dimanche 27 mars 2016

Christ est ressuscité ! Mais que s'est-il vraiment passé ? (Luc 23,55 - 24,35)


Luc 23
55 Les femmes qui l'avaient accompagné depuis la Galilée suivirent Joseph; elles regardèrent le tombeau et comment son corps avait été placé.
56 Puis elles s'en retournèrent et préparèrent aromates et parfums. Durant le sabbat, elles observèrent le repos selon le commandement

Luc 24
1 et, le premier jour de la semaine, de grand matin, elles vinrent à la tombe en portant les aromates qu'elles avaient préparés.
2 Elles trouvèrent la pierre roulée de devant le tombeau.
3 Étant entrées, elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus.
4 Or, comme elles en étaient déconcertées, voici que deux hommes se présentèrent à elles en vêtements éblouissants.
5 Saisies de crainte, elles baissaient le visage vers la terre quand ils leur dirent: «Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts?
6 Il n'est pas ici, mais il est ressuscité. Rappelez-vous comment il vous a parlé quand il était encore en Galilée;
7 il disait: ‹Il faut que le Fils de l'homme soit livré aux mains des hommes pécheurs, qu'il soit crucifié et que le troisième jour il ressuscite.› »
8 Alors, elles se rappelèrent ses paroles;
9 elles revinrent du tombeau et rapportèrent tout cela aux Onze et à tous les autres.
10 C'étaient Marie de Magdala et Jeanne et Marie de Jacques; leurs autres compagnes le disaient aussi aux apôtres.
11 Aux yeux de ceux-ci ces paroles semblèrent un délire et ils ne croyaient pas ces femmes.

12 Pierre cependant partit et courut au tombeau; en se penchant, il ne vit que les bandelettes, et il s'en alla de son côté en s'étonnant de ce qui était arrivé.
13 Et voici que, ce même jour, deux d'entre eux se rendaient à un village du nom d'Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem.
14 Ils parlaient entre eux de tous ces événements.
15 Or, comme ils parlaient et discutaient ensemble, Jésus lui-même les rejoignit et fit route avec eux;
16 mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
Prédication :
Que s’est-il vraiment passé à Jérusalem ce matin-là qui était le premier jour de la semaine, après la fête de la sortie d’Egypte ? Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! Nous confessons cela : Je crois… le troisième jour, il est ressuscité des morts. Cette histoire d’un mort qui revit est tout de même très extraordinairement incroyable, elle ne peut être que rejetée par la raison, ou crue. Or croire n’exige pas l’abdication de la raison. Il est ainsi parfaitement légitime de se demander : que s’est-il vraiment passé ? Mais où donc pouvons-nous rechercher une réponse ? Dans le texte biblique : nous n’avons rien qui soit plus proche des événements que le texte biblique. Aussi, la question que nous nous posons maintenant est-elle celle-ci : qu’y a-t-il, dans le texte biblique, à quoi la raison puisse acquiescer ?
            Leur maître et ami a été trahi, abandonné et renié par ses disciples, mis à mort par crucifixion puis enseveli. Les femmes qui l’accompagnaient se sont mise en demeure d’embaumer son corps mais ne l’ont pas fait pendant le sabbat. Lorsqu’elles sont arrivées au tombeau, elles l’ont trouvé tout vide. Elles ont rendu compte du trouble qui les avait alors saisies, et on ne les a pas crues. L’un de ses disciples, prénommé Pierre, est tout de même allé constater de visu, et s’en est ensuite retourné chez lui extrêmement perplexe. A tout cela, la raison peut parfaitement acquiescer.
            Mais il est une chose encore à quoi la raison peut acquiescer. Tout cela que nous venons de rappeler ressemble manifestement à la fin d’une histoire, les disciples vont rentrer chacun chez soi, les jours vont ensuite succéder aux jours, et on oubliera… Pourtant, ce qui aurait dû être une fin a été un inconcevable commencement, le commencement du temps de la résurrection.
Bruxelles
            Que s’est-il donc passé qui fasse que ce qui avait les caractéristiques de la fin d’une histoire soit devenu le commencement d’une grande aventure ? Pour esquisser une réponse, nous revenons à la méditation qui fut la nôtre il y a une semaine lors du culte du dimanche des Rameaux.
           
            La mort de leur maître fut, pour ses disciples, et pour ses amis, une immense catastrophe. Peut-on se remettre d’une catastrophe ? Face à une catastrophe, deux attitudes sont possibles, une attitude fermée, et une attitude ouverte. Une attitude fermée est délétère, seule une attitude ouverte est susceptible de conduire à ce qu’on survive. S’ouvrir à une réalité nouvelle, et faire en plus mémoire des « hauts faits », des grands moments de l’histoire et de sa propre vie, telle est la seule voie… Pour les disciples, pour les amis de Jésus, il s’agit de faire mémoire de l’enseignement de leur maître, de la transfiguration, de la multiplication des pains, des miracles, de l’entrée dans Jérusalem, sans nourrir une nostalgie mortifère, mais en demeurant dans une attitude d’ouverture : oui, tout cela, le meilleur, a eu lieu, et le pire aussi. Il faut survivre, la volonté se mobilise dans le sens de la survie. Seulement, cela suffit-il ? Survivre est nécessaire, mais cela suffit-il ? La volonté suffit-elle pour aller au-delà de la survie ?
            Au début du texte que nous méditons maintenant, les femmes survivent. Elles suivent le cortège funéraire, assistent à l’ensevelissement, s’en vont acheter des aromates pour un futur embaumement, et observent le repos du sabbat… Elles survivent, c'est-à-dire qu’elles s’en retournent à l’ordinaire des jours. La volonté suffit pour cela. La volonté se rend compte du réel et adopte un comportement approprié. La volonté ne peut rien de plus que cela.
           
