dimanche 9 avril 2017

Le roi messie du prophète Zacharie (Zacharie 9)


Matthieu 21
1 Lorsqu'ils approchèrent de Jérusalem et arrivèrent près de Bethphagé, au mont des Oliviers, alors Jésus envoya deux disciples
2 en leur disant: «Allez au village qui est devant vous; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et un ânon avec elle; détachez-la et amenez-les-moi.
3 Et si quelqu'un vous dit quelque chose, vous répondrez: ‹Le Seigneur en a besoin›, et il les laissera aller tout de suite.»
4 Cela est arrivé pour que s'accomplisse ce qu'a dit le prophète:
5 Dites à la fille de Sion: Voici que ton roi vient à toi, humble et monté sur une ânesse et sur un ânon, le petit d'une bête de somme.
6 Les disciples s'en allèrent et, comme Jésus le leur avait prescrit,
7 ils amenèrent l'ânesse et l'ânon; puis ils disposèrent sur eux leurs vêtements, et Jésus s'assit dessus.
8 Le peuple, en foule, étendit ses vêtements sur la route; certains coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route.
9 Les foules qui marchaient devant lui et celles qui le suivaient, criaient: «Hosanna au Fils de David! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient! Hosanna au plus haut des cieux!»
10 Quand Jésus entra dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi: «Qui est-ce?» disait-on;
11 et les foules répondaient: «C'est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée.»
12 Puis Jésus entra dans le temple et chassa tous ceux qui vendaient et achetaient dans le temple; il renversa les tables des changeurs et les sièges des marchands de colombes.
13 Et il leur dit: «Il est écrit: Ma maison sera appelée maison de prière; mais vous, vous en faites une caverne de bandits!»

14 Des aveugles et des boiteux s'avancèrent vers lui dans le temple, et il les guérit.

Mais ça n'est pas tout. Matthieu fait référence au prophète Zacharie :

Zacharie 9
1 Proclamation. La parole du SEIGNEUR est arrivée au pays de Hadrak, et à Damas elle a fait halte, car au SEIGNEUR appartient le joyau d'Aram tout comme l'ensemble des tribus d'Israël,
2 de même Hamath, sa voisine, ainsi que Tyr et Sidon, où l'on est très habile.
3 Tyr s'est construit une forteresse, elle a accumulé de l'argent, épais comme la poussière et de l'or, comme la boue des rues,
4 mais voici que le Seigneur s'en emparera, il abattra son rempart dans la mer, et elle-même, le feu la dévorera.
5 À ce spectacle, Ashqelôn sera épouvantée, Gaza se tordra de douleur et Eqrôn se verra privée de son appui. Le roi sera éliminé de Gaza et Ashqelôn ne sera plus habitée.
6 Des bâtards s'installeront à Ashdod, je rabattrai l'insolence du Philistin.
7 J'ôterai de sa bouche le sang et d'entre ses dents, les mets abominables; alors lui aussi, comme un reste, appartiendra à notre Dieu. Il aura sa place parmi les clans de Juda et Eqrôn sera pareil au Jébusite.
8 Je camperai auprès de ma maison, montant la garde contre ceux qui passent et repassent; plus aucun tyran ne l'accablera au passage car, à présent, j'y veille de mes propres yeux.
9 Tressaille d'allégresse, fille de Sion! Pousse des acclamations, fille de Jérusalem! Voici que ton roi s'avance vers toi; il est juste et sauveur, humble, monté sur un âne - sur un ânon tout jeune.
10 Il supprimera d'Ephraïm le char de guerre et de Jérusalem, le char de combat. Il brisera l'arc de guerre et il proclamera la paix pour les nations. Sa domination s'étendra d'une mer à l'autre et du Fleuve jusqu'aux extrémités du pays.
11 Quant à toi, à cause de l'alliance conclue avec toi dans le sang, je laisserai partir tes captifs de la fosse où il n'y a point d'eau.

Prédication :
            C’est un bel épisode que celui de l’entrée de Jésus à Jérusalem, un épisode de grande joie pour un peuple qui, semble-t-il, était dans l’attente d’un chef qui lui ferait connaître des jours meilleurs. Quelle sorte de jours meilleurs ?
            Il y a trois sortes de jours meilleurs dans l’imaginaire de la Bible des Hébreux. 1. Des jours meilleurs juste pour le peuple hébreu, c'est-à-dire qu’il domine tous ses voisins. 2. Des jours meilleurs pour tout le monde, mais chacun chez soi à l’intérieur de ses frontières. 3. Des jours meilleurs pour tous dans une forme universelle de fraternité.
            A quelle sorte de jours meilleurs les gens qui ont acclamé Jésus ont-ils pensé ? Nous ne le savons pas. Des jours meilleurs sont-ils venus ? Nous le savons, nous savons qu’ils ne sont pas venus. Nous savons que les quatre évangiles ont retenu l’épisode de l’entrée de Jésus à Jérusalem, et qu’ils l’ont tous référé au même texte du premier testament, au livre de Zacharie, chapitre 9.
Et le livre de Zacharie, à quelle forme des jours meilleurs pense-t-il ? C’est la troisième forme : des jours meilleurs pour tous dans une forme universelle de fraternité. Ainsi, avec une audace folle, une audace qui doit tout à sa foi en Dieu, et presque rien au nationalisme judéen, le prophète Zacharie imagine que son Dieu purifie lui-même tous les ennemis d’Israël, et leur fait à tous un accueil de fils légitimes. Zacharie imagine aussi le roi messie qui conviendrait à cette universelle fraternité. Et cela tient en trois mots, il est juste et sauveur ; et il est ajouté qu’il est humble.
Nous allons explorer successivement ces trois qualifications.

