Luc 23
55 Les femmes qui l'avaient accompagné depuis la Galilée
suivirent Joseph; elles regardèrent le tombeau et comment son corps avait été
placé.
56 Puis elles s'en retournèrent et préparèrent aromates et
parfums. Durant le sabbat, elles observèrent le repos selon le commandement
Luc 24
1 et, le premier jour de la semaine, de grand matin, elles
vinrent à la tombe en portant les aromates qu'elles avaient préparés.
2 Elles trouvèrent la pierre roulée de devant le tombeau.
3 Étant entrées, elles ne trouvèrent pas le corps du
Seigneur Jésus.
4 Or, comme elles en étaient déconcertées, voici que deux
hommes se présentèrent à elles en vêtements éblouissants.
5 Saisies de crainte, elles baissaient le visage vers la
terre quand ils leur dirent: «Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts?
6 Il n'est pas ici, mais il est ressuscité. Rappelez-vous
comment il vous a parlé quand il était encore en Galilée;
7 il disait: ‹Il faut que le Fils de l'homme soit livré
aux mains des hommes pécheurs, qu'il soit crucifié et que le troisième jour il
ressuscite.› »
8 Alors, elles se rappelèrent ses paroles;
9 elles revinrent du tombeau et rapportèrent tout cela aux
Onze et à tous les autres.
10 C'étaient Marie de Magdala et Jeanne et Marie de
Jacques; leurs autres compagnes le disaient aussi aux apôtres.
11 Aux yeux de ceux-ci ces paroles semblèrent un délire et
ils ne croyaient pas ces femmes.
12 Pierre cependant partit et courut au tombeau; en se
penchant, il ne vit que les bandelettes, et il s'en alla de son côté en
s'étonnant de ce qui était arrivé.
13 Et voici que, ce même jour, deux d'entre eux se
rendaient à un village du nom d'Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem.
14 Ils parlaient entre eux de tous ces événements.
15 Or, comme ils parlaient et discutaient ensemble, Jésus
lui-même les rejoignit et fit route avec eux;
16 mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
Prédication :
Que s’est-il vraiment passé à
Jérusalem ce matin-là qui était le premier jour de la semaine, après la fête de
la sortie d’Egypte ? Christ est ressuscité ! Il est vraiment
ressuscité ! Nous confessons cela : Je crois… le troisième jour, il
est ressuscité des morts. Cette histoire d’un mort qui revit est tout de même
très extraordinairement incroyable, elle ne peut être que rejetée par la
raison, ou crue. Or croire n’exige pas l’abdication de la raison. Il est ainsi parfaitement
légitime de se demander : que s’est-il vraiment passé ? Mais où donc
pouvons-nous rechercher une réponse ? Dans le texte biblique : nous
n’avons rien qui soit plus proche des événements que le texte biblique. Aussi,
la question que nous nous posons maintenant est-elle celle-ci : qu’y
a-t-il, dans le texte biblique, à quoi la raison puisse acquiescer ?
Leur maître
et ami a été trahi, abandonné et renié par ses disciples, mis à mort par
crucifixion puis enseveli. Les femmes qui l’accompagnaient se sont mise en
demeure d’embaumer son corps mais ne l’ont pas fait pendant le sabbat.
Lorsqu’elles sont arrivées au tombeau, elles l’ont trouvé tout vide. Elles ont
rendu compte du trouble qui les avait alors saisies, et on ne les a pas crues.
L’un de ses disciples, prénommé Pierre, est tout de même allé constater de
visu, et s’en est ensuite retourné chez lui extrêmement perplexe. A tout cela,
la raison peut parfaitement acquiescer.
Mais il est
une chose encore à quoi la raison peut acquiescer. Tout cela que nous venons de
rappeler ressemble manifestement à la fin d’une histoire, les disciples vont
rentrer chacun chez soi, les jours vont ensuite succéder aux jours, et on
oubliera… Pourtant, ce qui aurait dû être une fin a été un inconcevable commencement,
le commencement du temps de la résurrection.
Bruxelles |
Que
s’est-il donc passé qui fasse que ce qui avait les caractéristiques de la
fin d’une histoire soit devenu le commencement d’une grande aventure ? Pour
esquisser une réponse, nous revenons à la méditation qui fut la nôtre il y a
une semaine lors du culte du dimanche des Rameaux.
La mort de
leur maître fut, pour ses disciples, et pour ses amis, une immense catastrophe.
Peut-on se remettre d’une catastrophe ? Face à une catastrophe, deux
attitudes sont possibles, une attitude fermée, et une attitude ouverte. Une
attitude fermée est délétère, seule une attitude ouverte est susceptible de
conduire à ce qu’on survive. S’ouvrir à une réalité nouvelle, et faire en plus mémoire
des « hauts faits », des grands moments de l’histoire et de sa propre
vie, telle est la seule voie… Pour les disciples, pour les amis de Jésus, il
s’agit de faire mémoire de l’enseignement de leur maître, de la transfiguration,
de la multiplication des pains, des miracles, de l’entrée dans Jérusalem, sans
nourrir une nostalgie mortifère, mais en demeurant dans une attitude d’ouverture :
oui, tout cela, le meilleur, a eu lieu, et le pire aussi. Il faut survivre, la
volonté se mobilise dans le sens de la survie. Seulement, cela suffit-il ?
Survivre est nécessaire, mais cela suffit-il ? La volonté suffit-elle pour
aller au-delà de la survie ?