Pourtant, quelque chose de plus se produit au matin de Pâques, et que notre raison est bien forcée d’admettre : ce qui aurait dû être la fin est un commencement. Au commencement, « deux hommes se présentent à elles en vêtements éblouissants ». Nous nous refusons à laisser la raison de côté, mais nous constatons que l’attitude des femmes change alors du tout au tout. Venues pour embaumer un mort, elles repartent pour s’adresser à des vivants… Dès lors, la résurrection du Christ n’est plus seulement l’impossible réanimation d’un cadavre, mais elle devient une parole que des vivants adressent à d’autres vivants. Ces femmes sortent du rôle ordinairement assigné aux femmes en temps de deuil, et elles deviennent des témoins. Les disciples vont tenir leur propos pour des racontars de bonnes-femmes, mais cela ne change rien au témoignage de la résurrection. La résurrection du Christ commence avec la parole des femmes, qui atteint au moins Pierre, lequel se met alors en route. Cependant qu’aussi la résurrection se poursuit avec les pèlerins qui reviennent d’Emmaüs…
Quelque chose advient donc, que la volonté humaine n’a pas pu produire, mais qui change radicalement le cours d’une survie, en redonnant aux éprouvés la parole, l’élan, et la joie…          
Lahore, 70 morts....
            La volonté ne peut pas produire cela. Mais d’où cela vient-il ? A ce moment, trois compréhensions sont possibles. (1) Cela vient de Dieu lui-même, diront certains. Les hommes en habits éblouissant, ceux que voient les femmes, ceux qui s’adressent à elles, sont des anges de Dieu. C’est Dieu qui a réanimé le corps de Jésus de Nazareth. Et c’est donc bien Jésus qui apparaît, en chair et en os… Dieu, qui est dans les cieux, agit souverainement en ramenant Jésus Christ de la mort à la vie. (2) Mais d’autres diront plutôt que la pertinence de l’exemple de Jésus, que la puissance de son enseignement, suffisent à ceux qui l’ont connu pour découvrir cette force qui est au-delà de la volonté et qui permet de s’ouvrir de nouveau à la joie de la vie. Les anges appellent effectivement les femmes à se souvenir de l’enseignement de Jésus. Les femmes parlent et Pierre entend… Dieu ainsi est présent dans le discours des humains, dans la puissance propre du langage, et dans le dynamisme propre des Ecritures, en somme. (3) D’autres enfin diront que cela vient de la profondeur de l’être humain, de cette profondeur irréductible, inatteignable ordinairement. Dieu est plus intérieur à moi-même que moi-même, et c’est de cette intériorité que l’élan, la vie, et la joie proviennent.

            Mais doit-on seulement choisir entre ces trois compréhensions ? Et faut-il s’affronter là-dessus ? Cela n’advient pas aux femmes comme cela advient à Pierre. Cela n’advient pas aux disciples d’Emmaüs comme cela adviendra à Paul. Ni comme cela adviendra à d’autres encore, ni comme cela nous adviendra ou nous est déjà advenu. A certains cela advient comme un éclair venu d’en-haut. A d’autres dans une conversation avec quelqu’un ou avec les Ecritures. A d’autre dans une profonde méditation sur soi-même. Cela advient ! Et ce qui était simple survie après une catastrophe, ce qui était retour à l’ordinaire des jours,  devient joie de vivre, invention de la vie et témoignage incontestable de vitalité : Christ est ressuscité, suscité de nouveau, de nouveau debout, vivante parole et réalité agissante.

            Il nous reste à parler sérieusement de quelque chose de très difficile. Au matin de Pâques, c’est la résurrection de Christ. Et dans notre méditation, nous en avons reconnu la nécessité, et nous en avons aussi célébré la possibilité. Mais voici que, dans l’épreuve, dans la simple survie à une catastrophe, quelqu’un peut-être vient nous demander : « Mais quand donc cela m’arrivera-t-il aussi, à moi ? » Très longtemps avant la naissance de Jésus de Nazareth, huit siècles peut-être avant la rédaction des Evangiles, le prophète Osée a donné une précieuse indication. 1 «Venez, retournons vers le SEIGNEUR. Il déchire et il guérit, il frappe et il panse, 2 au long des jours, il nous fait vivre, au troisième jour, il nous fait relever et nous vivons en sa présence. 3 Connaissons, poursuivons la connaissance du SEIGNEUR: son lever est sûr comme l'aurore, il vient vers nous comme vient la pluie, comme l'ondée de printemps arrose la terre.» (Osée 6).
L’indication du prophète Osée est précieuse. Quand cela m’arrivera-t-il à moi, demande quelqu’un ? Et un autre, sans se prévaloir de quoi que ce soit qui lui serait personnellement arrivé répond : « Mettons-nous en route ensemble. »
Bruxelles, encore !