dimanche 24 juillet 2016

Apprends-nous à prier ! (Luc 11,1-13)

Depuis que mon ami le Père Patrick Royannais a mis cette liste en ligne sur son blog, elle s'est encore allongée... Et pendant combien de temps encore  s'allongera-t-elle ?
•  1er janvier 2016, Afghanistan, Kaboul, 3 morts
•  1er janvier 2016, Israël, Tel Aviv, 2 morts
•  2 janvier 2016, Inde, 7 morts
•  5 janvier 2016, Nigéria, nord est, 7 morts
•  7 janvier 2016, Lybie, au moins 65 morts
•  11 janvier 2016, Irak, Bagdad et Mouqdadiyah, 32 morts
•  12 janvier 2016, Turquie, Istanbul, 10 morts
•  13 janvier 2016, Pakistan, Quetta, plusieurs morts
•  14 janvier 2016, Indonésie, Jakarta, 4 morts
•  15 janvier 2016, Somalie, Base militaire, 63 morts
•  15 janvier 2016, Burkina Faso, Ouagadougou, 30 morts
•  17 janvier 2016, Afghanistan, Djalalabad, 14 morts
•  19 janvier 2016, Pakistan, Peshawar, au moins 11 morts
•  20 janvier 2016, Pakistan, université de Charsadba, 21 morts
•  20 janvier 2016, Afghanistan, Kaboul, au moins 7 morts
•  20 janvier 2016, Somalie, Mogadiscio, au moins 19 morts
•  22 janvier 2016, Egypte, Le Caire, 9 morts
•  25 janvier 2016, Cameroun, Bodo, 29 morts
•  26 janvier 2016, Syrie, Homs, au moins 24 morts
•  27 janvier 2016, Nigéria, Chibok, au moins 13 morts
•  27 janvier 2016, Egypte, Sinaï, 4 morts
•  29 janvier 2016, Arabie Saoudite, Al-Ahsa, 4 morts
•  29 janvier 2016, Nigéria, Gombi, 10 morts
•  31 janvier 2016, Syrie, sud de Damas, au moins 70 morts
•  31 janvier 2016, Tchad, région des Grands Lacs, 3 morts
•  2 février 2016, Somalie, 1 mort
•  6 février 2016, Pakistan, Quetta, 9 morts
•  9 février 2016, Syrie, Damas, 9 morts
•  9 février 2016, Nigéria, camp de Dikwa, 58 morts
•  12 février 2016, Mali, Kidal et Tombouctou, 6 morts
•  19 février 2016, Cameroun, Mémé, au moins 20 morts
•  21 février 2016, Syrie, Damas et Homs, plus de 150 morts
•  27 février 2016, Afghanistan, Asadabad et Kaboul, 25 morts
•  29 février 2016, Somalie, Baidoa, 30 morts
•  29 février 2016, Irak, Bagdad, au moins 40 morts
•  4 mars 2016, Yémen, Aden, au moins 16 morts
•  6 mars 2016, Irak, sud de Bagdad, au moins 47 morts
•  7 mars 2016, Tunisie, Ben Guerdane, 18 morts
•  13 mars 2016, Côte d’Ivoire, Grand Bassam, 18 morts
•  16 mars 2016, Nigéria, Maiduguri, 25 morts
•  19 mars 2016, Turquie, Istanbul, 4 morts
•  22 mars 2016, Belgique, Bruxelles, 35 morts
•  25 mars 2016, Yémen, Aden, au moins 22 morts
•  25 mars 2016, Irak, au sud de Bagdad, au moins 30 morts
•  27 mars 2016, Pakistan, Lahore, 72 morts
•  2 avril 2016, Arabie Saoudite, Ryad, 1 mort
•  19 avril 2016, Afghanistan, Kaboul, 64 morts
•  7 juin 2016, Turquie, Istanbul, 11 morts
•  9 juin 2016, Israël, Tel-Aviv, 4 morts
•  12 juin 2016, Etats-Unis, Orlando, 49 morts
•  13 juin 2016, France, Magnanville, 2 morts
•  27 juin 2016, Liban, frontière est, 5 morts
•  28 juin 2016, Turquie, Istanbul, 45 morts
•  30 juin 2016, Cameroun, Djakan, une dizaine de morts
•  2 juillet 2016, Bangladesh, Dacca, au moins 20 morts
•  3 juillet 2016, Irak, Bagdad, 292 morts (certains disent 1000)
•  4 juillet 2016, Arabie Saoudite, Médine, 4 morts
•  5 juillet 2016, Syrie, Hassaké, au moins 16 morts
•  14 juillet 2016, France, Nice, 84 morts

