dimanche 20 avril 2014

Sur la résurrection (1 Corinthiens 15,1-17)

1 Corinthiens 15
Je vous rappelle, frères, l'Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, auquel vous vous tenez,
 2 et par lequel vous serez sauvés pourvu que vous gardiez cet Evangile tel que je vous l'ai annoncé et en dehors duquel vous auriez cru hasardeusement (d’une manière fantasque).
 3 Je vous ai transmis en premier lieu ce que j'avais reçu moi-même: Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures.
 4 Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures.
 5 Il est apparu à Céphas, puis aux Douze.
 6 Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois; la plupart sont encore vivants et quelques-uns sont morts.
 7 Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres.
 8 En tout dernier lieu, il m'est aussi apparu, à moi l'avorton.
 9 Car je suis le plus petit des apôtres, moi qui ne suis pas digne d'être appelé apôtre parce que j'ai violenté l'Église de Dieu.
 10 Mais ce que je suis, je le dois à la grâce de Dieu et sa grâce à mon égard n'a pas été vide. Au contraire, j'ai travaillé plus qu'eux tous: non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi.
 11 Bref, que ce soit moi, que ce soit eux, ainsi nous prêchons, et ainsi vous avez cru.
 12 Si l'on prêche que Christ est ressuscité des morts, comment certains d'entre vous démontrent-ils qu'il n'y a pas de résurrection des morts?
 13 S'il n'y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n'est pas ressuscité,
 14 et si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vide, et vide aussi votre foi.
 15 Il se trouve même que nous sommes des témoins-menteurs au sujet de Dieu, car nous avons témoigné au sujet de Dieu qu’il a ressuscité le Christ alors qu'il ne l'a pas ressuscité, vu que les morts ne ressuscitent pas.
 16 Si les morts ne ressuscitent pas, Christ non plus n'est pas ressuscité.
 17 Et si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est frivole, vous êtes encore dans vos péchés.

Prédication
Pourquoi faut-il que certaines fêtes soient célébrées chaque année ? Chaque année, il faut repasser par la case Noël, par la case Rameaux-Pâques, et par la case Pentecôte. Cela fait trois ou quatre fêtes qui se répètent et qui retracent, chaque année, toute la vie de Jésus. Pourquoi ? Quatre seulement, mais il pourrait y en avoir beaucoup plus. Jésus, sa conception, sa circoncision, sa bar-mitzvah, son baptême, sa transfiguration et son ascension… Le protestantisme réformé français n’est pas – à cause de son anticatholicisme viscéral – trop  riche en fêtes liées à la vie de Jésus. Il y en a quelques-unes cependant, et la question demeure. Pourquoi répéter ces fêtes chaque année ? Les fêtes de la Confrérie des Vignerons à Vevey, en Suisse, ont lieu cinq fois par siècle seulement…
            Pourquoi chaque année ? C’est la répétition que nous questionnons. Nous suggérons maintenant que si cela doit être fait, si ces fêtes doivent être célébrées au moins une fois par an, c’est parce qu’il est humainement, spirituellement, nécessaire qu’elles le soient.
            Ceci étant posé, et pour tenter d’évaluer la portée de cette suggestion, nous méditons le texte que nous venons de lire, en quatre points : 1. Il n’y a pas de preuves de la résurrection ; 2. On aimerait des preuves de la résurrection ; 3. La résurrection est donnée pour la foi ; 4. La résurrection est attestée par la vie de celui qui la prêche.

