Jean 10
27 Mes brebis écoutent ma voix, et je les connais,
et elles viennent à ma suite.
28 Et moi, je leur donne la vie
éternelle; elles ne périront jamais et personne ne pourra les arracher de ma
main.
29 Mon Père qui me les a données
est plus grand que tout, et nul n'a le pouvoir d'arracher quelque chose de la
main du Père.
30 Moi et le Père nous sommes un.»
Actes 13 :
14 Quant à eux, quittant Pergé, ils poursuivirent
leur route et arrivèrent à Antioche de Pisidie. Le jour du sabbat, ils
entrèrent dans la synagogue et s'assirent.
15 Après la lecture de la Loi et
des Prophètes, les chefs de la synagogue leur firent dire: «Frères, si vous
avez quelques mots d'exhortation à adresser au peuple, prenez la parole!»
16 Paul alors se leva, fit signe de
la main et dit: «Israélites, et vous qui craignez Dieu, écoutez-moi.
17 Le Dieu de notre peuple d'Israël
a choisi nos pères. Il a fait grandir le peuple pendant son séjour au pays
d'Égypte; puis, à la force du bras, il les en a fait sortir;
18 pendant quarante ans environ, il
les a nourris au désert;
19 ensuite, après avoir exterminé
sept nations au pays de Canaan, il a distribué leur territoire en héritage:
20 tout cela a duré quatre cent cinquante
ans environ. Après quoi, il leur a donné des juges jusqu'au prophète Samuel.
21 Ils ont alors réclamé un roi, et
Dieu leur a donné Saül, fils de Kis, membre de la tribu de Benjamin, qui régna
quarante ans.
22 Après l'avoir déposé, Dieu leur
a suscité David comme roi. C'est à lui qu'il a rendu ce témoignage: ‹J'ai
trouvé David, fils de Jessé, un homme selon mon coeur, qui accomplira toutes
mes volontés.›
23 C'est de sa descendance que
Dieu, selon sa promesse, a fait sortir Jésus, le Sauveur d'Israël.
24 Précédant sa venue, Jean avait
déjà proclamé un baptême de conversion pour tout le peuple d'Israël
25 et, alors qu'il terminait sa
course, il disait: ‹Que supposez-vous que je suis? Je ne le suis pas! Mais
voici que vient après moi quelqu'un dont je ne suis pas digne de délier les
sandales.›
26 «Frères, que vous soyez des fils
de la race d'Abraham ou de ceux, parmi vous, qui craignent Dieu, c'est à nous
que cette parole de salut a été envoyée.
27 La population de Jérusalem et
ses chefs ont méconnu Jésus; et, en le condamnant, ils ont accompli les paroles
des prophètes qu'on lit chaque sabbat.
28 Sans avoir trouvé aucune raison
de le mettre à mort, ils ont demandé à Pilate de le faire périr
29 et, une fois qu'ils ont eu
accompli tout ce qui était écrit à son sujet, ils l'ont descendu du bois et
déposé dans un tombeau.
30 Mais Dieu l'a ressuscité des
morts,
31 et il est apparu pendant
plusieurs jours à ceux qui étaient montés avec lui de la Galilée à Jérusalem,
eux qui sont maintenant ses témoins devant le peuple.
32 «Nous aussi, nous vous annonçons
cette bonne nouvelle: la promesse faite aux pères,
33 Dieu l'a pleinement accomplie à
l'égard de nous, leurs enfants, quand il a ressuscité Jésus, comme il est écrit
au psaume second: Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.
34 «Que Dieu l'ait ressuscité des
morts, sans retour possible à la décomposition, c'est bien ce qu'il avait
déclaré: Je vous donnerai les saintes, les véritables réalités de David.
35 «C'est pourquoi, il dit aussi
dans un autre passage: Tu ne laisseras pas ton Saint connaître la
décomposition.
36 «Or David, après avoir servi, en
son temps, le dessein de Dieu, s'est endormi, a été mis auprès de ses pères et
il a connu la décomposition.
37 Mais celui que Dieu a ressuscité
n'a pas connu la décomposition.