La liste n’est peut-être pas exhaustive. Il s’agit des attentats menés par des islamistes depuis le début 2016. Le nombre de morts est approximatif ; des blessés peuvent décéder après le décompte. Ne sont a priori pas comptés les terroristes décédés. Il faut ajouter des dizaines de centaines de blessés.
Luc 11
1 Il était un jour quelque part en train de prier. Lorsqu’il s’interrompit, un de ses disciples lui dit: «Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean l'a appris à ses disciples.»

2 Il leur dit: «Quand vous priez, dites: Père, puisse ton nom être sanctifié, puisse ton règne venir,
3 notre pain le plus essentiel, donne-le nous un jour après l’autre,
4 remets-nous nos péchés, tout comme nous aussi nous remettons (leurs dettes) à ceux qui sont nos obligés, et ne nous mène pas au cœur de la tentation.»

5 Jésus leur dit encore: «Si l'un de vous a un ami et qu'il aille le trouver au milieu de la nuit pour lui dire: ‹Mon ami, j’ai besoin de trois pains, 6 parce qu'un de mes amis m'est arrivé de voyage et je n'ai rien à mettre devant lui›, 7 et si l'autre, de l'intérieur, lui répond: ‹Ne m'ennuie pas! Maintenant la porte est fermée; mes enfants et moi nous sommes couchés; je ne puis me lever pour te donner du pain›, 8 je vous le déclare: même s'il ne se lève pas pour lui en donner parce qu'il est son ami, eh bien, parce que l'autre est impudent, il se lèvera pour lui donner ce dont il a besoin.
9 «Quant à moi je vous dis: Demandez, on vous donnera; cherchez, vous trouverez; frappez, on vous ouvrira.
10 En effet, quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, et à qui frappe on ouvrira.
11 Quel père parmi vous, si son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu de poisson? 12 Ou encore s'il demande un œuf, lui donnera-t-il un scorpion?

13 Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent.»

Prédication : 
« Apprends-nous à prier, comme Jean l’a appris à ses disciples », la demande fut faite un jour à Jésus.
            La forme de cette demande nous signale que les groupes religieux de ce temps-là se distinguaient les uns des autres par la forme de leurs prières, par le style de leur piété. Nous n’avons pas à nous étonner de cela… ça n’a pas changé depuis : les groupes religieux se distinguent encore aujourd’hui les uns des autres par la forme de leurs prières et par le style de leur piété… Ils se distinguent ainsi, même s’ils semblent s’adresser tous au même Dieu. C’est sur le fond de cette soi-disant unicité de Dieu que l’un de mes amis avait un jour publiquement énoncé que « si nous avions tous le même Dieu, nous prierions tous de la même manière ». Cette affirmation un peu provocante avait pour but d’inviter un auditoire très diversifié à s’interroger non seulement sur la forme des prières, mais aussi sur les liens parfois obscurs qui existent, dans le cœur de ceux qui prient, entre la forme de leurs prières, l’identité qu’ils se donnent, et les dispositions profondes de leurs cœurs.
Nous ne savons pas quelles furent les prières spécifiques que Jean (le Baptiste) enseigna à ses adeptes. Mais ce qui est clair avec le texte que nous lisons, c’est que même si la demande initiale adressée à Jésus a pour objet une prière qui serait spécifique à ses propres disciples, Jésus ne s’est pas contenté d’une prière de plus, qui aurait permis à ses disciples de se reconnaître entre eux et de se distinguer des « autres ». Jésus ne va pas leur apprendre une prière seulement, il va aussi leur apprendre à prier.
D’ailleurs, disons-le tout de suite, si une prière, quelle qu’elle soit, a pour un groupe l’unique fonction d’être un marqueur inamovible, une identité, une spécificité absolue… elle est sans aucune portée, parce qu’elle se donne formellement comme plus importante que Dieu lui-même.
Pour aller plus loin encore, mais dans un sens positif, une prière à Dieu, que ce soit une prière d’action de grâce, de louange, ou de demande – et ici nous avons une prière de demande – une prière à Dieu ne peut avoir pour destinataire que Dieu seul, aura pour objet ce qui ne peut être accompli que par Dieu seul, et sera formulée par des gens qui ne comptent que sur Dieu seul.

