dimanche 23 novembre 2014

le prix de ce qu'on ajoute à la grâce (Juges 11,29-39)

Juges 11
29 L'esprit du SEIGNEUR fut sur Jephté. Jephté passa par le Galaad et Manassé, puis par Miçpé-de-Galaad, et de Miçpé-de-Galaad il franchit la frontière des fils d'Ammon.
30 Jephté fit un voeu au SEIGNEUR et dit: «Si tu me donnes pour de vrai les fils d'Ammon,
31 quiconque sortira des portes de ma maison à ma rencontre quand je reviendrai sain et sauf de chez les fils d'Ammon, celui-là sera au SEIGNEUR, et je l'offrirai en holocauste. »
32 Jephté franchit la frontière des fils d'Ammon pour leur faire la guerre et le SEIGNEUR les lui donna.
33 Il les battit depuis Aroër jusqu'à proximité de Minnith, soit vingt villes, et jusqu'à Avel-Keramim. Ce fut une très grande défaite ; ainsi les fils d'Ammon furent abaissés devant les fils d'Israël.
34 Tandis que Jephté revenait vers sa maison à Miçpa, voici que sa fille sortit à sa rencontre, dansant et jouant du tambourin. Elle était son unique enfant: il n'avait en dehors d'elle ni fils, ni fille.
35 Dès qu'il la vit, il déchira ses vêtements et dit : « Ah ! ma fille, tu me plonges dans le désespoir ; tu es de ceux qui m'apportent le malheur; et moi j'ai trop parlé devant le SEIGNEUR et je ne puis revenir en arrière.»
36 Et elle lui dit : « Mon père, tu as trop parlé devant le SEIGNEUR ; traite-moi selon la parole sortie de ta bouche puisque le SEIGNEUR a tiré vengeance de tes ennemis, les fils d'Ammon. »
37 Puis elle dit à son père : « Que ceci me soit accordé: laisse-moi seule pendant deux mois pour que j'aille errer dans les montagnes et pleurer sur ma virginité, moi et mes compagnes. »
38 Il lui dit : « Va », et il la laissa partir deux mois ; elle s'en alla, elle et ses compagnes, et elle pleura sur sa virginité dans les montagnes.

39 À la fin des deux mois elle revint chez son père, et il accomplit sur elle le vœu qu'il avait prononcé.

Prédication
L’Esprit du Seigneur fut sur Jephté, lisons-nous au commencement des versets que nous avons lus. L’Esprit du Seigneur fut sur celui que le Seigneur choisit ; qu’y avait-il de plus à souhaiter ? Et que souhaiter de plus, pour soi-même, que l’Esprit du Seigneur soit sur soi ?

Il faut nous rappeler qui est Jephté. Jephté, c’est un bâtard, le fils d’une prostituée. Et ses frères, les légitimes, l’ont chassé pour qu’il n’hérite pas avec eux. Alors Jephté s’est installé ailleurs, et a vécu de rapines, c'est-à-dire, faute de vivre de ce qu’il avait reçu par grâce, il a vécu de ce dont il pouvait s’emparer lui-même.
            Quant à ses frères, ils ont servi d’autres dieux que le Seigneur, c'est-à-dire qu’ils se sont prosterné devant tel dieu parce qu’ils avaient tel besoin. Et puis lorsqu’ils avaient un autre besoin, ou un autre intérêt, ils changeaient de dieu. Et puis lorsqu’ils ont eu épuisé les dieux qu’ils avaient à leur disposition, mais qu’ils avaient encore un besoin, celui de libérer de leurs ennemis, ils se sont tournés vers le Seigneur, qu’ils ont servi comme tout autre dieu. C’est que l’invocation du nom du Seigneur ne suffit pas à faire la différence entre les idolâtres et les autres… encore faut-il assumer cette invocation en agissant de manière appropriée et conséquente… Invoquer le nom du Seigneur et refuser de marcher par la foi, c’est idolâtrie.
Or, aucun des fils légitimes n’acceptait de se lever et d’aller combattre. C'est-à-dire que les frères de Jephté certes invoquaient le nom du Seigneur, mais aucun d’entre eux ne voulait de la grâce du Seigneur, aucun d’entre eux ne voulait marcher par la foi. Ils allèrent chercher le bâtard. Et le bâtard, Jephté, vit sans doute là le moyen d’une revanche, ou au moins le moyen de revenir. Lisons plutôt : « 8 Les anciens du Galaad dirent à Jephté : « Si maintenant nous sommes revenus vers toi, c'est pour que tu reviennes avec nous, que tu combattes les fils d'Ammon et que tu sois notre prince, celui de tous les habitants du Galaad.» 9 Jephté dit aux anciens du Galaad : « Si vous me faites revenir pour combattre les fils d'Ammon et que le Seigneur les livre devant moi, alors c'est moi qui serai votre prince. »

