samedi 25 janvier 2025

Pour un verset de plus (Luc 1,1-4 & 4,14-21 ; 1Corinthiens 12,12-30 ; Néhémie 8,1-11)

Luc 1

1 Puisque beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements accomplis parmi nous,

 2 d'après ce que nous ont transmis ceux qui furent dès le début témoins oculaires et qui sont devenus serviteurs de la parole,

 3 il m'a paru bon, à moi aussi, après m'être soigneusement informé de tout à partir des origines, d'en écrire pour toi un récit ordonné, très honorable Théophile,

 4 afin que tu puisses constater la solidité des enseignements que tu as reçus.

 

 Luc 4

14 Alors Jésus, avec la puissance de l'Esprit, revint en Galilée, et sa renommée se répandit dans toute la région.

 15 Il enseignait dans leurs synagogues et tous disaient sa gloire.

 16 Il vint à Nazara où il avait été élevé. Il entra suivant sa coutume le jour du sabbat dans la synagogue, et il se leva pour faire la lecture.

 17 On lui donna le livre du prophète Esaïe, et en le déroulant il trouva le passage où il était écrit:

 18 L'Esprit du Seigneur est sur moi parce qu'il m'a conféré l'onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté,

 19 proclamer une année d'accueil par le Seigneur.

 20 Il roula le livre, le rendit au servant et s'assit; tous dans la synagogue avaient les yeux fixés sur lui.

 21 Alors il commença à leur dire: «Aujourd'hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l'entendez.»

 

1 Corinthiens 12

12 En effet, prenons une comparaison: le corps est un, et pourtant il a plusieurs membres; mais tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps: il en est de même du Christ.

 13 Car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et nous avons tous été abreuvés d'un seul Esprit.

 14 Le corps, en effet, ne se compose pas d'un seul membre, mais de plusieurs.

 15 Si le pied disait: «Comme je ne suis pas une main, je ne fais pas partie du corps», cesserait-il pour autant d'appartenir au corps?

 16 Si l'oreille disait: «Comme je ne suis pas un oeil, je ne fais pas partie du corps», cesserait-elle pour autant d'appartenir au corps?

 17 Si le corps entier était oeil, où serait l'ouïe? Si tout était oreille, où serait l'odorat?

 18 Mais Dieu a disposé dans le corps chacun des membres, selon sa volonté.

 19 Si l'ensemble était un seul membre, où serait le corps?

 20 Il y a donc plusieurs membres, mais un seul corps.

 21 L'oeil ne peut pas dire à la main: «Je n'ai pas besoin de toi», ni la tête dire aux pieds: «Je n'ai pas besoin de vous.»

 22 Bien plus, même les membres du corps qui paraissent les plus faibles sont nécessaires,

 23 et ceux que nous tenons pour les moins honorables, c'est à eux que nous faisons le plus d'honneur. Moins ils sont décents, plus décemment nous les traitons:

 24 ceux qui sont décents n'ont pas besoin de ces égards. Mais Dieu a composé le corps en donnant plus d'honneur à ce qui en manque,

 25 afin qu'il n'y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient un commun souci les uns des autres.

 26 Si un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance; si un membre est glorifié, tous les membres partagent sa joie.

 27 Or vous êtes le corps de Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part.

 28 Et ceux que Dieu a disposés dans l'Église sont, premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement des hommes chargés de l'enseignement; vient ensuite le don des miracles, puis de guérison, d'assistance, de direction, et le don de parler en langues.

 29 Tous sont-ils apôtres? Tous prophètes? Tous enseignent-ils? Tous font-ils des miracles?

 30 Tous ont-ils le don de guérison? Tous parlent-ils en langues? Tous interprètent-ils?

 

Néhémie 8

1Tout le peuple, comme un seul homme, se rassembla sur la place qui est devant la porte des Eaux, et ils dirent à Esdras, le scribe, d'apporter le livre de la Loi de Moïse que le SEIGNEUR avait prescrite à Israël.

 2 Le prêtre Esdras apporta la Loi devant l'assemblée, où se trouvaient les hommes, les femmes et tous ceux qui étaient à même de comprendre ce qu'on entendait. C'était le premier jour du septième mois.

 3 Il lut dans le livre, sur la place qui est devant la porte des Eaux, depuis l'aube jusqu'au milieu de la journée, en face des hommes, des femmes et de ceux qui pouvaient comprendre. Les oreilles de tout le peuple étaient attentives au livre de la Loi.

