Genèse 3
9 Le SEIGNEUR Dieu appela l'homme et lui dit: «Où
es-tu?»
10 Il répondit: «J'ai entendu ta
voix dans le jardin, j'ai pris peur car j'étais nu, et je me suis caché.» -
11 «Qui t'a révélé, dit-il, que tu
étais nu? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais prescrit de ne pas
manger?»
12 L'homme répondit: «La femme que
tu as mise auprès de moi, c'est elle qui m'a donné du fruit de l'arbre, et j'en
ai mangé.»
13 Le SEIGNEUR Dieu dit à la femme:
«Qu'as-tu fait là?» La femme répondit: «Le serpent m'a trompée et j'ai mangé.»
14 Le SEIGNEUR Dieu dit au serpent:
«Parce que tu as fait cela, tu seras maudit entre tous les bestiaux et toutes
les bêtes des champs; tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la
poussière tous les jours de ta vie.
15 Je mettrai l'hostilité entre toi
et la femme, entre ta descendance et sa descendance. Celle-ci te meurtrira à la
tête et toi, tu la meurtriras au talon.»
Marc 3
20 Jésus vient à la maison, et de nouveau la foule
se rassemble, à tel point qu'ils ne pouvaient même pas prendre leur repas.
21 À cette nouvelle, les gens de sa
parenté vinrent pour s'emparer de lui. Car ils disaient: «Il a perdu la tête.»
22 Et les scribes qui étaient
descendus de Jérusalem disaient: «Il a Béelzéboul en lui» et: «C'est par le
chef des démons qu'il chasse les démons.»
23 Il les fit venir et il leur disait
en paraboles: «Comment Satan peut-il expulser Satan?
24 Si un royaume est divisé contre
lui-même, ce royaume ne peut se maintenir.
25 Si une famille est divisée
contre elle-même, cette famille ne pourra pas tenir.
26 Et si Satan s'est dressé contre lui-même
et s'il est divisé, il ne peut pas tenir, c'en est fini de lui.
27 Mais personne ne peut entrer
dans la maison de l'homme fort et piller ses biens, s'il n'a d'abord ligoté
l'homme fort; alors il pillera sa maison.
28 En vérité, je vous déclare que
tout sera pardonné aux fils des hommes, les péchés et les blasphèmes aussi
nombreux qu'ils en auront proféré.
29 Mais si quelqu'un blasphème
contre l'Esprit Saint, il reste sans pardon à jamais: il est coupable de péché
pour toujours.»
30 Cela parce qu'ils disaient: «Il
a un esprit impur.»
31 Arrivent sa mère et ses frères.
Restant dehors, ils le firent appeler.
32 La foule était assise autour de
lui. On lui dit: «Voici que ta mère et tes frères sont dehors; ils te
cherchent.»
33 Il leur répond: «Qui sont ma
mère et mes frères?»
34 Et, parcourant du regard ceux
qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit: «Voici ma mère et mes
frères.
35 Quiconque fait la volonté de
Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère.»
Prédication :
Je voudrais commencer cette
prédication en vous demandant ceci : ces verset de Marc, que nous venons
de lire, quel effet vous ont-il fait ? Ah… fallait-il qu’ils vous fassent
tel effet, ou tel autre ? Et pourquoi aussi une question aussi
indiscrète ? Vous pouvez, évidemment, garder le silence.
En tout cas, ces versets eurent sur
moi – jadis – un certain effet. Le nom de cet effet c’est la peur. Les contours
du péché contre le Saint-Esprit étaient mal cernés. Il faut dire que quelqu’un
les déterminait pour nous – un petit groupe d’adolescents – le quelqu’un
usait de ses définitions, et aussi de
l’unique sanction possible, la mort, pour calmer nos enthousiasmes ; il nous
ramenait à tout propos vers un certain chemin qui nous mènerait direct à
l’éternelle félicité, à moins que nous ne persistions dans nos fautes qu’il connaissait.
Et alors, le châtiment promis éternel nous serait destiné. Je me souviens donc
de leçons d’école du dimanche sur le blasphème contre le Saint-Esprit, leçons
qui, au niveau catéchisme, prenaient une certaine ampleur, avec des travaux
pratiques de prière – je vous laisse imaginer l’allure que ça pouvait prendre,
et les effets que cela pouvait avoir.
Par deux fois dans ma vie j’ai rencontré
de telles personnes. Ces personnes sont rares. J’ai rencontré aussi de belles
personnes, qui m’ont ramené vers Dieu et vers l’Église. Mais que de violence,
et pourquoi cette violence ? Elle est juste là, c'est-à-dire dans la
Bible, et peut-être est elle aussi dans les cœurs. Est-ce fatal ? Est-ce inguérissable ?