            Il est juste. [צַדִּיק] Mais qu’est-ce à dire ?
            Pour comprendre ce qu’est un juste, pensons au mémorial de Yad Vashem, où sont honorés les Justes parmi les nations, c'est-à-dire ceux qui ont sauvé des Juifs pendant la Shoah. Entreprendre de sauver un Juif pendant cette période était dangereux et, à Yad Vashem, on honore la mémoire de Justes qui ont survécu à leurs actes, mais aussi la mémoire de Justes qui en sont morts.
Un Juste, c’est quelqu’un qui se lie à autrui, par choix, à la vie, à la mort. Le juste dit : « Il est inenvisageable que tu ne survives pas… », ou encore : « Je ne vivrai pas sans toi… » Etre juste c’est gager sur sa vie la vie d’autrui…
            En quoi le roi qu’imagine le prophète Zacharie est-il juste ? A la différence de ceux qui n’ont fait que passer pour razzier, pour piller la ville, et qui arrivaient pour cela avec de puissantes armées, puis repartaient, le roi messie arrive sans armée, sur une misérable monture, et s’installe là, définitivement. Il lie son sort au sort de cette ville, à la vie, à la mort.
            Retenons ceci : le roi messie selon Zacharie est un juste ; il engage sa vie ; il se lie à la ville, à son peuple, à la vie, à la mort.
           
            Il est sauveur. [וְנוֹשָׁע] Ce roi est aussi sauveur. C’est d’ailleurs le nom que porte notre Seigneur : Jésus, ce qui signifie sauveur… Mais, sauveur, qu’est-ce que cela signifie ?
            Dieu est sauveur, dans le livre de l’Exode, lorsqu’il ouvre la mer des Roseaux, fait traverser son peuple à pied sec, balaye l’armée de Pharaon en refermant la mer, et rend impossible tout retour en arrière.
            Faut-il penser avec ceci que le roi messie protège miraculeusement ses fidèles contre les forces du chaos ? On peut bien entendu le penser, mais il faut être lucide : un tel chemin n’est pas un chemin sur lequel il est garanti que rien de fâcheux n’arrivera. Le sauveur ouvre le chemin, et montre le chemin, en le parcourant lui-même, et en ne s’en détournant jamais. Ce n’est pas un chemin tranquille, c’est un chemin de vie. La décision prise pour cette ville et pour son peuple est irréversible, le roi messie l’a prise et ne reviendra pas dessus. Il sait quelle est la menace, il l’affronte. Et, cette menace, qui n’est pas celle du siège, mais celle de la capitulation devant le danger, il l’a déjà vaincue au moment où il choisit de s’installer là, au milieu de ce peuple.
Il est ainsi sauveur en tant qu’il trace un chemin – le sien – qui est aussi un chemin pour ses semblables. Dans son sillage – ou sur ses pas – il est possible que les autres s’engagent. Pas de retour en arrière : les forces du chaos sont déjà vaincues,  et toujours à vaincre.
Retenons ceci : le roi messie selon Zacharie est sauveur, il peut être sauveur parce que, d'abord, il est juste ; il n’a jamais fini d’être sauveur. 

            Il est humble. [עָנִי] C’est le troisième qualificatif de ce roi messie. C’est d’ailleurs le seul que les évangélistes ont retenu.
Notons déjà que ce qualificatif n’est pas construit exactement comme les deux premiers. Il est juste et sauveur... il est humble.
            Humble n’est pas une très bonne traduction ; le mot humble a une connotation morale qui n’est pas présente directement en hébreu.
Pour tâcher de comprendre ce qui est en jeu dans ce troisième qualificatif, pensons plutôt à ce que fut Israël en Egypte. Esclave, déconsidéré, assujetti aux pires tâches et ne vivant que de ce qu’on voulait bien lui concéder ; impuissant et incapable de s’en sortir par ses propres forces.
Certaines traductions pourraient ici dire du roi messie qu’il est pauvre (mais le grec a un autre mot spécifique pour cela), ou petit (mais on a aussi un mot grec plus spécifique pour cela), dans le sens où le pauvre et le petit ne peuvent vivre que de ce que quelqu’un voudra bien leur donner, ne vivront que si quelqu’un consent à se lier à eux.
Et ainsi, le roi messie selon Zacharie, qui est juste, et qui est sauveur, n’est en fait rien si… personne ne se lie à lui, si personne ne le suit.

            Voilà, nous avons exploré ces trois qualifications. Juste et sauveur… humble. Tel est le roi messie selon Zacharie. Celui dans lequel Jésus s’est reconnu, celui dans lequel Matthieu a reconnu Jésus. Devant lui la foule s’écarte, la foule qui l’acclame. Il passe au milieu d’une foule en liesse, sans se retourner, sans s’arrêter. Il ouvre le chemin, il montre le chemin. Il laisse la foule à ses acclamations, l’essentiel est ailleurs.
Mais nous nous demandons, ce roi qui vient et qui ne s’arrête pas sur la liesse des foules, que peut-il faire, de lui-même ? 
Il peut suivre le chemin qu’il a choisi. Il ne fera rien, rien que suivre ce chemin jusqu’au bout, parce qu’il est juste, et sauveur ; parce qu’il est humble, faible.

L’épisode des Rameaux appartient ainsi pleinement à la Passion de notre Seigneur Jésus Christ. Il y donne sa vie. Il sera ce qu’on fera de lui. On peut le rejeter et l’humilier, on peut aussi  l’accepter et le suivre, parfois.  Ceux qui le suivront feront à sa suite ce qu’Il a fait pour eux.

Frères et sœurs, c’est notre vocation. Que Dieu nous soit en aide. Amen.