 4 Le scribe Esdras était debout sur une tribune de bois qu'on avait faite pour la circonstance, et à côté de lui se tenaient Mattitya, Shèma, Anaya, Ouriya, Hilqiya et Maaséya à sa droite, et à sa gauche: Pedaya, Mishaël, Malkiya, Hashoum, Hashbaddana, Zekarya, Meshoullam.

 5 Esdras ouvrit le livre aux yeux de tout le peuple, car il était au-dessus de tout le peuple, et lorsqu'il l'ouvrit tout le peuple se tint debout.

 6 Et Esdras bénit le SEIGNEUR, le grand Dieu, et tout le peuple répondit: «Amen! Amen!» en levant les mains. Puis ils s'inclinèrent et se prosternèrent devant le SEIGNEUR, le visage contre terre.

 7 Yéshoua, Bani, Shérévya, Yamîn, Aqqouv, Shabtaï, Hodiya, Maaséya, Qelita, Azarya, Yozavad, Hanân, Pelaya - les lévites - expliquaient la Loi au peuple, et le peuple restait debout sur place.

 8 Ils lisaient dans le livre de la Loi de Dieu, de manière distincte, en en donnant le sens, et ils faisaient comprendre ce qui était lu.

 9 Alors Néhémie le gouverneur, Esdras le prêtre-scribe et les lévites qui donnaient les explications au peuple dirent à tout le peuple: «Ce jour-ci est consacré au SEIGNEUR votre Dieu. Ne soyez pas dans le deuil et ne pleurez pas!» - car tout le peuple pleurait en entendant les paroles de la Loi.

 10 Il leur dit: «Allez, mangez de bons plats, buvez d'excellentes boissons, et faites porter des portions à celui qui n'a rien pu préparer, car ce jour-ci est consacré à notre Seigneur. Ne soyez pas dans la peine, car la joie du SEIGNEUR, voilà votre force!»

 11 Et les lévites calmaient tout le peuple en disant: «Faites silence, car ce jour est consacré. Ne soyez pas dans la peine!»


Prédication : 

            Ainsi donc, pour reprendre l’évangile de ce jour, nous pouvons rappeler ce qu’il se passe quelques versets – quelques instants plus tard – lorsque Jésus aura fini son discours, discours dans lequel il aura dit ; « Aujourd’hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l’entendez » Une phrase qui recueille notre assentiment, oui, qu’il s’agisse de la parole du prophète Esaïe ou de bien d’autres paroles bibliques, Jésus les accomplit consciemment, moyen de notre élection et de notre conversion. Mais quelques versets plus loin, à cause de son discours, provocation, propos d’un prédicateur débutant, d’un tout nouveau converti, Jésus va manquer d’être lynché par les habitants de Nazareth, son propre pays. Il y a un grand écart, n’est-ce pas, entre ces deux moments d’un même épisode, une grande contradiction qui appelle à une réflexion radicale… Pour un ou deux versets de plus ou de moins, nous passons à côté d’elle sans la voir.

 

            Je voudrais, dans cette même réflexion, et sous la même plume que Luc, que nous nous déplacions vers les Actes des Apôtres pour lire un seul verset – d’autres verset seront rendus de mémoire : « mais personne d’autre n’osait s’agréger à eux. » Actes 5,13) Il s’agit de l’Eglise dite primitive, qui se trouve donc être en panne, après que deux paroissiens pas beaucoup plus gravement pécheurs que d’autres, aient été foudroyés par des puissances célestes, pour une histoire de fric, puissances célestes déchaînées par l’Apôtre Pierre lui-même qui, dans cette affaire, est le digne successeur d’un certain Elie, Prophète. L’Eglise donc est en panne, alors même que, dans les chapitres précédents, il en est fait un portrait rayonnant. Pour arriver dans l’impasse ? Pierre, Apôtre débutant, chef d’Eglise encore plus débutant… gonflé de sa propre puissance ? peut-être bien. Si l’on y consent, il devient urgent de relire le début des Actes, au moins… et pas que. Je partage avec vous que ce seul verset a été pour moi l’occasion d’une sorte de renouveau de la lecture de la Bible. Sur la base d’une maxime toute simple : lire un verset de plus.

