant, si des apparitions survenaient, avec des nuages et peut-être même des voix du ciel, que ferions-nous, que comprendrions-nous ? Cette expérience serait-elle pour nous décisive ? Combien de temps nous faudrait-il, et quelle réflexion faudrait-il mener, pour que nous concluions ce que les disciples ont conclu a posteriori et que Matthieu, qui n’y était pas, a si lumineusement raconté ?
De certaines expériences de vie nous ne savons pas d’emblée qu’elles seront capitales. Mais peut-être qu’un chrétien pourrait dire a posteriori de certaines de ses expériences de vie qu’il a vu là le Fils de l’homme venir dans son règne.
En nous inspirant du récit de la Transfiguration, nous allons imaginer certaines expériences possibles. C’est un effort d’imagination et de mémoire que chacun peut accomplir, et chacun saura pour lui-même s’il a vu là le Christ transfiguré.

Première expérience possible : dans l’intimité d’un de nos maîtres. Nous pensons à nos maîtres, à ces “grandes personnes” qui ont compté pour nous, qui nous ont éduqués, qui nous ont formés. Avons-nous un jour vu l’un d’entre eux transfiguré, c'est-à-dire saisi devant nous par cela même dont il nous parlait ? Il nous faut interroger nos souvenirs.
Si cela nous a été donné, l’aurons-nous reçu comme un moment décisif de notre vie ? Et aurons-nous compris, ou comprenons-nous maintenant, cela comme réalisation de la divine promesse d’avoir vu le Fils de l’homme venir dans son règne ?
Il n’est jamais trop tard pour saisir la portée décisive de ce qui nous est arrivé, jamais trop tard pour, peut-être, en découvrir le sens.

Deuxième expérience possible : s’il est moment qui peut nous rappeler la Transfiguration et nous rendre présent un Christ lumineux, c’est la Sainte Cène lorsque nous la célébrons. Le Christ s’y donne tout entier ; il s’y donne tout entier à manger ; il s’y donne aussi tout entier à voir.
Les protestants réformés français ont parfois un peu de peine à considérer que Christ se donne ainsi à voir. On peut bien entendu considérer que la Cène est juste une commémoration. Et la question de la présence du Christ et de sa visibilité ne se pose pas. Mais on ne peut pas échapper à la question de la présence du Christ, à la question de comprendre “ceci est mon corps”.
La Sainte Cène, de bien des manières, peut évoquer la Transfiguration, tant le Christ s’y montre métamorphosé. La Sainte Cène peut donc être comprise comme une réalisation de la promesse d’une réelle présence du Christ vivant à côté de nous, parmi nous, et en nous. Est-ce le cas ?
Nous y penserons la prochaine fois que nous célébrerons la Sainte Cène.
             Troisième expérience possible : nos pères de la Réforme ont insisté magistralement sur l’importance cruciale de la parole de la prédication. En insistant comme ils l’ont fait, ils n’ont certes pas cherché à faire du prédicateur un nouveau prêtre, même si c’est tout de même parfois ce qui s’est produit… Ils ont insisté sur l’intelligence des Ecritures, c'est-à-dire sur leur lecture, leur étude, leur méditation, personnelle et communautaire. Et ils ont fait de cet exercice – il faut s’y exercer – c’est une discipline – et l’on retrouve le mot disciple – le moyen privilégié par lequel et dans lequel le Christ se donne à voir, se donne tout court, en tant que vivante parole.
            Ainsi donc, la parole de la prédication peut être comprise comme une Transfiguration, toujours renouvelée. Et il en ira de même si cette parole est entendue au cours d’une lecture personnelle, ou au cours d’une étude biblique.
            La parole de la prédication, lorsqu’elle est reçue, lorsqu’elle atteint le cœur, n’accomplit-elle pas la promesse ?

Quatrième expérience possible : la vie communautaire. Souvenons-nous que c’est ensemble que Pierre, Jacques et Jean vivent cette expérience, et qu’ils la vivent à l’écart, sur une haute montagne.  Ceux qui se rendent au culte se mettent ensemble à l’écart, dans un lieu particulier.
Dans cette intimité, dans ce recueillement, la sœur ou le frère qui est là, avec qui je chante, avec qui je prie, avec qui je partage la Sainte Cène et qui est ému, voire saisi, n’est-il pas le signe de la vivante présence du Christ transfiguré ?

Cinquième expérience possible : il y a quelques temps, l’un de mes collègues m’a raconté que la contemplation d’une mosaïque d’un Christ en gloire avait été et demeurait encore pour lui un élément décisif de sa vocation chrétienne. L’art peut, peut-être, nous rendre présent le Christ transfiguré. L’art, ou l’architecture religieuse…
Il y a quelques mois, dans la cathédrale Saint Pierre et Saint Paul de Philadelphie (Pennsylvanie), j’ai vu une lumière éblouissante, c’était la lumière du soleil, elle frappait un autel latéral, était reflétée sur un sol poli, elle illuminait tout, et m’a illuminé. Cela m’évoque la Transfiguration, et la Transfiguration m’évoque la présence à mes côtés d’un Christ vivant et agissant. 
Philadelphie (Pennsylvanie), 3 mai 2017
Au fil de ces évocations, vous vous êtes souvenu d’une chose ou d’une autre, d’un beau souvenir, de l’un de ces souvenirs qui vous soutiennent et vous portent. Nous avons associé ces beaux souvenirs à la Transfiguration de notre Seigneur, et nous les avons compris comme la réalisation de sa promesse. Ainsi, cela nous porte. Et puisque c’est notre vie et notre croix qu’il nous faut aussi porter, nous croyons que notre Seigneur nous accompagne, et les porte avec nous. Amen