dimanche 27 novembre 2016

Se préparer à l'impensable... (Matthieu 24,32-44)

Matthieu 24
32 Comprenez cette comparaison empruntée au figuier: dès que ses rameaux deviennent tendres et que poussent ses feuilles, vous reconnaissez que l'été est proche.
33 De même, vous aussi, quand vous verrez tout cela, sachez que le Fils de l'homme est proche, qu'il est à vos portes.
34 En vérité, je vous le déclare, cette génération ne passera pas que tout cela n'arrive.
35 Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
36 «Mais ce jour et cette heure, nul ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, personne sinon le Père, et lui seul.
37 Tels furent les jours de Noé, tel sera l'avènement du Fils de l'homme;
38 car de même qu'en ces jours d'avant le déluge, on mangeait et on buvait, l'on se mariait ou l'on donnait en mariage, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche,
39 et on ne se doutait de rien jusqu'à ce que vînt le déluge, qui les emporta tous. Tel sera aussi l'avènement du Fils de l'homme.
40 Alors deux hommes seront aux champs: l'un est pris, l'autre laissé;
41 deux femmes en train de moudre à la meule: l'une est prise, l'autre laissée.
42 Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur va venir.
43 Vous le savez: si le maître de maison connaissait l'heure de la nuit à laquelle le voleur va venir, il veillerait et ne laisserait pas percer le mur de sa maison.
44 Voilà pourquoi, vous aussi, tenez-vous prêts, car c'est à l'heure que vous ignorez que le Fils de l'homme va venir.
No comment...
Luc 23
32 On en conduisait aussi d'autres, deux malfaiteurs, pour les exécuter avec lui.
33 Arrivés au lieu dit «le Crâne», ils l'y crucifièrent ainsi que les deux malfaiteurs, l'un à droite, et l'autre à gauche.
(...)
39 L'un des malfaiteurs crucifiés l'insultait: «N'es-tu pas le Messie? Sauve-toi toi-même et nous aussi!»
40 Mais l'autre le reprit en disant: «Tu n'as même pas la crainte de Dieu, toi qui subis la même peine!
41 Pour nous, c'est juste: nous recevons ce que nos actes ont mérité; mais lui n'a rien fait de mal.»
42 Et il disait: «Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras comme roi.»

Prédication : 
            Voici ce que nous avons dit, la semaine dernière, et méditant sur la royauté du Christ et sur sa crucifixion : « Jusqu’à la fin des temps, il y a deux malfaiteurs qui sont crucifiés à ses côtés, comme si l’humanité entière se partageait en deux parties ; d’un côté, ceux qui, refusant de répondre de leurs actes et de l’état du monde, se montrent exigeants à l’égard de Dieu : « Si Dieu existait, etc. » ; et de l’autre côté ceux qui, acceptant de répondre de leurs actes et de l’état du monde, comptent sur son aide et sur sa miséricorde.

            Mais après ce rappel, voici une question : pourquoi, c'est-à-dire pour quelle raison, Jésus fut-il crucifié ? Prenons-le tout simplement, le plus simplement possible, et énonçons que Jésus fut crucifié parce que ses actes ont été jugés dangereux pour un certain ordre du monde. Cette réponse n’épuise évidemment pas la question posée, mais nous allons nous en tenir très simplement à cette réponse. Il y a un lien de cause à effet entre le choix de vie de Jésus et sa mort. Nous nous posons maintenant exactement la même question, mais en pensant aux deux malfaiteurs : pour quelle raison furent-ils crucifiés ? Et le plus simplement possible, nous pouvons dire qu’ils furent crucifiés parce que leurs actes ont été jugés dangereux pour un certain ordre du monde. Et cette réponse est la même que celle que nous avons donnée s’agissant de Jésus. Et donc il y a, pour ces trois hommes, des liens tout à faits clairs entre ce qu’a été leur vie et ce que le sort leur réserve. Mais ce n’est pas toujours le cas. Parfois, quelque chose arrive, de terrible, sans cause aucune, sans aucune raison ! Et c’est cela qui est aujourd’hui l’objet de notre méditation.

Premier dimanche de L’Avent, l’Avent précède Noël, c’est un temps pour attendre la venue du Seigneur, et le Seigneur vient à Noël. Mais le Seigneur ne vient pas à Noël seulement, nous dit le texte de Matthieu… il vient aussi – en tant que Fils de l’homme – à la fin des temps. Mais la fin des temps, quand cela sera-ce ?
           
