dimanche 16 avril 2017

Rendez-vous en Galilée (Matthieu 28) Pâques ! Il est ressuscité !

Matthieu 28
1 Après le sabbat, au commencement du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent voir le sépulcre.
2 Et voilà qu'il se fit un grand tremblement de terre: l'ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s'assit dessus.
3 Il avait l'aspect de l'éclair et son vêtement était blanc comme neige.
4 Dans la crainte qu'ils en eurent, les gardes furent bouleversés et devinrent comme morts.
5 Mais l'ange prit la parole et dit aux femmes: «Soyez sans crainte, vous. Je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié.
6 Il n'est pas ici, car il est ressuscité comme il l'avait dit; venez voir l'endroit où il gisait.
7 Puis, vite, allez dire à ses disciples: ‹Il est ressuscité des morts, et voici qu'il vous précède en Galilée; c'est là que vous le verrez.› Voilà, je vous l'ai dit.»
8 Quittant vite le tombeau, avec crainte et grande joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.
9 Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit: «Je vous salue.» Elles s'approchèrent de lui et lui saisirent les pieds en se prosternant devant lui.
10 Alors Jésus leur dit: «Soyez sans crainte. Allez annoncer à mes frères qu'ils doivent se rendre en Galilée: c'est là qu'ils me verront.» 

11 Comme elles étaient en chemin, voici que quelques hommes de la garde vinrent à la ville informer les grands prêtres de tout ce qui était arrivé.
12 Ceux-ci, après s'être assemblés avec les anciens et avoir tenu conseil, donnèrent aux soldats une bonne somme d'argent,
13 avec cette consigne: «Vous direz ceci: ‹Ses disciples sont venus de nuit et l'ont dérobé pendant que nous dormions.›
14 Et si l'affaire vient aux oreilles du gouverneur, c'est nous qui l'apaiserons, et nous ferons en sorte que vous ne soyez pas inquiétés.»
15 Ils prirent l'argent et se conformèrent à la leçon qu'on leur avait apprise. Ce récit s'est propagé chez les Juifs jusqu'à ce jour.

16 Quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
17 Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes.
18 Jésus s'approcha d'eux et leur adressa ces paroles: «Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre.
19 Allez donc: de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,
20 leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps.»

Prédication : 
            Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps. Promesse du ressuscité à ses disciples, qui nous fait nous poser une question simple : passé le moment où s’achève l’évangile de Matthieu, et donc aujourd’hui, où le Ressuscité est-il, où faut-il aller pour le voir ?
            Tâchons de répondre en méditant le texte que nous venons de lire.

C’est justement pour voir – c'est-à-dire contempler le tombeau – que les femmes se déplacent juste après le sabbat, le premier jour de la semaine. Jésus doit être là, parce qu’il est mort, parce qu’il est enseveli, et parce qu’il est bien gardé. Le récit de la résurrection commence donc sur une certitude : c’est là qu’Il est. Or, et contrairement à toute certitude : il n’est pas là.
Donc, premier élément de réponse à notre question : si l’on souhaite aujourd’hui voir le Ressuscité, inutile d’aller au tombeau. A supposer même qu’on découvre l’emplacement du tombeau, ce n’est pas là qu’il est.
Comme on ne sait ni où est le tombeau, ni où les disciples se tenaient ce jour-là, il sera difficile de voir Jésus là où il apparut personnellement aux deux Marie. Inutile donc de chercher dans cette direction, il n’est pas là non plus.
Il reste donc la Galilée, puisque c’est là que le rendez-vous est donné par le Ressuscité à ses disciples mais, même si la Galilée n’est pas très grande, il y a trop de lieux élevés, trop de collines, et trop peu d’informations dans l’évangile, pour que nous puissions reconnaître l’endroit précis. Ainsi donc, pour la Galilée, c’est comme pour le tombeau et les environs de Jérusalem, il faut se résoudre à une cette réponse : oui, en Galilée, mais où précisément, mystère. 

Retournons au texte, avec notre question. La présence de Jésus, c’est bien ce qui a troublé les autorités de ce temps-là. Elles avaient justement mis tout en œuvre pour qu’à ce Jésus soit assignée une place, un lieu, où il serait, mort et enterré, et il serait alors là, bien là, et nulle part ailleurs : il y  avait un tombeau, et des gardes devant le tombeau. Or, ni le tombeau ni les gardes n’ont pu garder Jésus. Il ne reste donc aux autorités de ce temps-là, pour garder ce Jésus, qu’à inventer une fable : vous n’aurez qu’à dire, enseigne-t-on aux gardiens, que ses disciples ont pris le corps pendant que vous dormiez. Et les gardiens, pieusement, fidèlement, font tout comme il leur avait été enseigné.
Ceci serait totalement anecdotique si le mot gardien et le verbe garder n’étaient pas répétés dans le récit, et si le verbe enseigner n’y apparaissait pas lui aussi deux fois. Il y a des gardiens, et la mission des gardiens, qu’ils reçoivent et qu’ils acceptent, c’est que la version des faits soit exactement celle qui arrange leurs maîtres, et que leur maîtres leur ont enseignée. Qu’ils soient gardiens du tombeau ou gardiens d’une fable, c’est toujours sur l’immobile, le figé, le mort… qu’ils veillent. Et à eux aussi, les gardiens, et leurs maîtres, la déclaration de l’ange va toujours s’opposer : il n’est pas ici !
Qu’est-ce à dire, aujourd’hui ? Et bien, à ceux qui, même de bonne volonté,  gardent jalousement, fidèlement et pieusement les lieux saints, à ceux qui assènent les lieux communs des catéchismes que leurs maîtres leur ont enseignés, aux surveillants de la présence réelle, aux sentinelles de l’inspiration littérale des Saintes Ecritures, aux plantons de la grâce seule, à ces bons petits soldats, à nous tous, la déclaration de l’ange s’oppose et s’opposera toujours : il n’est pas ici. L’ange nous dit à tous : il n’est pas ici. Le Ressuscité ne se laisse ainsi enfermer dans aucune fable, aucun énoncé, aucune doctrine, ni aucune tradition, même les plus belles et les plus respectables… Il n’est pas ici !
Mais cela ne répond pas à la question que nous posons : où est-il, où faut-il aller pour le voir, pour le rencontrer ? Où nous donne-t-il rendez-vous ?

