Jean 14
15 «Si vous m'aimez, vous vous appliquerez à
observer mes commandements;
16 moi, je prierai le Père: il vous
donnera un autre Paraclet qui restera avec vous pour toujours.
17 C'est lui l'Esprit de vérité,
celui que le monde est incapable d'accueillir parce qu'il ne le voit pas et
qu'il ne le connaît pas. Vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de
vous et il est en vous.
18 Je ne vous laisserai pas
orphelins, je viens à vous.
19 Encore un peu, et le monde ne me
verra plus; vous, vous me verrez vivant et vous vivrez vous aussi.
20 En ce jour-là, vous connaîtrez
que je suis en mon Père et que vous êtes en moi et moi en vous.
21 Celui qui a mes commandements et
qui les observe, celui-là m'aime: or celui qui m'aime sera aimé de mon Père et,
à mon tour, moi je l'aimerai et je me manifesterai à lui.»
Prédication :
Je me souviens d’une étude biblique à laquelle j’avais assisté… c’était un genre magistral d’étude biblique, c'est-à-dire que la durée, le sujet et l’orateur étaient connus d’avance. On s’asseyait par terre (il n’y avait pas toujours des places sur des chaises) et on écoutait la parole de Monsieur Untel, qui faisait autorité…
Je ne suis pas en mesure de me ressouvenir des sujets de
ces études bibliques, mais ça ne signifie pas forcément qu’elles étaient sans
un contenu nourrissant. J’ai d’ailleurs le sentiment que les gens qui parlaient
du haut de la chaire le faisaient sérieusement et avec du respect pour leur
auditoire ; en fait, j’en ai rencontré des deux sortes, certain avec
respect, d’autres sans respect.
Parmi ces études bibliques, il y en a une qui m’a marqué
plus que les autres. Je ne sais plus sur quoi elle portait. Elle m’a marquée à
cause d’un seul mot, un mot que nous avons effleuré, en passant, dans les
versets de l’évangile de Jean de ce matin. Ce mot, c’est paraclet. C’est un mot
qui n’existe pas trop dans la langue française. Vous le trouvez chez Larousse,
qui en fait un synonyme de Saint Esprit. Paraclet est une traduction du latin paracletus, qui est une traduction du
grec paraclètos. Mais sont-ce des
traductions, lorsque les voyelles glissent et que les consonnes
demeurent ?
Pour commencer, qu’est-ce qu’un paraclètos grec avant que la foi chrétienne ne s’y intéresse ? C’est – étymologie
basique – quelqu’un qui est appelé au côté d’un autre pour son réconfort, pour
sa défense. Il y a là-dedans de l’exhortation, de l’excitation, et aussi
possiblement de la consolation. Cela fait un spectre assez large. Et nous
pouvons nous demander, dans l’évangile de Jean – il est le seul à utiliser le
mot – quel sens choisir. D’où la question : en Jean 14,16 « moi – dit
Jésus à ses disciples – je prierai le Père : il vous donnera un autre
Paraclet qui restera avec vous pour toujours. »
L’extrait est trop court, lisons encore : Si vous
m’aimez, vous vous appliquerez à observer mes commandements… Ce qui rejette les
disciples de Jésus à la condition de tous les serviteurs de Dieu depuis
toujours, vouloir servir ne et pas y parvenir, aimer et espérer garder les
commandements. Situation que notre Seigneur lui-même expérimentera. Et le
disciple papier, le disciple lecteur, quelques millénaire plus tard, est
confronté à sa propre lecture imparfaite, mais il lit, et il aime aussi son
Sauveur. Et donc, et nous lisons, une promesse, une prière, le Paraclet, pour
toujours. A savoir que l’insuffisance perpétuelle du disciple, serait-il le
meilleur d’entre tous, est palliée jour après jour par l’accomplissement de la
promesse, accomplissement qui se nomme Paraclet.
Et nous pouvons ici comprendre pourquoi l’on a appelé
Paraclet cet accomplissement qui peut avoir une dimension spirituelle, mais
aussi une dimension physique. Cette réalité est présente au côté du disciple
pour lui venir en aide, de toutes sortes de manières possibles. Et s’il faut le
dire sans brandir d’étendard religieux, nous dirons que ce qui est en œuvre chaque
mardi dans ces lieux, lorsque 100 repas sont servis à ceux qui se présentent,
sans mérite et sans droits, avec juste un besoin alimentaire, c’est du
Paraclet. Tout autant que ce qui se joue – ce qui se trame – dans les
cérémonies religieuses que nous menons. C’est du Paraclet.
