Actes 5
12 Beaucoup de signes et de prodiges
s'accomplissaient dans le peuple par la main des apôtres. Ils se tenaient tous,
unanimes, sous le Portique de Salomon,
13 mais personne d'autre n'osait
s'agréger à eux; le peuple faisait pourtant leur éloge,
14 et des multitudes de plus en
plus nombreuses d'hommes et de femmes se ralliaient, par la foi, au Seigneur.
15 On en venait à sortir les
malades dans les rues, on les plaçait sur des lits ou des civières, afin que
Pierre, au passage, touche au moins l'un ou l'autre de son ombre.
16 La multitude accourait aussi des
localités voisines de Jérusalem, portant des malades et des gens que
tourmentaient des esprits impurs, et tous étaient guéris.
Prédication :
Nous venons de lire un court extrait des Actes des Apôtres, 5 versets. Et dans ces 5 versets, il y a un fragment qui est, pour moi, essentiel.
Avant de dire quel est ce fragment, j’en appelle à votre mémoire.
Souvenez-vous, souvenons-nous. Au commencement des Actes des Apôtres, il y a les disciples de Jésus. Il y a Jésus ressuscité qui promet à ses disciples qu’une force viendra bientôt sur eux, une force avec laquelle ils deviendront témoins de l’Évangile, d’abord à Jérusalem, puis dans le reste d’Israël, puis à Rome, puis dans le monde entier.
Le propos du livre des Actes des Apôtres est donc de rapporter ce qu’on peut appeler la première évangélisation du monde romain (à l’est de l’empire romain, il y avait un autre empire, l’empire parthe, mais dans la Bible nous n’avons pas de récit d’une première évangélisation de l’empire parthe).
50 jours après Pâques, c’est Pentecôte, fête juive, Chavouot, fête du début de la moisson, et du don de la Loi, l’un des trois pèlerinages annuels au Temple, qui amène un monde fou à Jérusalem.
C’est ce jour-là que s’accomplit la promesse faite par Jésus. L’esprit descend, ceux qui le reçoivent se mettent à parler des langues et autre idiomes qu’ils n’ont jamais appris, mais que comprennent les étrangers… L’esprit descend. Mais sur qui descend-il ? Nous pensons d’habitude à un groupe constitué des Apôtres et d’autres gens, hommes et femmes, qui les accompagnaient depuis plus ou moins longtemps. Mais en lisant, nous voyons que ceux qui reçoivent l’esprit sont des ils, ou eux, pronoms neutres, et nous pouvons tout à fait attacher le don de l’esprit aux seuls Apôtres, évoqués d’ailleurs, eux seuls, juste avant et juste après Pentecôte… Sur qui donc l’esprit descend-il à cette étape ? N’y aurait-il pas là, mal dissimulé, un privilège apostolique ? (nous laissons ça de côté pour l’instant).
Retour au récit. Suite à ce tumulte, Pierre prend la parole et donne un beau discours, qui est en fait un beau catéchisme, catéchisme à la suite duquel trois mille personnes se convertissent, reçoivent le baptême, et rejoignent les rangs des Apôtres. Quant aux Apôtres eux-mêmes, ayant reçu l’esprit saint, ils se rangent pour l’heure silencieusement semble-t-il, derrière Pierre.
(ce qui est étonnant, c’est que certains fragments des Actes mettent en scène Pierre seul, d’autres Pierre et Jean – avec préséance de Pierre – et d’autres les Apôtres, de manière collégiale ; et c’est donc, pour le lecteur, comme si l’unité, et l’unanimité, des Apôtres, et donc de l’Eglise, n’allaient absolument pas de soi ; c’est comme si la supériorité et la primauté de Pierre faisaient l’objet de discussions, voire de disputes ; nous allons revenir là-dessus).
