1 Corinthiens 15
Je vous rappelle, frères,
l'Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, auquel vous vous tenez,
2 et par lequel vous serez sauvés pourvu que vous gardiez cet Evangile tel que je vous l'ai annoncé et en dehors duquel vous auriez cru hasardeusement (d’une manière fantasque).
3 Je vous ai transmis en premier
lieu ce que j'avais reçu moi-même: Christ est mort pour nos péchés, selon les
Écritures.
4 Il a été enseveli, il est
ressuscité le troisième jour, selon les Écritures.
5 Il est apparu à Céphas, puis aux
Douze.
6 Ensuite, il est apparu à plus de
cinq cents frères à la fois; la plupart sont encore vivants et quelques-uns
sont morts.
7 Ensuite, il est apparu à Jacques,
puis à tous les apôtres.
8 En tout dernier lieu, il m'est
aussi apparu, à moi l'avorton.
9 Car je suis le plus petit des
apôtres, moi qui ne suis pas digne d'être appelé apôtre parce que j'ai violenté l'Église de Dieu.
10 Mais ce que je suis, je le dois
à la grâce de Dieu et sa grâce à mon égard n'a pas été vide. Au contraire, j'ai travaillé plus qu'eux tous: non pas moi,
mais la grâce de Dieu qui est avec moi.
11 Bref, que ce soit moi, que ce
soit eux, ainsi nous prêchons, et ainsi
vous avez cru.
12 Si l'on prêche que Christ est ressuscité des morts, comment certains
d'entre vous démontrent-ils qu'il
n'y a pas de résurrection des morts?
13 S'il n'y a pas de résurrection
des morts, Christ non plus n'est pas ressuscité,
14 et si Christ n'est pas
ressuscité, notre prédication est vide, et vide aussi votre foi.
15 Il se trouve même que nous
sommes des témoins-menteurs au sujet de Dieu, car nous avons témoigné au sujet de Dieu qu’il a
ressuscité le Christ alors qu'il ne l'a pas ressuscité, vu que les morts ne ressuscitent pas.
16 Si les morts ne ressuscitent
pas, Christ non plus n'est pas ressuscité.
17
Et si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est frivole, vous êtes encore dans vos péchés.
Prédication
Pourquoi faut-il que certaines fêtes soient célébrées chaque
année ? Chaque année, il faut repasser par la case Noël, par la case
Rameaux-Pâques, et par la case Pentecôte. Cela fait trois ou quatre fêtes qui
se répètent et qui retracent, chaque année, toute la vie de Jésus.
Pourquoi ? Quatre seulement, mais il pourrait y en avoir beaucoup plus.
Jésus, sa conception, sa circoncision, sa bar-mitzvah, son baptême, sa
transfiguration et son ascension… Le protestantisme réformé français n’est pas
– à cause de son anticatholicisme viscéral – trop riche en fêtes liées à la vie de Jésus. Il y
en a quelques-unes cependant, et la question demeure. Pourquoi répéter ces
fêtes chaque année ? Les fêtes de la Confrérie des Vignerons à Vevey, en
Suisse, ont lieu cinq fois par siècle seulement…
Pourquoi chaque année ? C’est
la répétition que nous questionnons. Nous suggérons maintenant que si cela doit
être fait, si ces fêtes doivent être célébrées au moins une fois par an, c’est
parce qu’il est humainement, spirituellement, nécessaire qu’elles le soient.
Ceci étant posé, et pour tenter d’évaluer
la portée de cette suggestion, nous méditons le texte que nous venons de lire,
en quatre points : 1. Il n’y a pas de preuves de la résurrection ; 2.
On aimerait des preuves de la résurrection ; 3. La résurrection est donnée
pour la foi ; 4. La résurrection est attestée par la vie de celui qui la
prêche.
1.
Il n’y a
pas de preuves de la résurrection
Première observation sur ce texte : il n’y a pas de preuves de la
résurrection. Paul écrit son texte pour rappeler cette vérité essentielle de la
prédication chrétienne : Christ est ressuscité. Et la vérité de cette
vérité c’est que cela advint selon les Ecritures, et que le ressuscité est
apparu à certains, mais qu’il n’y a pas de preuves de la résurrection. Il n’y a
que des textes et récits. Il m’est apparu, disent certains. Il est apparu à des
foules entières, dit-on. Il est ressuscité, affirment les Ecritures. Cela ne
constitue pas des preuves.
S’il y a des preuves, c’est du contraire de la résurrection, des
milliers de preuves. Les morts ne ressuscitent pas, Christ n’est donc pas
ressuscité. Et réciproquement. Ceci, depuis toujours constitue une preuve, une
preuve conforme à l’observation, au bon sens.
Une preuve, cela s’impose à tous, cela vaut par soi-même, cela donne
puissance à celui qui la détient et à qui l’administre. Rien de tel s’agissant
de la résurrection du Christ. Le cœur, l’essentiel, de la prédication chrétienne
est totalement indémontrable. Il ne repose sur aucun fait historique qui ait
été vérifié. Quelqu’un proclame, quelqu’un prêche : « Christ est
ressuscité ! ». Et c’est tout.
Oui, du temps de Paul, il demeure encore quelques témoins vivants
d’apparitions du Christ ressuscité. Mais Paul anticipe admirablement sur le
temps qui est le nôtre, celui où la résurrection du Christ a lieu dans la
Bible, a lieu dans la liturgie, mais là seulement, ceci depuis la disparition
de la toute première génération chrétienne, et maintenant pour toujours.
2.