Posons-nous quelques questions. Puisque
nous méditons sur un texte de l’évangile, y a-t-il de la place pour ça dans
l’évangile ? Y a-t-il de la place dans les Écritures pour des propos aussi
définitifs, pour des jugements sans nuances, et des condamnations
extrêmes ? Exemple : évangile de Marc.
Ces catalogues de malédictions sont
là dans le texte de Marc, et il y a d’autres catalogues – bien plus nourris
encore – dans Matthieu, et dans Luc. En somme, les trois premiers évangiles
portent des vérités qui semblent ne pouvoir être dites que sur le mode des
invectives et des condamnations – mais n’oubliez pas de relire Lévitique 20 au
moins jusqu’au verset 18, et en marquant une pause en 7 et 8. Ces deux versets,
7 et 8, sont une clé de lecture, ils sont une lumière sur nos chemins. Les
revoici : « 7 Sanctifiez-vous donc pour être saints, car c'est moi, le
SEIGNEUR, votre Dieu. 8 Gardez mes lois et mettez-les en pratique.
C'est moi, le Seigneur, qui vous sanctifie. » Ces deux versets sont un
baume sur l’aridité de certains de nos chemins, un baume aussi sur l’aridité de
certaines pages de la Bible. C’est ici que, si l’on peut dire, que la Bible enseigne
la lecture de la Bible, en Marc 3, nous l’avons déjà signalé, mais aussi en
Lévitique 20, mais aussi en Actes 2, en Genèse 3 que nous venons juste
d’effleurer. Bien d’autres encore… comme si la Bible toute entière était tout
entière consacrée à un certain travail de prévention d’un durcissement des
cœurs, ou le contraire.
La question que nous
posions il y a un instant, la voici de nouveau : y a-t-il de la place pour
toutes ces violences dans l’évangile – ici de Marc – ? La question peut
être posée au texte lui-même, qui a un statut particulier dans notre tradition.
Nous sommes de tradition chrétienne et dans cette tradition, le texte biblique
est canonique. Mais est-il – il n’est pas – canonique tout entier, ou canonique
par morceaux ? Il n’est pas de plus grande insulte contre le texte
biblique que de le canoniser par morceaux et par intérêt temporaire.
Et nous pouvons ici avoir
une pensée pour les premiers inventeurs de la grotte néandertal de Bruniquel,
qui ont compris que leur découverte était trop grande pour eux, et ils l’ont
simplement mise à l’abri et attendant l’occasion d’une prochaine lecture, plus
recueillie peut-être, mieux équipée, plus humble... Et ainsi pouvons-nous
faire, différer le travail sur l’ensemble jusqu’à de prochaines lectures,
sachant toutefois – il ne faudrait jamais l’oublier – qu’il y a une solidité
d’ensemble, mais qu’elle est constituée de sortes de blocs, quelques versets
par-ci par-là, et ça n’est pas un empilage pourtant. Quoique… est-ce que ça
peut être balayé, par tel ou tel évènement ? La réponse de vérité, c’est
que ça peut tomber ; la réponse d’espérance, c’est qu’il y a toujours un
reste à partir duquel il est possible de reconstruire, à partir du ras du sol –
ou plus profond – reconstruire
s’entendant reconstruire autrement. Ni l’Évangile ni la vie ne reconstruisent
jamais à l’identique.
Et tout ceci portait
plutôt sur la dimension collective de cette expérience. Cette dimension, cette
perception, pourraient être suffisantes pour apaiser nos sanglots et
réalimenter notre joie.
Cependant il reste
quelques versets qui ne traitent pas du collectif mais de l’individuel, et d’une
certaine manière de pécher qui s’appelle blasphémer contre l’Esprit Saint. Appellation
qui dû être ajoutée par tel scribe des temps anciens, qui n’y comprenait rien,
rien qui pourrait être impardonnable, même par le Seigneur. Et l’on mettrait
dans sa bouche des choses si épouvantables ?
Ces horribles paroles
seraient authentiques ? Plus elles sont horribles, plus je les crois
authentiques. Et plus je les crois authentiques plus il me semble qu’elles
doivent être écartées ou lues, les deux fois sans hésitation.
Jusqu’à comprendre que
pécher contre le Saint Esprit c’est – et je dis peut-être – immobiliser
quelqu’un sur son chemin de foi, et parler de ce quelqu’un comme d’une chose,
comme d’un cas, comme d’un Saint Esprit oui-non, alors que la vie chrétienne
est une vie d’action, une vie active nourrie de trois témoignages, celui des
pères, celui des frères, celui des Saintes Écritures, et nourrie aussi de cet
on ne sait quoi, prenant toutes les formes possibles – Luc et les Actes en
parlent d’une manière irremplaçables – ils ne font peut-être rien d’autre… Ils
font !
Ce qui fait lien entre la
volonté de Dieu, le blasphème contre le Saint Esprit, la dimension collective
de la foi et la dimension individuelle – intime – de la foi.
« Quiconque fait la
volonté de Dieu… »
Amen