Et
maintenant, relisons, Actes 5 « 12 Beaucoup de signes et de prodiges
s'accomplissaient dans le peuple par la main des apôtres. Ils se tenaient tous,
unanimes, sous le Portique de Salomon, 13 mais personne d'autre
n'osait s'agréger à eux; le peuple faisait pourtant leur éloge, 14
et des multitudes de plus en plus nombreuses d'hommes et de femmes se
ralliaient, par la foi, au Seigneur. »
De ces trois versets nous retenons ceci : « Mais
personne d’autre n’osait s’agréger à eux » Eux, ce sont les Apôtres. Nous
avons déjà parlé de la possible première communauté chrétienne, et de ceux qui
la composaient. Mais nous n’avons pas pris le temps de nous rappeler que, pour
que cette communauté vive, tous les biens étaient mis en commun… Un engagement
considérable. Nous n’avons pas non plus pris le temps de nous rappeler un
épisode dérangeant, celui d’un homme, Ananias, et de sa femme, Saphira qui,
membres de la première communauté apostolique, avaient vendu un champ et qui,
d’un commun accord, n’avaient pas fait don à la communauté de l’intégralité du
produit de la vente… Pierre, extra lucide et super puissant, les ayant
confondus, l’homme et la femme furent foudroyés sur place.
Et là, le lecteur s’inquiète, car devenir membre de cette
communauté s’avère être tout à coup extrêmement exigeant et extrêmement
dangereux. Et c’est donc tout comme nous avons lu, et comme nous lisons
encore : « 12 Beaucoup de signes et de prodiges
s'accomplissaient dans le peuple par la main des apôtres. (…) 13
mais personne d'autre n'osait s'agréger à eux ; le peuple faisait pourtant
leur éloge (…) » Seriez-vous,
sœurs et frères, devenu membres d’une communauté exigeant l’assiduité, l’unité,
l’unanimité, la soumission et la pauvreté, le tout sous peine de mort ? Personne
d’autre n’osait s’agréger à eux. On parle ici des Apôtres, même si l’ombre de
Pierre n’est pas loin. En tout cas, les
gens se détournent…
Ils se détournent des Apôtres, au profit manifestement
d’un autre mode de vie communautaire.
Ils se rassemblaient et se ralliaient, par la foi, au Seigneur (par la
foi et non par le catéchisme). Ce qui signifie qu’ils avaient confiance dans le
fait que quelque chose de bon pouvait leur arriver, de la part du Seigneur –
entendons miraculeusement – au passage de tel apôtre, surtout Pierre – mais que
de l’enseignement des Apôtres ils ne voulaient pas, tout comme ils ne voulaient
pas de l’engagement des Apôtres.
Que devient alors l’évangélisation ? Les Apôtres
sont off… Ne reste que
l’évangélisation de l’ombre de Pierre. « 15 On en venait à sortir
les malades dans les rues, on les plaçait sur des lits ou des civières, afin
que Pierre, en passant, touche au moins l'un ou l'autre de son ombre. » Et
ça marche. « 16 La multitude accourait aussi des localités
voisines de Jérusalem, portant des malades et des gens que tourmentaient des
esprits impurs, et tous étaient guéris. »
Et, dans le livres des Actes, toute une discussion va
être menée, à savoir quel modèle communautaire – disons ecclésiastique – sera
privilégié. Soit le modèle historique, apostolique, son enseignement, sa discipline,
son autorité et sa hiérarchie, ou un modèle spontané qui voit les communautés
se former sur le mode d’une joie extraordinaire, dont on partage l’attente et
la venue.
… mais personne n’osait s’agréger à eux. C’est le bout de
verset dont je souhaitais parler. Il trace une sorte de frontière, entre une
foi qui pourrait être professée, mais pas vécue, et une foi qui ne pourrait
être que vécue, mais pas professée.
Je me souviens d’un cours d’histoire ancienne qui portait
le titre « Orthodoxie et hérésies » (orthodoxie ne désigne pas ici
les chrétiens orientaux mais les confessions de foi reçues unanimement dans les
premiers siècles de l’ère chrétienne). Un cours passionnant, parce que
l’enseignant avait introduit l’idée que ce qu’on professe – la confession de
foi – c’est ce qu’on vit, et qu’il faut que la foi qu’on professe ne soit pas
réservée à des champions (ascètes, vivant au fond du désert, ou perchés au
sommet d’une colonne…), mais reste en somme vivable pour le plus grand nombre.
En conséquence de quoi, disait-il, l’orthodoxie n’est pas une doctrine qui
aurait été brutalement imposée, mais une proposition de vie qui aurait été laborieusement
élaborée, avec le souci du peuple, des petites gens et des grandes personnes. L’orthodoxie
serait donc le beau fil de la fraternité.
Nous pourrons essayer de nous en souvenir lorsque, dans quelques instants, nous lirons le Symbole des Apôtres. Amen.
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