Au
début du texte que nous méditons maintenant, les femmes survivent. Elles
suivent le cortège funéraire, assistent à l’ensevelissement, s’en vont acheter
des aromates pour un futur embaumement, et observent le repos du sabbat… Elles
survivent, c'est-à-dire qu’elles s’en retournent à l’ordinaire des jours. La
volonté suffit pour cela. La volonté se rend compte du réel et adopte un
comportement approprié. La volonté ne peut rien de plus que cela.
Pourtant, quelque chose de plus
se produit au matin de Pâques, et que notre raison est bien forcée
d’admettre : ce qui aurait dû être la fin est un commencement. Au
commencement, « deux hommes se présentent à elles en vêtements
éblouissants ». Nous nous refusons à laisser la raison de côté, mais nous
constatons que l’attitude des femmes change alors du tout au tout. Venues pour embaumer
un mort, elles repartent pour s’adresser à des vivants… Dès lors, la
résurrection du Christ n’est plus seulement l’impossible réanimation d’un
cadavre, mais elle devient une parole que des vivants adressent à d’autres
vivants. Ces femmes sortent du rôle ordinairement assigné aux femmes en temps
de deuil, et elles deviennent des témoins. Les disciples vont tenir leur propos
pour des racontars de bonnes-femmes, mais cela ne change rien au témoignage de
la résurrection. La résurrection du Christ commence avec la parole des femmes, qui
atteint au moins Pierre, lequel se met alors en route. Cependant qu’aussi la
résurrection se poursuit avec les pèlerins qui reviennent d’Emmaüs…
Quelque chose advient donc, que
la volonté humaine n’a pas pu produire, mais qui change radicalement le cours
d’une survie, en redonnant aux éprouvés la parole, l’élan, et la joie…
Lahore, 70 morts.... |
La
volonté ne peut pas produire cela. Mais d’où cela vient-il ? A ce moment,
trois compréhensions sont possibles. (1) Cela vient de Dieu lui-même, diront
certains. Les hommes en habits éblouissant, ceux que voient les femmes, ceux
qui s’adressent à elles, sont des anges de Dieu. C’est Dieu qui a réanimé le corps
de Jésus de Nazareth. Et c’est donc bien Jésus qui apparaît, en chair et en os…
Dieu, qui est dans les cieux, agit souverainement en ramenant Jésus Christ de
la mort à la vie. (2) Mais d’autres diront plutôt que la pertinence de l’exemple
de Jésus, que la puissance de son enseignement, suffisent à ceux qui l’ont
connu pour découvrir cette force qui est au-delà de la volonté et qui permet de
s’ouvrir de nouveau à la joie de la vie. Les anges appellent effectivement les
femmes à se souvenir de l’enseignement de Jésus. Les femmes parlent et Pierre
entend… Dieu ainsi est présent dans le discours des humains, dans la puissance
propre du langage, et dans le dynamisme propre des Ecritures, en somme. (3)
D’autres enfin diront que cela vient de la profondeur de l’être humain, de
cette profondeur irréductible, inatteignable ordinairement. Dieu est plus
intérieur à moi-même que moi-même, et c’est de cette intériorité que l’élan, la
vie, et la joie proviennent.
Mais doit-on
seulement choisir entre ces trois compréhensions ? Et faut-il s’affronter
là-dessus ? Cela n’advient pas aux femmes comme cela advient à Pierre.
Cela n’advient pas aux disciples d’Emmaüs comme cela adviendra à Paul. Ni comme
cela adviendra à d’autres encore, ni comme cela nous adviendra ou nous est déjà
advenu. A certains cela advient comme un éclair venu d’en-haut. A d’autres dans
une conversation avec quelqu’un ou avec les Ecritures. A d’autre dans une
profonde méditation sur soi-même. Cela advient ! Et ce qui était simple
survie après une catastrophe, ce qui était retour à l’ordinaire des jours, devient joie de vivre, invention de la vie et
témoignage incontestable de vitalité : Christ est ressuscité, suscité de
nouveau, de nouveau debout, vivante parole et réalité agissante.
Il nous
reste à parler sérieusement de quelque chose de très difficile. Au matin de
Pâques, c’est la résurrection de Christ. Et dans notre méditation, nous en
avons reconnu la nécessité, et nous en avons aussi célébré la possibilité. Mais
voici que, dans l’épreuve, dans la simple survie à une catastrophe, quelqu’un
peut-être vient nous demander : « Mais quand donc cela
m’arrivera-t-il aussi, à moi ? » Très longtemps avant la naissance de
Jésus de Nazareth, huit siècles peut-être avant la rédaction des Evangiles, le
prophète Osée a donné une précieuse indication. 1 «Venez, retournons vers le SEIGNEUR. Il déchire et il guérit, il frappe et il
panse, 2 au long des jours,
il nous fait vivre, au troisième jour, il nous fait relever et nous vivons en
sa présence. 3 Connaissons,
poursuivons la connaissance du SEIGNEUR: son lever est sûr comme l'aurore,
il vient vers nous comme vient la
pluie, comme l'ondée de printemps arrose la terre.» (Osée 6).
L’indication du prophète Osée est précieuse. Quand
cela m’arrivera-t-il à moi, demande quelqu’un ? Et un autre, sans se
prévaloir de quoi que ce soit qui lui serait personnellement arrivé
répond : « Mettons-nous en route ensemble. »
Bruxelles, encore ! |