38 Sachez-le donc, frères, c'est
grâce à lui que vous vient l'annonce du pardon des péchés, et cette
justification que vous n'avez pas pu trouver dans la loi de Moïse,
39 c'est en lui qu'elle est
pleinement accordée à tout homme qui croit.
40 «Prenez donc garde d'être
atteints par cette parole des prophètes:
41 Regardez, vous les arrogants,
soyez frappés de stupeur et disparaissez! Je vais en effet, de votre vivant,
accomplir une oeuvre, une oeuvre que vous ne croiriez pas si quelqu'un vous la
racontait.»
42 À leur sortie, on pria
instamment Paul et Barnabas de reparler du même sujet le sabbat suivant.
43 Quand l'assemblée se fut
dispersée, un bon nombre de Juifs et de prosélytes adorateurs accompagnèrent
Paul et Barnabas qui, dans leurs entretiens avec eux, les engageaient à rester
attachés à la grâce de Dieu.
44 Le sabbat venu, presque toute la
ville s'était rassemblée pour écouter la parole du Seigneur.
45 À la vue de cette foule, les
Juifs furent pris de fureur, et c'était des injures qu'ils opposaient aux
paroles de Paul.
46 Paul et Barnabas eurent alors la
hardiesse de déclarer: «C'est à vous d'abord que devait être adressée la parole
de Dieu! Puisque vous la repoussez et que vous vous jugez vous-mêmes indignes
de la vie éternelle, alors nous nous tournons vers les païens.
47 Car tel est bien l'ordre que
nous tenons du Seigneur: Je t'ai établi lumière des nations, pour que tu
apportes le salut aux extrémités de la terre.»
48 À ces mots, les païens, tout
joyeux, glorifiaient la parole du Seigneur, et tous ceux qui se trouvaient
destinés à la vie éternelle devinrent croyants.
49 La parole du Seigneur gagnait
toute la contrée.
50 Mais les Juifs jetèrent
l'agitation parmi les femmes de haut rang qui adoraient Dieu ainsi que parmi
les notables de la ville; ils provoquèrent une persécution contre Paul et
Barnabas et les chassèrent de leur territoire.
51 Ceux-ci, ayant secoué contre eux
la poussière de leurs pieds, gagnèrent Iconium;
52 quant aux disciples, ils
restaient remplis de joie et d'Esprit Saint.
Prédication :
Une très longue !lecture dans le 13ème chapitre des Actes des Apôtres (une lecture exceptionnellement longue nous est proposée, un peu comme si une leçon unique et très importante était à retenir, qui serait attachée à un chapitre, et non, comme d’habitude attachée à un seul verset… mais, quelle leçon ?)
Et en même temps, nous avons une autre lecture, exceptionnellement courte, quatre versets de l’évangile de Jean, qui, eux aussi, semblent devoir ne soutenir qu’une seule leçon, que voici, dans la bouche de Jésus : « Moi et le Père, nous sommes un ». Oui, ce pourrait être la leçon à retenir, qui va tellement bien fonder bibliquement ce que la chrétienté confessera dans les siècles qui suivront – et encore maintenant (Père, Fils, une seule nature, voire une seule substance – une actualité récente au sein du catholicisme, qui vient de changer sa traduction du Crédo de Nicée, Le Fils était de même nature que le Père, mais maintenant ils diront que le Fils est consubstantiel au Père…)(mais pourquoi est-il devenu nécessaire que soit réintroduite aujourd’hui la notion de substance dans la liturgie ?).
L’unité du Père et du Fils, confession qui nous vient de l’évangile de Jean, pourrait assez bien faire affaire avec ce qui nous vient des Actes des Apôtres (13,52), à savoir ce qu’il faut de Saint Esprit pour que le paysage trinitaire soit juste bien en place (Matthieu le fait aussi, dans ses derniers versets). Mais restons à Jean et Actes.
Ce qui lie donc Actes et Jean, ils ne le savent pas encore, vu qu’ils écrivent chacun dans sa propre tradition. Ce qui les lie finira par se conjoindre dans certains textes anciens, capitaux, par exemple la Confession de foi de Nicée (325, puis Constantinople, 381). Et c’est tellement important que certains iront affirmer que c’est dans les confessions de foi de l’Église ancienne que la plénitude de la révélation advient.