         Repérons bien comment ils se parlent : ils se parlent en « si… alors… ». Le propre des idolâtres, c’est qu’ils parlent en « si… alors… », tant à leurs semblables qu’à leurs dieux, et qu’ils font ainsi peser le poids de leurs engagements sur leurs semblables et sur leurs dieux. D’un idolâtre on n’est jamais que l’objet du désir, l’esclave, ou le déchet. Et il n’y a là ni grâce, ni foi.

        Les fils légitimes et le bâtard concluent leur marché et, après qu’une ambassade auprès des ennemis ait échoué, ce fut la guerre. Comme nous l’avons lu, l’Esprit du Seigneur fut sur Jephté. Jephté n’est pas David… et le Seigneur reste libre toujours d’envoyer son Esprit sur qui il veut, même sur un bâtard, même sur un idolâtre… Prenons au pied de la lettre cette expression : l’Esprit du Seigneur fut sur Jephté, Jephté part donc à la bataille avec sur lui l’Esprit du Seigneur. De quoi d’autre aurait-il besoin ? Que faut-il de plus que l’Esprit du Seigneur pour aller à la bataille ? La grâce que le Seigneur fait à Jephté ne lui suffit-elle pas ? Et ne lui suffit-il pas, à Jephté, de marcher par la  foi ? Non.

          Jephté, même ayant sur lui l’Esprit du Seigneur, même porté par la grâce du Seigneur, demeure ce qu’il est, un homme qui dit « si… alors… ». Et viennent ces phrases terribles : « Si tu me donnes pour de vrai les fils d'Ammon, 31 quiconque sortira des portes de ma maison à ma rencontre quand je reviendrai sain et sauf de chez les fils d'Ammon, celui-là sera au Seigneur, et je l'offrirai en holocauste. » L’engagement de Jephté au service du Seigneur comporte un arrêt de mort pour tel de ses semblables. Pourquoi ?

Grâce lui est faite, mais Jephté ne marche pas par la foi. Il en rajoute à la grâce comme si tout n’était pas grâce lorsque Dieu vous choisit. Et qui paye alors le prix le plus fort ? Pas Jephté, pour qui le prix de ce qu’il ajoute à la grâce est déjà terrifiant. La fille de Jephté paye de sa vie le prix de la condition que son père a ajoutée à la seule grâce du Seigneur. Ce qu’on ajoute à la grâce est à payer d’un prix inutile… et, le plus souvent, c’est à autrui qu’on fait payer le prix le plus fort.

Si bien que, pour finir, la leçon de l’histoire de Jephté, c’est qu’il n’y a pas d’autre légitimité que celle de la grâce, pas d’autre voie vivifiante que celle de la foi : croire, un point c’est tout, marcher par la foi, sans condition aucune, sans rien faire peser sur aucun de nos semblables. Car, si le Seigneur nous fait grâce, pourquoi ne ferait-il pas grâce à d’autres que nous ?