Avec ceci, et devant le texte que nous venons de lire, nous avons trois questions à nous poser : 1. Est-ce que la prière que Jésus propose à ses disciples satisfait aux trois critères que nous venons d’énoncer ? ; 2. Est-ce que l’enseignement que Jésus donne avec cette prière est de nature à orienter valablement ceux qui prient ? ; 3. Est-il possible que quelqu’un ait un jour prié, ou prie un jour, authentiquement, cette prière ?

Nous nous demandons d’abord si la prière que Jésus propose à ses disciples est bien une prière à Dieu.
En la relisant, nous verrons aisément qu’elle a effectivement Dieu pour seul destinataire… et que Dieu seul peut l’exaucer. En effet (en reprenant point par point) :
Même si les humains peuvent révérer le nom de Dieu, respecter le nom de Dieu en ne le prononçant jamais, en s’efforçant s’ils le prononcent que ce ne soit pas en vain, pour n’importe quelle raison, même s’ils peuvent agir au nom de Dieu, Dieu seul, parce qu’il est Dieu, peut sanctifier son propre nom.
Même si les humains peuvent tenter d’agir pour plus de justice, et peuvent tenter de lutter contre le mal et contre les effets du mal, Dieu seul peut faire advenir son règne.
Même si les humains peuvent partager leurs richesses, le pain et la parole qui édifie et qui console, Dieu seul sait ce qui est essentiel ; et cet essentiel, Lui seul peut le donner, et cela ne peut être reçu que de Lui, un jour après l’autre, comme la vie.
Les humains peuvent effectivement délier de leurs dettes ceux de leurs semblables qui sont leurs obligés, et ce faisant les considérer  comme frères, comme égaux, et non pas comme inférieurs ; mais la justification du pécheur n’appartient qu’à Dieu seul : Dieu seul peut remettre aux humains leurs péchés.
Il est important que ceux qui croient en Dieu restent toujours serviteurs de Dieu. La tentation, la tentation par excellence, c’est pour les croyants de s’imaginer que Dieu est leur serviteur ; c’est imaginer que Dieu leur doit quelque chose parce qu’ils ont convenablement prié, ou parce que c’est écrit dans la Bible. La tentation est là, toujours, qui menace la foi. Et bien Dieu seul peut guider les chemins de ceux qui croient, les éclairer, les redresser, et faire en sorte qu’en dépit des faiblesses des croyants, ceux-ci ne soient pas conduits au cœur de la tentation, là où ils ne peuvent que céder…
Dieu seul est donc bien formellement l’unique  destinataire de la prière que Jésus propose à ses disciples, et Lui seul est en mesure de l’exaucer.
Formellement, tout va bien. Mais on ne peut pas se contenter du formalisme. Jésus ne donne pas seulement à ses disciples une prière particulière. Il leur donne aussi un enseignement, parce que toute prière particulière, même formellement parfaite, peut être salie, voire trahie, par l’utilisation qui en est faite.
Dans quel état d’esprit prie-t-on ? Et que va-t-on recevoir, reconnaître, accepter, ou pas… comme exaucement de cette prière ?
La petite parabole que Jésus raconte à cette occasion a pour but de faire réfléchir sur les conditions de la demande et sur l’exaucement de la prière. Un impudent vient clamer en pleine nuit qu’il a sans délai besoin de trois pains. Certes l’hospitalité est sacrée en Orient. Et elle a une dimension collective, parce qu’elle est sacrée. Mais cela ne peut justifier l’imprévoyance, et moins encore l’impudence. Un engagement individuel conséquent est exigible. Même si, finalement, quelqu’un se lève pour donner ces trois pains, l’impudent a failli. Et ce n’est pas de trois pains seulement dont il a besoin ; rien dans la parabole ne signale qu’il va recevoir ces trois pains, ou pas, ou tout autre chose. Il recevra ce dont il a besoin. C’est que Dieu n’est pas un domestique qu’on sonne lorsqu’une envie nous prend. Dieu exauce, il n’en faut pas douter. Mais il est Dieu et, lorsqu’on prie, c’est à Lui qu’il faut s’en remettre. Comment et quand exaucera-t-il ?
A quiconque demande à Dieu, il sera donné. Mais peut-être pas ce qui était demandé, peut-être tout autre chose. Mais reste à savoir si celui qui demande reconnaîtra ensuite ce qu’il aura reçu comme un don de Dieu.
Ainsi aussi quiconque cherche vraiment, dans la Bible, dans la prière et dans la foi, non pas exige confirmation de ce qu’il prétend savoir… quiconque cherche vraiment et s’adresse à Dieu, trouvera. Mais reste à savoir s’il reconnaîtra comme réponse de Dieu ce qu’il aura trouvé.
Quant à celui qui frappe à une porte qu’il ne peut ouvrir lui-même, elle lui sera ouverte. Mais il ne sait pas quel chemin aura été dessiné par Dieu pour lui derrière cette porte. Et reste donc à savoir s’il franchira cette porte et prendra ce chemin.

