1 Jésus gagna le mont des Oliviers.
2 Dès le point du jour, il revint au temple et, comme tout
le peuple venait à lui, il s'assit et se mit à enseigner.
3 Les scribes et les Pharisiens amenèrent alors une femme
qu'on avait surprise en adultère et ils la placèrent au milieu du groupe.
4 «Maître, lui dirent-ils, cette femme a été prise en
flagrant délit d'adultère.
5 Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces
femmes-là. Et toi, qu'en dis-tu?»
6 Ils parlaient ainsi dans l'intention de lui tendre un
piège, pour avoir de quoi l'accuser. Mais Jésus, se baissant, se mit à écrire avec son doigt sur le sol.
7 Comme ils continuaient à lui poser des questions, Jésus
se redressa et leur dit: «Que celui d'entre vous qui n'a jamais péché lui jette
la première pierre.»
8 Et s'inclinant à nouveau, il se remit à écrire sur le sol.
9 Après avoir entendu ces paroles, ils se retirèrent l'un
après l'autre, à commencer par les plus âgés, et Jésus resta seul. Comme la
femme était toujours là, au milieu du cercle,
10 Jésus se redressa et lui dit: «Femme, où sont-ils donc?
Personne ne t'a condamnée?»
11 Elle répondit: «Personne, Seigneur», et Jésus lui dit:
«Moi non plus, je ne te condamne pas: va, et désormais ne pèche plus.»
Voici des gens qui, Bible en main,
et parce que c’est écrit dans la Bible,
sont prêts à mettre une femme à mort. C’est écrit dans la Bible et donc il est
permis de le faire, voire obligatoire de le faire. Ils vont le faire, comme si rien
d’autre que ça n’était écrit dans la Bible, ils en ont le droit, voire le devoir,
et rien ne pourra leur être reproché, ni par les humains, ni par Dieu.
Voici donc le chef d’accusation : adultère, un autre homme que son
mari, en flagrant délit. Si c’est en flagrant délit, c’est donc qu’ils étaient
deux. Où est le monsieur ? La question fait sourire… Mais elle est grave. La
Loi prescrit la mise à mort des deux amants, et pas seulement de la femme. Donc,
lorsque les accusateurs demandent la mort de la femme seulement, ça n’est pas
la Loi qu’ils s’apprêtent à appliquer. Ils s’apprêtent juste à assassiner une
femme.
Leur demande aurait-elle été plus légitime s’ils avaient amené la
femme, et l’homme ? Jésus leur répond, et leur aurait répondu :
« Que celui-qui-est-sans-péché lui (ou leur) jette le premier la
pierre. » Il écrit aussi, avec son doigt, dans la poussière. Nous
reviendrons dans quelques instants sur les signes que Jésus traçait dans la
poussière.
Puisque qu’aucune pierre n’a été jetée, c’est que personne n’a pu se
considérer sans péché. Nous savons seulement que ces gens-là, qui connaissent
leur Bible sur le bout des doigts, ne peuvent pas avoir une vie durant observé
toute la Loi. C’est impossible. Ce que nous pouvons dire à coup sûr, rien qu’en
lisant le texte, c’est qu’en entendant la parole de Jésus, adressée à eux
publiquement, ils ont laissé vivre celle qu’ils avaient décidé de tuer. Sans
doute avaient-ils tous péché, telle ou telle fois, et de bien des manières
différentes. Sans doute aussi le public qui était là nombreux savait-il très
bien que ceux qui se donnent eux-mêmes pour les gardiens de la vertu sont ceux qui
la piétinent sans vergogne. Les accusateurs de cette femme sont aussi des
pécheurs, et la femme est donc sauvée.
Mais il y a une question profonde que nous pouvons nous poser. Quel
commandement étaient-ils en train de transgresser, eux, les accusateurs ? Par
exemple, dans le Décalogue (Exode 20), « Tu ne tueras pas. » Et voici
une autre proposition, plus sérieuse encore, « C'est moi le SEIGNEUR, ton Dieu, qui t'ai
fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de servitude : Tu n'auras pas
d'autres dieux face à moi. »
Lorsque Jésus interpelle ceux qui veulent lapider
la femme adultère, il leur pose une question très précise : quel dieu
êtes-vous en train de servir ? Quel dieu servent-ils lorsqu’ils s’avancent
avec leur verset biblique à la main qui leur permet de tuer en toute bonne
conscience et impunément ? Est-ce le Dieu qui fait sortir du pays
d’Egypte, de la maison de servitude ? Celui qui s’avance ainsi, Bible en
main et condamnation à la bouche, est-il serviteur du Dieu libérateur, ou
esclave de ses propres passions ?
Celui qui se sert de cette manière d’un verset
biblique particulier pour justifier des actes de mort, ou de discrimination,
n’a rien à voir avec le Dieu qui fait sortir du pays d’Egypte. Car ça n’est pas
un commandement bien choisi qu’il faut observer personnellement lorsque ça vous
arrange, mais tous les commandements, tout le temps, et à chaque instant, les
commandements les plus restrictifs, les commandements les plus cruels, et les
commandements les plus miséricordieux, ensemble, en même temps ! Et qui est, et qui sera le juge de cette
observance ? Celui qui parle dans le Décalogue est juge, et lui seul.
Ainsi donc, Jésus leur rappelle en quelques mots
la totalité de la Loi. Reprenons, d’ailleurs, et dans une traduction plus
juste, le commencement du Décalogue. « C'est moi le SEIGNEUR, ton Dieu,
qui te fais (passé, présent, futur) sortir du pays d'Égypte. » Je t’en ai
fait sortir hier, je t’en fais sortir aujourd’hui, et je t’en ferai sortir
aussi demain. Car la maison des esclaves, la maison des esclavages, ça n’est
pas là seulement d’où tu viens, mais c’est là où tu es. Tu n'auras pas d'autres
dieux face à moi. Or tu as bien d’autres dieux, à commencer par cette Bible
dont tu choisis si opportunément les versets.
Jésus donc leur rappelle cela. Et il le leur
rappelle tout autant en écrivant sur le sol. J’imagine que, dans la poussière
du sol, il écrit le commencement des dix commandements. Comme pour leur
dire : ce texte, cette parole fondatrice, parole d’amour, vous foulez aux
pieds, sans plus d’égards pour lui que pour de la poussière…
Et ceci concerne tous ceux qui sont présents. Et
Jésus de leur rappeler le sens de ce premier commandement : la vie, et non
pas la mort, la liberté, et non pas l’aliénation. Il les renvoie tous, et elle,
il la renvoie vivante parce que c’est des vivants que le Seigneur libère. Il la
renvoie libre pour qu’elle reste libre.
Quelle suite à cette histoire ? Et pour les
accusateurs, et pour la femme, nous n’en savons rien.
Pour nous autres lecteurs, pour nous autres
auditeurs de la prédication chrétienne, une grande prudence dans la lecture de
nos textes, et une grande miséricorde à l’égard des personnes.
Que nos lectures, nos réflexions, nos paroles et
nos actes soient éclairés par cette miséricorde. Amen