 

            Ces premières choses ayant été dites, il nous est suggéré de lire Néhémie, à cet endroit tellement extraordinaire qui est la réception par le peuple de la Loi de Moïse, sous la direction du Scribe Esdras, accompagné par un nombre connu de gens connus. D’abord, réjouissons-nous, car nous avons là un péplum biblique, comme au cinéma, et il n’y en a pas tant que ça dans la Bible. Ensuite, demandons-nous qui sont ces gens dont les noms sont connus ? La joie de Dieu qui est notre force peut nous laisser oublier que si ces gens-là sont ainsi mis en avant, d’autre ont purement et simplement disparu du paysage. Quelques versets plus loin, il est question de savoir qui sera légitimement interprète des Saintes Écritures : ceux qui sont rentrés de l’exil, ou ceux qui, n’ayant pas été déportés, ont vaille que vaille continué à célébrer un culte à Dieu, à Jérusalem, sur les ruines du premier Temple ? Qui donc est légitime, avec ou sans l’exil ? La joie de cette réception du Saint Livre pèse son poids d’exclusion. Car ceux qui n’avaient pas été exilés ont été évincés par les revenants. Ils ont été chassés, avec leurs femmes, prétendument étrangères, et leurs enfants. Mais s’ils les chassaient eux-mêmes – leurs femmes et leurs enfants – et certains l’ont fait – ils redevenaient légitimes et reprenaient le service sacré…

            Ainsi, le prix de la joie de Dieu (Néhémie 8,10), à quelques versets près, c’est la prétention exclusive à être seul autorisé à célébrer Dieu, à lire et à interpréter le Livre de la Loi de Moïse, étendrons-nous cela à notre époque ? Au Nouveau Testament…disons la Bible, l’Evangile… Question de légitimité, pour quelques versets de plus.

 

            Première épître de Paul aux Corinthiens. Un verset de plus ? Le fragment qui nous en est proposé est la longue allégorie de l’Eglise et du corps, que nous connaissons presque par cœur. Et avec laquelle nous pouvons amicalement jouer, qui est quoi, et avec laquelle, peut-être, nous pouvons peut-être opérer certains discernements. C’est un beau texte, et Paul a certainement profondément réfléchi pour arriver à cela. Peut-être même qu’une certaine mise en œuvre a été possible à Corinthe. En tout cas, le fragment que nous lisons le laisse à penser, sauf qu’il se finit par une très étrange rafale de questions "29Tous sont-ils apôtres? Tous prophètes? Tous enseignent-ils? Tous font-ils des miracles? 30Tous ont-ils le don de guérison? Tous parlent-ils en langues? Tous interprètent-ils?"

            Quelques versets plus loin, s’ouvre une pièce essentielle, 1 Corinthiens 13, « une voie infiniment supérieure », que vous connaissez. Pourquoi tout ce travail de Paul ? Nous nous en réjouissons mais ces morceaux de textes nous laissent à penser que tout n’allait pas si bien que ça à Corinthe, que tout y allait même fort mal et que cette première épître de Paul n’était pas une caresse spirituel mais plutôt un remède de cheval. Et cette partie diagnostique et médicinale du message s’évanouit si l’on ne lit pas un ou quelques versets de plus.

 

            Luc, Néhémie, Corinthiens, nous avons lu trois fragments de différents livres, en méditant sur cette même idée, qu’il faut lire toujours un peu plus que ce qui nous est proposé par les listes de lecture. Ces listes sont comme tous les autres textes, soumis au principe de libre examen qui fut si important pour la Réforme. Chacun peut librement examiner ce qui entre en lui par les yeux et par les oreilles, examiner, réfléchir, évaluer, et décider... En insistant là-dessus, les Réformateurs ont juste pris acte de l’avènement de l’homme de la modernité, un homme adulte, libre et responsable de ses choix. Ils ont juste aussi pris acte de ce que le texte biblique était autonome et critique de lui-même.

            Revenons à Luc 1, les premiers versets. Les commentateurs, en général, considèrent que les quatre premiers versets de Luc indiquent qu’il a mené une enquête historique afin que les faits soient clairement établis et que, par comparaison avec son texte, tous les autres textes soient validés, ou invalidés, conformément à la vérité ; et que ce cher très honorable Théophile ne se satisfasse pas de propos frelatés. Le dire ainsi ne rend pas justice à la finesse de l’écriture de Luc, en particulier pas à cette dimension critique que nous avons vue émerger dans les Actes. Autrement dit, Luc donne à Théophile, l’amoureux de Dieu – nous sommes tous des Théophile – un outil pour évaluer tout texte, biblique, homilétique, liturgique, tout texte qui entreprend de parler de Dieu… à commencer bien sûr par l’Évangile de Luc. Luc est aussi critique de Luc.

            Et nous nous arrêterons là, sur une maxime théologique : Luc parle de Luc comme Dieu parle de Dieu. Puissent nos lectures et nos vies être irriguées par cette vérité. Et la Bible est un livre de vérité.

            Amen