On
aimerait des preuves de la résurrection
Mais on aimerait qu’il y ait des preuves, parce qu’on rêve de sécurité,
de certitude, de puissance. On aimerait démontrer aux gens, et que soit prouvé
à nous-mêmes, que Jésus et ressuscité. Il serait alors impossible de ne pas
adhérer. Cela nous dispenserait de croire, de choisir et de répondre.
On aimerait qu’il y ait des preuves de la résurrection, devant la mort,
devant notre mort et devant la mort de ceux qui comptent pour nous. On voudrait
être certain que ça n’est pas fini, certain de se revoir. Des preuves de la
résurrection du Christ seraient aussi des preuves de la résurrection des morts.
Ce preuves nous délivreraient d’une de nos plus grandes inquiétudes, celle que
le meilleur de ce que nous avons reçu et donné se perde à jamais. Ces preuves
nous assureraient que les plus belles de nos histoires n’ont jamais de fin.
Ça n’est pas condamnable de vouloir des preuves de la résurrection.
Devant la douleur, devant la souffrance, devant la perte de ceux qu’on aime,
devant la mort massive, vouloir des preuves de la résurrection, c’est juste
humain.
3.
La
résurrection est donnée pour la foi
Nous n’avons pas de preuves ni de démonstration, dit Paul, nous n’avons
que l’Evangile de la résurrection, qui ne peut être que prêché et auquel,
peut-être, quelqu’un croira. La résurrection du Christ n’est pas un événement
historique qui s’impose à tous, mais une prédication donnée pour la foi. Et la
foi seule sauve. Elle sauve précisément du très humain besoin de preuves,
d’assurances, de certitudes ; elle sauve de ces besoins qui paralysent
l’existence, qui tuent la joie de vivre et au titre desquels on impose à autrui
de porter des fardeaux qui ne sont pas les siens.
La résurrection se passe de toute preuve parce que sa signification la
plus profonde c’est que l’essentiel de la vie, la vie dans son essence même,
est toujours donnée par pure grâce, ne peut être reçue que par la foi et peut
triompher du pire.
S’en tenir à la résurrection du Christ, prêchée sans preuve aucune,
c’est donc s’en tenir à la foi, à la foi seule. C’est s’en tenir à la vie, à sa
beauté comme à sa cruauté, à ses vacheries comme à ses promesses. L’affirmation
de Paul selon laquelle « si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication
est vide et vide aussi votre foi » est à cet égard une confession de foi
dans le plus beau sens du terme : un hymne à la vie. Mais Paul est Paul,
il a son style, emporté, radical. Plus modestement que lui, plus timidement que
lui, nous confessons et prêchons que Christ est ressuscité et que notre foi et
notre vie tiennent leur plénitude de cela.
4.
La
résurrection est attestée par la vie de celui qui la prêche
Croire, vivre et prêcher sont, pour Paul, une seule et même réalité. La
résurrection ne peut jamais être prouvée, mais il y a des gens qui vivent en
elle et qui, de fait attestent d’elle.
Dans le texte que nous lisons, l’apôtre Paul propose, sur la base de sa
propre vie, un exemple d’attestation de la résurrection. Paul, certainement
Bible en main, a commencé par violenter l’Eglise de Dieu, c'est-à-dire par
imposer violemment ses convictions et ses preuves, des preuves bibliques, des
preuves traditionnelles. Puis, le ressuscité lui étant apparu, Paul a renoncé à
la violence contraignante de ses preuves pour choisir la faiblesse libératrice
de prédication de la résurrection. Et pour qu’il soit parfaitement clair que
c’est tout à fait sans violence et librement qu’il a prêché, et librement que
d’autres ont cru, il ne voit dans tout cela que l’action de la grâce de Dieu,
don libre et généreux qui n’attend qu’une adhésion libre, totale et joyeuse. Ce
que je suis, dit Paul, dit celui qui prêche la résurrection de Christ, je le
dois à la grâce de Dieu et sa grâce à mon égard n’a pas été vide (…) ;
j’ai travaillé (…) non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi.
Pourquoi donc faut-il célébrer
certaines fêtes chaque année ? La réponse a été déjà donnée, mais
subrepticement. La voici, de nouveau, plus clairement. Il faut célébrer ces
fêtes chaque année tout comme il faut parcourir certains sentiers chaque année,
pour ne pas qu’ils s’effacent, pour qu’ils restent praticables. Le sentier
qu’il faut parcourir à Pâques n’est pas celui qu’il faut parcourir à Pentecôte,
ou aux Rameaux, ou à Noël…
Des sentiers spirituels qu’il faut parcourir, celui de Pâques est le
plus important, et aussi le plus fragile, celui que la nature (humaine) menace
toujours le plus de recouvrir et d’effacer, parce qu’il est dans nature humaine
de construire des preuves, d’exiger d’autrui qu’il nous rassure, de reproduire
toujours les mêmes choses. Il est dans la nature humaine de ne pas vouloir
croire. La foi, c'est-à-dire la confiance, confiance en la vie envers et contre
tout, c’est la disposition la plus fragile qui soit, celle que la vie malmène
le plus.
Alors il faut se
rappeler au moins une fois par an – et peut-être bien plus souvent – une fois
par semaine… que Christ est ressuscité, que cela n’était ni prévu ni
prévisible, ni exigé ni exigible, que cela ne pouvait relever que de la foi, ne
peut relever que de la foi, foi qui déplace les montagnes, foi qui fait ne
craindre ni la mort ni la vie. Christ est ressuscité. Amen