dimanche 6 avril 2014

Une méditation sur la volonté de Dieu (Jean 9,31)

                     On s'étonnera peut-être de retrouver les mêmes versets qu'il y a une semaine. C'est ainsi. Le parcours de la piété proposé il y a huit jours laissait de côté le reste d'un verset, qui évoquait la volonté de Dieu, de "faire la volonté de Dieu". Je n'ai pas voulu laisser de côté cela. Qui d'ailleurs ne me laisse pas en paix.

Jean 9:1 En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance.
2 Ses disciples lui posèrent cette question: «Rabbi, qui a péché pour qu'il soit né aveugle, lui ou ses parents?»
3 Jésus répondit: «Ni lui, ni ses parents. Mais c'est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui!
4 Tant qu'il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m'a envoyé: la nuit vient où personne ne peut travailler;
5 aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.»
6 Ayant ainsi parlé, Jésus cracha à terre, fit de la boue avec la salive et l'appliqua sur les yeux de l'aveugle;
7 et il lui dit: «Va te laver à la piscine de Siloé» - ce qui signifie Envoyé. L'aveugle y alla, il se lava et, à son retour, il voyait.

13 On conduisit chez les Pharisiens celui qui avait été aveugle.
14 Or c'était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux.

15 (Alors), les Pharisiens lui demandèrent comment il avait recouvré la vue. Il leur répondit: «Il m'a appliqué de la boue sur les yeux, je me suis lavé, je vois.»
16 Parmi les Pharisiens, les uns disaient: «Cet individu n'observe pas le sabbat, il n'est donc pas de Dieu.» Mais d'autres disaient: «Comment un homme pécheur aurait-il le pouvoir d'opérer de tels signes?» Et c'était la division entre eux.

On interroge ensuite les parents, puis

24 Une seconde fois, les Pharisiens appelèrent l'homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent: «Rends gloire à Dieu! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur.»
25 Il leur répondit: «Je ne sais si c'est un pécheur; je ne sais qu'une chose: j'étais aveugle et maintenant je vois.»

(et un peu plus loin, l’homme qui avait été aveugle s’adresse toujours aux Pharisiens)

9:31 Dieu, nous le savons, n'écoute pas les pécheurs; mais si un homme est pieux et fait sa volonté, Dieu l’écoute.

32 Jamais on n'a entendu dire que quelqu'un ait ouvert les yeux d'un aveugle de naissance.
33 Si cet homme n'était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire.»

34 Les Pharisiens ripostèrent: «Tu n'es que péché depuis ta naissance et tu viens nous faire la leçon!» ; et ils le jetèrent dehors

Prédication
                Il y a seulement huit jours, vous avez entendu la lecture de ces mêmes versets et, de ces versets, un seul avait d’abord retenu l’attention du prédicateur. Revoici le même verset : « Jean 9:31 Dieu, nous le savons, n'écoute pas les pécheurs; mais si un homme est pieux et fait sa volonté, (Dieu) l’écoute. »
Insistons d’abord un tout petit instant sur le début et la fin de ce verset. Dieu écoute, nous dit-on, celui qui est pieux et qui fait sa volonté. Dieu écoute, pour certains traducteurs, cela signifie que Dieu exauce. Et le verset que nous méditons semble alors nous donner une piste pour que Dieu soit attentif à nous, pour qu’il nous exauce : être pieux et faire sa volonté.
La piété, être pieux, c’est ce qui avait retenu notre attention la semaine dernière. Et nous avions découvert que tous, dans ce texte, sont pieux, de diverses manières… Aujourd’hui, nous nous intéressons à « faire la volonté de Dieu ».