Manière de chercher à décider, une fois pour toutes peut-être, si l’origine et la norme de la foi doivent être situées dans le témoignage biblique, le témoignage des écritures médité et toujours repris, ou si elles doivent être situées dans les anciennes réflexions, opérations sur le sens et productions de textes de l’Église des premiers temps. Et bien, ces questions sont de précieuses questions, et il y a plusieurs réponses possibles. La énième de ces réponses est celle de Calvin… et nous y viendrons – ou plutôt reviendrons – tout à l’heure.
Nous y
reviendrons tout à l’heure, parce que je
voudrais partager avec vous une autre leçon, une autre approche. Mais pour ce
faire, il nous faut d’abord rajouter quelques versets à l’évangile qui nous est
proposé. Reprenons à « Moi et le Père, nous sommes un. » Voici la
suite : « 31 Les Juifs, à nouveau, ramassèrent des pierres pour le
lapider. 32 Mais Jésus reprit: "Je vous ai fait voir tant d'œuvres
belles qui venaient du Père. Pour laquelle de ces œuvres voulez-vous me
lapider?" 33 Les Juifs lui répondirent: "Ce n'est pas pour
une belle œuvre que nous voulons te lapider, mais pour un blasphème, parce que
toi qui es un homme tu te fais Dieu." »… Les précisions que donne
alors Jésus se finissent sur un « …le Père est en moi comme je suis dans
le Père » qui provoque de nouveau une tentative d’arrestation, mais Jésus
parvient à s’éclipser.
En élargissant ainsi la lecture, nous apprécions que ces
deux textes sont liés non pas par la confession de foi qui viendra, mais sont
plutôt liés par la violence immédiate. Violence dans les mots, dans les gestes,
dans les intentions, la violence est partout et on sent la mort qui rode. Pour
quelles raisons cette violence ?
« Moi, et le Père, nous sommes un », affirme
Jésus, et à cause de cette phrase, on veut le mettre à mort, soi-disant parce
qu’il se fait Dieu. Pourtant, dans cette phrase, il n’y a rien que Jésus se
fasse, et surtout pas un mouvement disons du bas vers le haut par lequel il se
hausserait au-dessus de sa condition. La phrase de Jésus est juste
déclarative : elle déclare que le Père et Jésus, lui, le Fils, sont un (il
n’y a pas 36 manières de le dire), ils sont un et le lieu de cette unité n’est
pas le très-haut ou l’au-delà des cieux, mais ici-bas. Le lieu de cette unité
est ici-bas, et le lecteur n’a pas de mal à comprendre ici-bas parce que tout l’évangile de Jean s’inscrit dans une
perspective définie dès son premier chapitre, du haut vers le bas :
« …et le Verbe s’est fait chair. »
Ainsi lorsque Jésus affirme que « Moi, et le Père,
nous sommes un », il affirme qu’il n’y a de Dieu que là où Jésus fait ce
que Dieu fait, qu’il n’y a de parole de Dieu que là où Jésus parle. Et comme
nous avons choisi depuis longtemps une compréhension très ouverte de « le
Verbe s’est fait chair », ce que nous venons de dire ne concerne pas Jésus
seul mais chacune, chacun, de ceux qui croient.
Dans cette perspective, il n’y a pas de Dieu tout
puissant dominateur, mais un serviteur, Dieu serviteur, c'est-à-dire que tout
ce que Dieu fait est fait par un homme, par des humains, sous les auspices de
l’amour (langage de l’évangile de Jean), c’est fait et c’est offert, ça ne
s’impose pas de soi… cela s’impose tellement pas de soi que les œuvres de Jésus
sont laissées de côté par ses détracteurs, elles n’ont manifestement pas de
poids pour ceux que seul intéresse un soi-disant blasphème.