La réponse est dans le texte : il nous donne rendez-vous en Galilée. Et ne demandons pas maintenant pas “où est la Galilée ?” mais, “qu’est-ce que la Galilée ?”
Lisons et réfléchissons. La Galilée, ce n’est pas la Judée. Les Judéens du temps de Jésus avaient d’eux-mêmes une opinion très haute, opinion qu’ils étaient les purs, les vrais, les seuls croyants, qu’ils possédaient le seul lieu du seul vrai culte au seul Dieu. Et si le Ressuscité avait dû être quelque part, c’était donc forcément chez eux. La déclaration de l’ange est opposable aux Judéens aussi, aux Judéens surtout : il n’est pas ici !
La Galilée, c’est le nord de la Palestine, un territoire qui fut extrêmement prospère à une époque où Jérusalem n’était rien. La Galilée fut envahie plus tard, ravagée, presque vidée de ses populations tribales hébraïques anciennes, et repeuplée par on ne sait qui. La Galilée du temps de Jésus a une population pour le moins métissée, bâtarde disaient certains, mais une population pourtant attachée à servir Dieu et qui venait fidèlement prier à Jérusalem, en Judée.
La Galilée de l’évangile de Matthieu, c’est la Galilée des Nations dont parle déjà le prophète Esaïe. Et il y a là-bas, comme il y en a partout ailleurs, des gens qui se réclament de Dieu (le Père) par leur généalogie naturelle, il y a aussi des gens qui se réclament de Dieu (le Fils) de par une adoption filiale qu’ils ont endossée, et il y a enfin des gens qui peut-être ne se réclament pas de Dieu mais dont l’existence est teintée d’une telle Justice qu’on peut dire que le Saint Esprit les inspire.
La Galilée, où l’on peut voir le Ressuscité, c’est donc là où « au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit » prend tout son sens concret, celui d’une heureuse reconnaissance et paisible entente entre des humains d’ascendance et de traditions diverses, là où l’amour de Dieu et le service du prochain ne sont pas des vains mots. Et bien c’est là, où que ce soit sur cette terre, nous l’affirmons, que le Ressuscité donne rendez-vous, et qu’on peut Le voir.
Cette terre existe-t-elle ?
Il nous faut la bâtir. Lisons encore. Les disciples, s’étant rendu en Galilée, sur une montagne dont le nom est perdu – et tant mieux s’il est perdu. Ils y ont vu le Ressuscité, mais lui ne s’est pas contenté de se faire voir. Il leur a aussi commandé de Le rendre visible. En plus de l’avoir vu, les disciples ont reçu du Ressuscité, aux fins de le rendre visible, un triple commandement.
(1) Commandement d’aller vers toutes les nations ce qui ne signifie pas forcément d’aller au bout du monde, mais d’aller vers les humains, sans discrimination aucune ; non en plaquant des vérités toutes faites, mais en vivant devant eux et auprès d’eux tout comme Jésus a vécu ; car l’évangile, vérité incarnée  de Dieu, se transmet par ceux qui vivent justement cette vérité ;
(2) Commandement de baptiser, au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, ce qui n’est pas une formule magique ni une breloque identitaire, mais l’affirmation que personne ne peut prétendre connaître l’étendue des manifestations et de l’action de Dieu ;
(3) Commandement  d’enseigner à garder tout ce que Jésus a commandé, à commencer, dans l’évangile de Matthieu, par ces incomparables Béatitudes ; mais comme il y a enseigner et enseigner, ce troisième commandement est précédé par les deux autres, afin qu’aucun de ceux qui le mettront en œuvre ne puisse se transformer derechef en gardien jaloux et mortifère d’on ne sait quel temple, d’on ne sait quelle doctrine, ou d’on ne sait quelle tradition.

Sœurs et frères, celui qui avait été crucifié et mis au tombeau, celui sur lequel on a empilé tant de saintes doctrines, tant de pieuses images et tant de lieux communs… n’est pas ici. Vous pouvez certes voir les endroits où il gisait, mais il ne gît plus, il ne gît nulle part.

Il est vivant pour les siècles des siècles. Amen