Il y a trois types de situations dans lesquelles des gens se posent la question de la volonté de Dieu. (1) Lorsque des catastrophes arrivent… Un tsunami, une tempête, un incendie, est-ce la volonté de Dieu ? Je laisse cette question, non pas par lâcheté, mais, aujourd’hui, par respect. Elle pourra, cette question, faire l’objet d’une autre prédication. Le texte que nous méditons interroge les actes des êtres humains. (2) La question de la volonté de Dieu peut donc être posée s’agissant des actes que je m’apprête à faire, ou que j’ai faits. Est-ce que je vais faire, est-ce que je fais, est-ce que j’ai fait, la volonté de Dieu ? Oui ? Non ? Succès ? Echec ? Conformité aux Ecritures Saintes ? (3) La question de la volonté de Dieu peut encore être posée s’agissant des actes d’autrui.
Voici quelques exemples, pour bien vous montrer que cela n’est pas simple et que le succès ou l’échec d’une entreprise ne peuvent pas constituer des critères concernant la volonté de Dieu. D’un cambriolage réussi nous ne dirons pas nécessairement qu’il était conforme à la volonté de Dieu. Du ministère d’Etienne l’apôtre qui finit lapidé nous ne dirons pas qu’il n’était pas conforme à la volonté de Dieu. Et si demain une grille à 50 carrés et 11 étoiles venait à me porter chance, pourrais-je conclure que jouer à des jeux de hasard est conforme à la volonté de Dieu ? Soyons sérieux, et reconnaissons que, le plus souvent, lorsqu’on prétend connaître et faire la volonté de Dieu, c’est, Bible en main, pour mettre en avant que l’on est, soi-même, certain de la faire, mais que, s’agissant d’autrui, il y a un grave problème… Est-ce si simple ?

C’est l’ex-aveugle qui énonce le premier cette phrase qui semble tout droit sortie d’un manuel de catéchisme : « Dieu, nous le savons, n'écoute pas les pécheurs; mais si un homme est pieux et fait sa volonté, (Dieu) l’écoute. » Il sort cette phrase parce qu’il y a débat, un débat sur la nature de ce Jésus qui soigne et guérit un jour de sabbat. S’agissant de Jésus, lui – ex-aveugle – et les Pharisiens, n’ont pas le même avis. De plus, tous les Pharisiens ne sont pas entre eux le même avis. C’était la division entre eux, rapporte l’évangile de Jean.
Pour les Pharisiens, et pour commencer simplement, faire la volonté de Dieu passe par le respect scrupuleux et littéral des commandements bibliques. Nous n’allons pas rejeter d’emblée une telle conception, qui est potentiellement au moins tout à fait intéressante. Quelqu’un accomplit scrupuleusement et littéralement les commandements bibliques. Dieu m’écoute dit ce quelqu'un. Soit. Dieu l’écoute, et tant mieux. La personne qui fait le choix de vivre sérieusement cette observance fait ce choix. Dieu est Dieu et il sait ce que vaut ce choix. Et celui qui fait sérieusement ce choix reconnaîtra que tout ce qui advient dans sa vie résulte de ce que Dieu l’écoute. C’est parfaitement respectable, et l’on pourrait même dire qu’il y a de la grandeur, de la beauté même à s’en tenir obstinément à un tel choix de vie, vaille que vaille, et même si la pauvreté, ou la mort, doit être le prix de ce choix.
Il n’y aurait rien à dire de plus si certains Pharisiens ne se mettaient pas à considérer que ce qu’ils choisissent pour eux-mêmes est la seule manière possible de faire la volonté de Dieu. Il n’y aurait rien à dire non plus si, au titre de cette manière qui est la leur, certains Pharisiens ne condamnaient pas ceux qui ne font pas comme eux font.
Avant même de parler de Jésus qui, d’une autre manière, fait la volonté de Dieu, nous pouvons revenir sur le fait qu’il y avait division entre les Pharisiens. Il n’échappe pas à certains des Pharisiens que si l’homme, ce Jésus, était pécheur, il n’aurait pas le pouvoir de faire ce qu’il fait. Or, il fait ce qu’il fait, et Dieu l’écoute, et Dieu l’accompagne, c’est indéniable, tout comme il est indéniable que cet homme, Jésus, est pécheur parce qu’il transgresse le Sabbat, Sabbat que Dieu commande et que Dieu veut. Alors, bien entendu, nous le savons tous, il y a un commandement plus important, plus sacré même, que le respect du Sabbat. C’est le commandement de sauver une vie. Mais l’aveugle n’était pas en danger de mort et sa guérison pouvait bien attendre un jour de plus. Oui… mais que sait-on de ce qui peut se passer pendant ce jour de plus ? Et qui sait si Jésus sera lui-même en vie encore le lendemain ?
Il est indéniable que Jésus pèche en ne respectant pas le sabbat, et il est indéniable que Dieu l’écoute quand même, puisque l’aveugle est guéri. Alors Dieu écoute parfois les pécheurs… Il y a donc des transgressions de la Loi qui ne sont pas des péchés. Et il y a des manières de se réclamer de la Loi, de la Bible, qui sont des péchés.

