samedi 8 juillet 2023

Penser, méditer et croire, pour l'homme, et pour Dieu (Matthieu 11,18-30)

Matthieu 11

18 «En effet, Jean est venu, il ne mange ni ne boit, et l'on dit: ‹Il a perdu la tête.›

19 Le Fils de l'homme est venu, il mange, il boit, et l'on dit: ‹Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des collecteurs d'impôts et des pécheurs!› Mais la Sagesse a été reconnue juste d'après ses œuvres.»

 20 Alors il se mit à invectiver contre les villes où avaient eu lieu la plupart de ses miracles, parce qu'elles ne s'étaient pas converties.

 21 «Malheureuse es-tu, Chorazin! Malheureuse es-tu, Bethsaïda! Car si les miracles qui ont eu lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr et à Sidon, il y a longtemps que, sous le sac et la cendre, elles se seraient converties.

 22 Oui, je vous le déclare, au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées avec moins de rigueur que vous.

 23 Et toi, Capharnaüm, seras-tu élevée jusqu'au ciel? Tu descendras jusqu'au séjour des morts! Car si les miracles qui ont eu lieu chez toi avaient eu lieu à Sodome, elle subsisterait encore aujourd'hui.

 24 Aussi bien, je vous le déclare, au jour du jugement, le pays de Sodome sera traité avec moins de rigueur que toi.»

 25 En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit: «Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits.

 26 Oui, Père, c'est ainsi que tu en as disposé dans ta bienveillance.

 27 Tout m'a été remis par mon Père. Nul ne connaît le Fils si ce n'est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler.

 28 «Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos.

 29 Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes.

 30 Oui, mon joug est doux et mon fardeau léger.»                                            

Prédication

            Un peu en dehors des textes qui nous sont proposés aujourd’hui, voici : « Ceux qui sont dans la chair ne peuvent pas plaire à Dieu » (Romains 8,8). Une phrase dont la syntaxe est toute simple, même si elle est de Paul, dans laquelle un certain verbe se trouve qui suggère bien des choses… dont celle-ci : il faut plaire à Dieu. Ce qui nous apprend que Dieu est quelqu’un, ce qui nous apprend aussi que c’est quelqu’un à qui l’on peut plaire. Peut-être même qu’il faut lui plaire afin d’obtenir telle gratification, afin même, peut-être, de continuer à vivre.

            Si nous tenons cela pour acquis, cela suppose  que Dieu a des sentiments changeants, des sentiments changeants selon les performances de ses adorateurs, petits et grands d’ailleurs. Je me souviens ainsi d’un petit garçon qui avait été obligé de jeter à la poubelle ses figurines de super-héros, objets dont le pasteur, et sa maman affirmaient que leur existence contrevenait au commandement de Dieu – qui s’appelle Jéhovah – et qui devaient donc être détruits, par l’enfant, pour plaire à Dieu.

            Et il serait de la nature de Dieu d’avoir des sentiments changeants, sentiments qui changeraient selon les performances de ses adorateurs. Vous avez là la performance et vous avez là son objectif. La performance, vous pouvez en trouver une infinité de variations. Mais l’objectif ne change pas : plaire à Dieu. Et ce qui permet qu’il y ait cet objectif, c’est que Dieu est du genre qui exige qu’on lui plaise.

            C’est un certain étonnement. Dieu serait-il cela ? Dieu serait-il ainsi fait qu’il exigerait que le croyant s’égale à telle image qu’il a lui-même préalablement tracée de lui, Dieu y trouvant un plaisir suffisamment intense pour concevoir le désir de récompenser. Dieu donc ici serait une sorte de Seigneur – un Seigneur de telle époque, nous allons essayer de le dire – et l’adorateur un ilote – un esclave, adorateur de tout en bas et dans l’ignorance même de ce qu’il fait. Voici son adorateur, et voici Dieu dans la représentation que peuvent en donner les écrivains d’une certaine époque. Dieu est-il ainsi ? Il est ainsi à telle époque, lorsque la société a une structure pyramidale, avec un roi tout en haut dont le pouvoir est de droit divin. Antiquité, Empire romain, plus tard saint Empire, Royaume de France, puis telle ou telle secte… Dieu est ainsi, et il charge ses adorateurs de très lourdes charges… nous l’avons déjà dit, et manifeste son humeur avec des bénédictions, ou des malédictions.

            Le verbe plaire est le plus important dans cette première partie de notre méditation, méditation du côté de chez Paul. Mais qu’en sera-t-il du côté de Matthieu ?