Ils accusent Jésus de blasphème et lorsque Jésus leur
fournit de précieuses – et théologiques – explications, ils crient blasphème
encore plus fort. En réalité, du blasphème, ils n’ont rien à faire, c’est juste
pour éliminer un concurrent, c’est juste un moyen de défendre leur avoir. Car
ils ont un Dieu, un Temple, tout un rituel, un grand choix de sacrifices
possibles, du pouvoir sur les humains puisqu’ils contrôlent le pardon, et tout
un commerce parce que pour les sacrifices, il faut des victimes. Ils ont un
Dieu fort, ils captent et monopolisent la force de ce Dieu, et ils savent tout
quoi faire… et ils ne veulent certainement pas perdre ça, et ils seront prêts à
tout pour ne rien perdre.
Mais pourquoi chercher précisément à mettre Jésus à mort,
et si ça n’est que ça, pourquoi mêler le nom de Dieu à l’affaire ? Ça
n’est pas une question d’élimination opportune d’un concurrent. C’est une
affaire de jalousie et de haine. Jalousie, parce qu’ils réalisent soudain que
Dieu se manifeste et que ça n’est pas par eux qu’il se manifeste. Haine, parce
qu’ils s’imaginaient être les seuls par lequel Dieu se manifeste, et qu’ils
réalisent qu’il n’en est rien… La jalousie et la haine sont des sentiments
violents, qui exigent l’anéantissement de ce qui est leur cause.
Et qu’en est-il de tout cela à Antioche de Pisidie, bien
loin de Jérusalem et de son Temple ? Il y a une synagogue, qui accueille
une communauté juive, mais qui semble en ce temps là avoir été ouverte aussi à
des craignants Dieu, ainsi qu’à des femmes de haut rang. Cette synagogue a
aussi des chefs et, selon l’usage, après la lecture de la Loi et des Prophètes,
on propose à des hommes de passage de prendre la parole pour quelques mots
d’exhortation.
En fait de quelques mots, Paul leur propose un catéchisme
– 26 versets – complet, qui semble être bien accueilli, tellement bien
accueilli que Paul et son acolyte Barnabas sont invités à revenir le sabbat
suivant. Et c’est là que ça se passe mal… Mais pourquoi ? Presque toute la
ville se rassemble, nous dit-on, pour les entendre. Et c’est au vu de ce succès
que ça tourne mal. Sans que cela soit une question de contenu du discours.
Peut-être que pendant la semaine, les chefs de la synagogue ont médité ce
qu’ils avaient entendu, mais c’est seulement peut-être. Leur rage, et leurs
insultes, c’est juste une question d’influence, et d’affluence. C’est très
basique, voire vulgaire. Ce sont des gens qui – peut-être tout comme au Temple
– ont une affaire prospère et n’entendent pas en être défait. Manière pour nous
de dire qu’une partie du Judaïsme synagogal de l’époque n’avait pas attendu les
apôtres pour s’ouvrir aux nations, aux étrangers, et peut-être aussi,
opportunément, à des femmes riches...
Alors, entre les apôtres et la synagogue d’Antioche de
Pisidie, est-ce seulement une question d’effectifs, c'est-à-dire de
succès ? N’y a-t-il pas une discussion, n’y a-t-il pas un espace, même
très réduit, pour une discussion qui permettrait, peut-être, une conciliation,
voire une entente ? Non… c’est le message des apôtres, contre la hargne
des gens du cru.
Ça ne finit pas avec la mort, comme à Jérusalem, mais
dans une rupture. La rupture a lieu, elle est consommée lorsqu’ils sont chassés
de la ville et du territoire de la ville…
Bien sûr, ils vont aller prêcher ailleurs. Et bien sûr,
les nouveaux disciples faits à Antioche resteront « remplis de joie
et d’Esprit Saint ». C’est ainsi dans l’histoire des Actes de Apôtres.
Nous pouvons évidemment nous réjouir de cette expansion du jeune christianisme.
Nous pouvons aussi nous interroger – toujours, aujourd’hui – si autrement est
possible, autrement que la haine et la jalousie que nous avons vues se
manifester dans les deux lieux que nous venons de visiter.
Autrement est-il possible ? Et nous dirons – acte de
foi – oui.