Mais qui va se prononcer ? Ou plutôt qui se prononce dans le texte ? L’ex-aveugle se prononce, et les Pharisiens se prononcent. Ils se prononcent tous sur les actes d’un autre, sur les actes de Jésus et sur la nature de Jésus.
Il n’est pas de Dieu parce qu’il ne respecte pas le Sabbat, disent finalement les Pharisiens. Il ne fait pas la volonté de Dieu parce qu’il ne fait pas ce qui est écrit dans la Bible. Les Pharisiens se prononcent sur Jésus sans aucune considération pour le bien, pour la guérison, pour le bonheur. Ils se prononcent comme si Dieu était captif des Saintes Ecritures, comme si Dieu était leur chose à eux. Et Jésus, à la fin, de leur lancer ceci : « Vous dites ‘nous voyons’, et votre péché demeure. » Prétendre faire la volonté de Dieu en s’en tenant aux Saintes Ecritures, et se réclamer d’elles pour condamner un bienfait, l’auteur de ce bienfait, et le bénéficiaire de ce bienfait, c’est pécher. Cela revient à se prosterner devant les Saintes Ecritures plutôt que devant Dieu qui les inspire, et c’est idolâtrer. C’est prétendre que les Saintes Ecritures et la volonté de Dieu sont une seule et même réalité, et c’est blasphémer. Et nous devrions nous souvenir de cela chaque fois qu’un verset biblique sort de notre bouche…
Beaucoup plus modestement, beaucoup plus lucidement, l’ex-aveugle s’en tient à ce bienfait, à cette grâce qui lui a été faite. Celui qui me fait un tel bien ne peut être que de Dieu. Aucun verset biblique ne peut condamner celui qui me fait du bien. Aucun verset biblique ne peut condamner celui qui fait le bien. Et souvenons-nous que c’est en passant que Jésus a guéri cet aveugle, cet homme qui ne lui avait rien demandé, qui ne l’avait pas invoqué, ni connu, ni reconnu préalablement comme Messie, Fils de l’Homme... Alors reconnaissons avec l’ex-aveugle que faire la volonté de Dieu peut bien se faire comme ça, comme un bien, gratuitement, en passant et qu’il n’y a aucun verset biblique qu’on puisse opposer à la grâce d’une bonne action, qui que ce soit qui fasse cette action. Et s’il s’agit à la fin de se prosterner, mieux vaut se prosterner devant qui vous fait du bien que devant un livre, même si ce livre est la Sainte Bible.

Et Jésus, se justifie-t-il ? Aucunement ! L’apparence scandaleuse de ses actes et de ses propos ne l’intéresse pas. Méprisant la condamnation des hommes, il fait le bien qu’il lui est donné de pouvoir faire, au moment où cela se présente. En quoi il fait la volonté de Dieu.
Frères et sœurs, « tant qu’il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui » nous a envoyés. Amen.