En plus de la prière qu’il recommande, Jésus donne tout cet enseignement. Et cet enseignement invite ceux qui prient à bien disposer leurs cœurs, de sorte que leur prière soit bien une prière adressée à Dieu, et de sorte qu’ils reconnaissent comme exaucement de leur prière tout ce qui adviendra.
 Mais ceux qui prient – nous autres qui prions – peuvent-ils disposer ainsi leurs cœurs ? Peuvent-ils, sans l’aide de Dieu, aller jusqu’au bout d’un travail de purification de soi, de mise à disposition de soi et d’ouverture ? Demander à Dieu qu’il donne l’Esprit Saint c’est reconnaître que, sans l’aide de Dieu, nous ne pouvons pas, par nos propres forces, faire que notre prière soit une prière purement adressée à Dieu et reconnue comme exaucée par Lui. Prier comme Jésus l’enseigne, cela exige une transformation de nos personnes. Nous pouvons certes travailler à cette transformation, par notre méditation, par notre engagement, par notre effort d’ouverture. Mais il nous faut aussi laisser cette transformation advenir en nous.
Que recevrons-nous ? Où cela nous mènera-t-il ? Les disciples ne savaient pas où cela les mènerait. Lorsqu’effectivement ils ont reçu l’Esprit Saint, ils ont dit ce qu’ils n’avaient jamais pensé dire, fait ce qu’ils n’avaient jamais pensé faire… Et vécu comme jamais ils n’avaient pensé vivre.
Nous aspirons à être disciples du Christ. Alors, demandons par-dessus tout à Dieu qu’il nous donne l’Esprit Saint. Et laissons-nous transformer par Lui. Amen