samedi 10 mai 2014

La terre de la promesse (Genèse 15,7-21)

Genèse 15
7 Il lui dit: «C'est moi le SEIGNEUR qui t'ai fait sortir d'Our des Chaldéens pour te donner ce pays en possession.» -
8 «Seigneur DIEU, répondit-il, comment saurai-je que je le posséderai?»
9 Il lui dit: «Procure-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et un pigeonneau.»
10 Abram lui procura tous ces animaux, les partagea par le milieu et plaça chaque partie en face de l'autre; il ne partagea pas les oiseaux.
11 Des rapaces fondirent sur les cadavres, mais Abram les chassa.
12 Au coucher du soleil, une torpeur saisit Abram. Voici qu'une terreur et une épaisse ténèbre tombèrent sur lui.
13 Il dit à Abram: «Sache bien que ta descendance résidera dans un pays qu'elle ne possédera pas. On en fera des esclaves, qu'on opprimera pendant quatre cents ans.
14 Je serai juge aussi de la nation qu'ils serviront, ils sortiront alors avec de grands biens.
15 Toi, en paix, tu rejoindras tes pères et tu seras enseveli après une heureuse vieillesse.
16 À la quatrième génération, ta descendance reviendra ici car l'iniquité de l'Amorite n'a pas atteint son comble.»
17 Le soleil se coucha, et dans l'obscurité voici qu'un four fumant et une torche de feu passèrent entre les morceaux.
18 En ce jour, le SEIGNEUR conclut une alliance avec Abram en ces termes: «C'est à ta descendance que je donne ce pays, du fleuve d'Égypte au grand fleuve, le fleuve Euphrate -
19 les Qénites, les Qenizzites, les Qadmonites,
20 les Hittites, les Perizzites, les Refaïtes,
21 les Amorites, les Cananéens, les Guirgashites et les Jébusites.

Méditation :

1. sur la terre promise
            Une lecture simplement géographique de ce texte nous amène à repérer que la définition de la terre promise est pour le moins une définition complexe. Simplement le lieu où Abram se tient, c’est le premier lieu, le lieu où il est, une notion simple, là où mon regard porte, là où paissent mes troupeaux.
            Mais la définition de cette terre peut être aussi une définition beaucoup plus large, politique en quelque manière, puisque, dans la fin de l’extrait, cette terre englobe tout le Proche Orient plus au moins la Basse Egypte.
            Et il se trouve des gens aujourd’hui encore en Israël pour réclamer un extension de l’Etat – au titre de la Bible – qui corresponde à cette vision politique mais aussi religieuse. Le Seigneur me l’a donné, c’est à moi, c’est chez moi. Affirmation qui ouvre toutes grandes les portes de la répression, de l’exclusion, voire de l’extermination.

2. la terre promise, est-ce chez moi ?
            Le problème d’une terre promise ainsi envisagée c’est que ça ne laisse guère de place à autrui, ni d’ailleurs à aucune promesse. La terre promise est, si l’on veut bien l’entendre, la terre toujours promise, ou la terre de la promesse. Ce que le texte – complexe – que nous méditons énonce ainsi : « Sache bien que ta descendance résidera dans un pays qu'elle ne possédera pas. »
[יָדֹ֙עַ תֵּדַ֜ע כִּי־גֵ֣ר יִהְיֶ֣ה זַרְעֲךָ֗ בְּאֶ֙רֶץ֙ לֹ֣א לָהֶ֔ם]
            Immédiatement après on vous évoque l’Egypte puis l’Exode… mais c’est déjà une interprétation. Sache et sache bien que ta descendance sera [גֵ֣ר] étrangère – ou convertie – ou nouvelle venue – ou habitant temporairement – ou n’ayant pas de droits – dans une terre (qui n’est) pas la sienne, ni maintenant, ni jamais.
            Ce qui a pour conséquence que si je suis – politiquement – religieusement – juridiquement – chez moi, sur ma terre promise, cette terre promise et par là la promesse elle-même qui me concerne doit aussi concerner ceux qui passent, ou qui sont différents. Le chez moi de la terre promise ne peut être terre de la promesse que s’il est aussi un chez toi.

3.  la manière de se tenir
            Ce qui caractérise donc l’habitant de la terre promise c’est qu’il habite d’avantage la promesse que la terre.
Ça n’est pas vrai seulement en judaïsme, ces choses-là, aussi loin que nous sommes lourdement héritiers de cette promesse. Devenir chrétien ainsi n’est pas défendre un territoire ni une doctrine, mais faire entendre la promesse, et la donner à vivre.
Ainsi j’envisage l’Eglise comme terre promise des chrétiens, terre d’accueil. Je n’en suis pas propriétaire. Ainsi je considère l’Ecriture Sainte comme terre promise. Je n’en suis ni propriétaire, ni dispensateur, ni défenseur.
Je n’y suis chez moi que pour autant que je travaille à l’accueil de celui qui ne fait que passer, à l’accueil de celui que je ne connais pas, qui est différent…

Tout le reste est de trop.