            Là où nous avons lu, il semble que ce soit assez différent. Il ne va plus être question d’obéissance, mais d’émerveillement. Dieu est celui qui, dans un monde imparfait, manifeste sa puissance en accomplissant des actes si merveilleux qu’ils suscitent un changement radical de comportement – la conversion – de ceux qui y assistent. Et vous voyez que le salut est alors dans l’émerveillement.

            Mais ce n’est pas tout, car il y a une discussion – sévère – pour savoir – encore des complications – s’il s’agit, en matière de salut, d’éprouver, ou de comprendre. Sur cette question, tout ce que nous avons exploré jusqu’ici se multiplie. Et se multiplie aussi Dieu. Les images de Dieu ? Non. Dieu lui-même.

            Dieu, en un certain esprit, contribue-t-il à la compréhension humaine ? Dieu n’est-il qu’esprit donnant à la pensée humaine une soudaine – ou permanente – illumination ? Dieu, toujours en parlant de Lui comme esprit, suscite-t-il l’illumination qui subjugue l’être humain (dans une autre perspective, celle de plaire, nous avions parlé d’émerveillement – émerveillement n’est pas illumination).

            Toutes ces représentations de Dieu ont pu entrer en collision, parce qu’elles sont lourdement incompatibles les unes avec les autres, parce que l’âme humaine manque parfois de modestie et de compréhension, et parce qu’elle se trompe elle-même sur l’objet de son adoration, ou encore parce qu’il n’y a qu’elle-même au fond qu’elle adore. Y a-t-il alors quelque chose qui puisse lui être proposé – peut-être  même qui puisse lui être opposé (mais attention, lui être opposé sans se détruire elle-même) ?

 

            Dans le 11è chapitre de l’évangile de Matthieu, il vient un moment où l’on parle du Fils de l’homme et quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise, il a toujours tout faux, et où les formes de l’existence divine ne servent finalement qu’à charger les gens de fardeaux trop lourds pour leurs épaules. Il est très intriguant de voir et d’entendre Jésus tenir de ces discours du genre émerveillement-conversion-damnation. Ces discours, nous les avons repérés, et ils sont comme le point de départ de la prédication de Jésus, c’est de là qu’il veut partir. C’est là que ses auditeurs sont ancrés, à ce qu’il semble. Et il semble aussi que Jésus veuille, pour lui-même et pour eux, partir. Mais quoi dire, ou comment faire ?

            Jésus commence à faire. Ses miracles ne produisent rien de durable. C’est que, comme Dieu miraculeux du genre que nous avons déjà vu, Jésus est inopérant. Et c’est alors que, comme ce Dieu-la, il maudit. Mais à la différence de ce Dieu-là, Jésus dépasse le champ de la malédiction, et il poursuit. Alors, de l’échec divin, va émerger une prédication nouvelle. Et j’aime à dire que, dans la forme que prend alors la prédication de Jésus, Dieu renonce à Dieu. Car les affaires de puissance, de grandeur et de beauté ne l’intéressent plus. Elles fabriquent trop de stress, elles exigent trop de la nature humaine. Elles font un héros de celui qui croit, et un paria de celui qui doute, ou ne croit pas. Jésus qui prêchait, ou prêcherait ainsi n’apporterait rien, ni à l’humanité, ni à Dieu.

            Alors Jésus poursuit, approfondit encore son propos en donnant une affirmation d’une audace folle : « Tout m’a été remis par mon Père… ». Entendons bien, la compréhension que Jésus a de sa propre mission, celle qu’en tant qu’homme il se donne à lui-même, lui fait affirmer qu’il n’y a plus, et qu’il n’y aura plus de Dieu des genres que nous avons explorés tout à l’heure. Ces dieux sont définitivement résorbés dans l’humanité, dans l’homme Jésus qui proposera un certain redéploiement de la piété. Ce redéploiement sera désigné par une phrase que je crois bien connue et que nous avons déjà lue aujourd’hui : « Mon joug est doux, et mon fardeau léger. » Le joug, c’est cette sorte de poutre placée sur la tête d’un animal, avec laquelle il peut tirer la charge, et nous devons tirer chacun sa vie. Le joug de Jésus est doux. Et son fardeau léger – le croyant porte le fardeau de Jésus, et non pas le lourd fardeau des faux dieux – Le croyant porte le fardeau léger de Jésus.

            Matthieu 11 ; et même si la croix est l’un des horizons de l’Évangile, le plus lourd des fardeaux possibles, elle va avec la résurrection, le plus léger des fardeaux possibles. Amen

 

            P.S. : et nous gardons pour d’autres sermons d’autres méditations, sur le dieu amour, sur le dieu de la conquête de Canaan, sur le Dieu sagesse, sur le Verbe, sur le dieu pédagogue, le dieu des armées, et le dieu des montagnes pays de Madian…

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