Voilà, nous sommes arrivés à une sorte de point haut
provisoire. Le disciple tâche de vivre des commandements, il s’y emploie sans
vraiment y parvenir. Telle est sa situation. Et c’est dans cette situation
qu’il perçoit ce qu’est l’aide de Dieu, qu’il trouve l’aide de de Dieu, et
qu’il rend grâce à Dieu. Ce qu’on appelle Paraclet.
Mais nous n’avons pas fini. Car, pour s’instant, nous restons
avec le Paraclet, assez bien localisé dans l’évangile de Jean, mais qui est clairement
isolé dans le paysage de la Bible, et isolé dans l’évangile de Jean. Il y a
quatre mentions de lui, et c’est tout. Oui, il apparait, et il disparait. La
fonction qui est la sienne, fonction du Paraclet, semble bien à la fin échoir à
l’Esprit Saint, l’autre s’évanouissant purement et simplement. Mais nous sommes
dans l’évangile de Jean où toutes choses sont étranges, et si les mentions de
l’esprit ne sont pas rares, celles de l’Esprit Saint sont au nombre de quatre,
pas plus, et surtout pas plus nombreuses que celle du Paraclet.
Il y a des gens qui affirment que le Paraclet est l’autre
nom du Saint Esprit, comme Larousse. L’évangéliste lui-même (14,26) essaie
d’assimiler les deux. Et nous pouvons nous demander pourquoi… Et répondons que
ça fait bien trop de monde, que ça fait Père, Fils, Saint Esprit, et Paraclet,
trop de monde rapport à ces trois personnes d’une trinité dont l’Eglise n’a pas
encore totalement accouché, trop de monde tout court, trop d’appellations pour
trop de sortes de dévotions, pour trop de formes possibles de la prière, de
l’enseignement et des chants, sans parler d’autres choses, épreuves corporelles
de la foi. Et si vous ajoutez à cela, par exemple, que chez Paraclet on ne
mange pas de porc pendant que chez Saint Esprit on se refuse à toute
restriction alimentaire, vous avez, au final, un grand bazar duquel rien de bon
ne sort.
Il en sort de la castagne, nous l’avons déjà dit, mais
s’agissant de la Bonne Nouvelle, d’une bonne nouvelle qui se puisse partager,
c’est nada.
Est-ce donc maintenant fini ? Est-ce foutu ? Les
propos rapportés par l’évangéliste – propos du Christ Jésus – vont-ils se
perdre, vont-ils se corrompre ?
Je ne suis pas certain que ce que nous allons dire
maintenant peut être appliqué à tous les livres de la Bible, à savoir que
chaque écrivain biblique tente d’unifier à sa manière les croyants de son
temps. C’est que la notion d’écrivain biblique est une notion qui reste toujours
un peu floue… à huit siècles près parfois, on ne sait pas qui écrit. Difficile
donc de rendre des avis. Mais même toujours
tenter quelque chose, même si c’est pour peu de temps. Tenter par exemple, avec
le Paraclet, qu’il s’agit d’une quatrième – ou cinquième ou plusième – divinité
apparue dans le paysage des piétés Proche Orientale, méritant suffisamment
d’égards pour ne pas devenir un point de rupture et d’affrontement. Ces égards
étant d’ailleurs prodigués aux gens, mais aussi aux dieux.
Et à la fin la piété devient assimilatrice – laquelle des
deux assimile l’autre ? Et l’on répondra, aucune. L’une, l’autre, l’un,
l’autre, confondus dans une commune pratique et une commune adoration.
Sommes-nous par trop optimistes dans cette
conclusion ? Peut-être car, apparemment, dans l’évangile de Jean, la
fusion se fait en faveur de Père et Fils, et aux dépens du Paraclet. Mais ça
n’est qu’en apparence, car, fusion ou pas, le vocabulaire spécifique du
Paraclet demeure et demeure avec lui ce qu’il entend signifier. Pour quelle
raison ? L’évangile de Jean a son thème propre, à partir duquel il
envisage la réception et la diffusion de l’évangile. Il ne s’agit pas de ces
Dieux par morceaux – heureusement résorbés dans leur devenir chair – ni
d’entités spirituelles – devenues chairs elles aussi. Mais de quelque chose que
les humains connaissent et dont ils sont – possiblement capables.
Il s’agit d’amour.
Puisse cela éternellement nous guider.