1.      Il n’y a pas de preuves de la résurrection
Première observation sur ce texte : il n’y a pas de preuves de la résurrection. Paul écrit son texte pour rappeler cette vérité essentielle de la prédication chrétienne : Christ est ressuscité. Et la vérité de cette vérité c’est que cela advint selon les Ecritures, et que le ressuscité est apparu à certains, mais qu’il n’y a pas de preuves de la résurrection. Il n’y a que des textes et récits. Il m’est apparu, disent certains. Il est apparu à des foules entières, dit-on. Il est ressuscité, affirment les Ecritures. Cela ne constitue pas des preuves.
S’il y a des preuves, c’est du contraire de la résurrection, des milliers de preuves. Les morts ne ressuscitent pas, Christ n’est donc pas ressuscité. Et réciproquement. Ceci, depuis toujours constitue une preuve, une preuve conforme à l’observation, au bon sens.
Une preuve, cela s’impose à tous, cela vaut par soi-même, cela donne puissance à celui qui la détient et à qui l’administre. Rien de tel s’agissant de la résurrection du Christ. Le cœur, l’essentiel, de la prédication chrétienne est totalement indémontrable. Il ne repose sur aucun fait historique qui ait été vérifié. Quelqu’un proclame, quelqu’un prêche : « Christ est ressuscité ! ». Et c’est tout.
Oui, du temps de Paul, il demeure encore quelques témoins vivants d’apparitions du Christ ressuscité. Mais Paul anticipe admirablement sur le temps qui est le nôtre, celui où la résurrection du Christ a lieu dans la Bible, a lieu dans la liturgie, mais là seulement, ceci depuis la disparition de la toute première génération chrétienne, et maintenant pour toujours.
2.      On aimerait des preuves de la résurrection
Mais on aimerait qu’il y ait des preuves, parce qu’on rêve de sécurité, de certitude, de puissance. On aimerait démontrer aux gens, et que soit prouvé à nous-mêmes, que Jésus et ressuscité. Il serait alors impossible de ne pas adhérer. Cela nous dispenserait de croire, de choisir et de répondre.
On aimerait qu’il y ait des preuves de la résurrection, devant la mort, devant notre mort et devant la mort de ceux qui comptent pour nous. On voudrait être certain que ça n’est pas fini, certain de se revoir. Des preuves de la résurrection du Christ seraient aussi des preuves de la résurrection des morts. Ce preuves nous délivreraient d’une de nos plus grandes inquiétudes, celle que le meilleur de ce que nous avons reçu et donné se perde à jamais. Ces preuves nous assureraient que les plus belles de nos histoires n’ont jamais de fin.
Ça n’est pas condamnable de vouloir des preuves de la résurrection. Devant la douleur, devant la souffrance, devant la perte de ceux qu’on aime, devant la mort massive, vouloir des preuves de la résurrection, c’est juste humain.
3.      La résurrection est donnée pour la foi
Nous n’avons pas de preuves ni de démonstration, dit Paul, nous n’avons que l’Evangile de la résurrection, qui ne peut être que prêché et auquel, peut-être, quelqu’un croira. La résurrection du Christ n’est pas un événement historique qui s’impose à tous, mais une prédication donnée pour la foi. Et la foi seule sauve. Elle sauve précisément du très humain besoin de preuves, d’assurances, de certitudes ; elle sauve de ces besoins qui paralysent l’existence, qui tuent la joie de vivre et au titre desquels on impose à autrui de porter des fardeaux qui ne sont pas les siens.
La résurrection se passe de toute preuve parce que sa signification la plus profonde c’est que l’essentiel de la vie, la vie dans son essence même, est toujours donnée par pure grâce, ne peut être reçue que par la foi et peut triompher du pire.
S’en tenir à la résurrection du Christ, prêchée sans preuve aucune, c’est donc s’en tenir à la foi, à la foi seule. C’est s’en tenir à la vie, à sa beauté comme à sa cruauté, à ses vacheries comme à ses promesses. L’affirmation de Paul selon laquelle « si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi votre foi » est à cet égard une confession de foi dans le plus beau sens du terme : un hymne à la vie. Mais Paul est Paul, il a son style, emporté, radical. Plus modestement que lui, plus timidement que lui, nous confessons et prêchons que Christ est ressuscité et que notre foi et notre vie tiennent leur plénitude de cela.   
4.      La résurrection est attestée par la vie de celui qui la prêche
Croire, vivre et prêcher sont, pour Paul, une seule et même réalité. La résurrection ne peut jamais être prouvée, mais il y a des gens qui vivent en elle et qui, de fait attestent d’elle.
Dans le texte que nous lisons, l’apôtre Paul propose, sur la base de sa propre vie, un exemple d’attestation de la résurrection. Paul, certainement Bible en main, a commencé par violenter l’Eglise de Dieu, c'est-à-dire par imposer violemment ses convictions et ses preuves, des preuves bibliques, des preuves traditionnelles. Puis, le ressuscité lui étant apparu, Paul a renoncé à la violence contraignante de ses preuves pour choisir la faiblesse libératrice de prédication de la résurrection. Et pour qu’il soit parfaitement clair que c’est tout à fait sans violence et librement qu’il a prêché, et librement que d’autres ont cru, il ne voit dans tout cela que l’action de la grâce de Dieu, don libre et généreux qui n’attend qu’une adhésion libre, totale et joyeuse. Ce que je suis, dit Paul, dit celui qui prêche la résurrection de Christ, je le dois à la grâce de Dieu et sa grâce à mon égard n’a pas été vide (…) ; j’ai travaillé (…) non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi.

            Pourquoi donc faut-il célébrer certaines fêtes chaque année ? La réponse a été déjà donnée, mais subrepticement. La voici, de nouveau, plus clairement. Il faut célébrer ces fêtes chaque année tout comme il faut parcourir certains sentiers chaque année, pour ne pas qu’ils s’effacent, pour qu’ils restent praticables. Le sentier qu’il faut parcourir à Pâques n’est pas celui qu’il faut parcourir à Pentecôte, ou aux Rameaux, ou à Noël…
Des sentiers spirituels qu’il faut parcourir, celui de Pâques est le plus important, et aussi le plus fragile, celui que la nature (humaine) menace toujours le plus de recouvrir et d’effacer, parce qu’il est dans nature humaine de construire des preuves, d’exiger d’autrui qu’il nous rassure, de reproduire toujours les mêmes choses. Il est dans la nature humaine de ne pas vouloir croire. La foi, c'est-à-dire la confiance, confiance en la vie envers et contre tout, c’est la disposition la plus fragile qui soit, celle que la vie malmène le plus.
            Alors il faut se rappeler au moins une fois par an – et peut-être bien plus souvent – une fois par semaine… que Christ est ressuscité, que cela n’était ni prévu ni prévisible, ni exigé ni exigible, que cela ne pouvait relever que de la foi, ne peut relever que de la foi, foi qui déplace les montagnes, foi qui fait ne craindre ni la mort ni la vie. Christ est ressuscité. Amen