Certaines personnes, lecteurs de la Bible, lecteurs de l’évangile de Matthieu, pourraient prétendre détenir la réponse, puisqu’ils connaissent les signes de l’imminence de la fin des temps. Soit, mais ces signes se sont multipliés, toujours identiques à eux-mêmes, depuis plusieurs millénaires et, depuis plusieurs millénaires, on peut prédire l’imminence de la fin des temps. Et voici, toute prédication sur l’imminence de la fin des temps vient buter – vient se briser – sur un seul verset : « ce jour et cette heure, nul ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils… ». Et comme un seul verset souvent ne suffit pas, il est aussi écrit : « vous ne pouvez pas penser l’heure à laquelle le Fils de l’homme doit venir. » Ainsi, l’heure du Fils de l’homme, c'est-à-dire la fin des temps, ne relève pas de ce que nous pouvons penser. Elle est impensable. Impensable était aussi la venue du déluge dans le récit de la Bible.
Voyez-vous, les lecteurs de la Bible sont souvent très malins, trop malins : ils savent la fin de l’histoire même avant d’en lire le début. Dans le texte de ce jour, Matthieu lui-même, qui donne la parole à Jésus – donc Jésus lui-même – fait remarquer, sans raillerie aucune, qu’avant le déluge, les gens vivaient comme on doit vivre : manger, boire, nouer des alliances matrimoniales et préparer la venue de la génération suivante… La venue du déluge était impensable pour ces gens-là. Et nous ne faisons rien d’autre qu’eux. Nous ne sommes pas plus malins qu’eux : nous ne savons rien de l’impensable et nous n’avons aucun savoir de ce que nous n’imaginons même pas.
            Ainsi, nous n’avons aucun savoir, ni du moment, ni de la manière, ni de l’issue de la fin des temps. Ainsi, dit encore Jésus, il n’y a aucun savoir du sort respectifs de deux hommes apparemment semblables, occupés dans les champs à ce que les hommes doivent faire, et aucun savoir du sort de deux femmes apparemment semblables occupées à faire ce que les femmes doivent faire pendant que les hommes sont aux champs. On n’a rien à leur reprocher, mais les uns seront pris et les autres laissés. La fin des temps est ainsi faite… Il n’y a donc connaissance ni du moment, ni de la manière, ni de l’issue, et pourtant, Jésus commande – il nous est commandé – de veiller, et de d’être prêts. Veiller à quoi ? Etre prêts à quoi ? 

Nous n’allons pas en rester tout simplement à cette fin des temps dont on parle tout le temps et qui n’arrive jamais. La fin des temps n’est pas toujours une catastrophe cosmique naturelle ou surnaturelle, mais ce peut être une catastrophe advenant dans la vie d’un être humain, un événement inimaginable et aucunement anticipé. Cela arrive, et on n’y était absolument pas préparé, parce qu’on n’avait jamais imaginé que cela pourrait arriver. Ce genre d’événement agit comme un juge, voire comme une condamnation, parce que rien de ce sur quoi l’on comptait ne peut permettre d’y faire face. Ça peut être cela, la fin des temps.
Faut-il prendre un exemple ? Certains d’entre nous ont vécu déjà cette forme de fin des temps… Les disciples de Jésus l’ont vécue aussi, le jour où leur maître a été mis à mort d’une manière particulièrement infamante. Ils ne l’avaient aucunement imaginé.

Voici donc des questions simples, et très redoutables : peut-on être prêt à ce qu’on n’imagine pas ? Peut-on être prêt à ce dont on ne peut avoir aucune connaissance ?

Veillez, nous ordonne notre Seigneur dans ce texte ! Et soyez prêts à ce qu’advienne quelque chose à quoi vous ne pouvez aucunement vous préparer, puisque vous ne pouvez en avoir aucune connaissance ! Ce sont des injonctions impossibles. Elles font peur ; ou, au moins, elles suscitent une sorte d’inquiétude. Et nous pouvons réellement nous demander comment obéir. Et bien l’obéissance peut ici prendre trois formes : étudier, prier, faire mémoire.
Etudier est l’une des formes de l’obéissance. Etudier les grands textes bibliques, étudier les grands commentaires de ces textes, c’est veiller, et se préparer. Ceux qui nous ont précédés ont traversé leur propre fin des temps et ils ont laissé parfois de précieuses traces de leur passage.
Prier – notamment sous la forme liturgique et communautaire de la prière – est une seconde forme de l’obéissance. Cela permet une expression de la détresse, et une expression de la confiance. Et plus encore, puisque nous sommes des êtres de langage, mettre certains mots dans notre bouche permet aussi de faire entrer dans nos cœurs ce que ces mots signifient.
Faire mémoire de nos prédécesseurs, de leur vie et de leur engagement, est une troisième forme de l’obéissance. Nous ne sommes pas les premiers à qui le Seigneur s’adresse, et nous ne sommes pas non plus les premiers à vouloir lui obéir et à lui avoir obéi.

Veillez et soyez prêts à l’impensable, commande donc le Seigneur ; étudier, prier et faire mémoire, ce sont trois aspects de l’obéissance à ce commandement.

Mais il reste une question à poser : si nous obéissons de cette manière – étudier, prier, faire mémoire – sommes-nous prêts à l’impensable ?
Nous ne pouvons pas l’affirmer. Mais nous pouvons dire – très modestement – que nous y sommes un peu préparés, que notre confiance en Dieu et en la vie est un peu confortée, que ce n’est pas d’illusions que notre foi est faite, mais de vérité.


Parmi les expressions de cette vérité, il y a que le notre Seigneur est venu, est présent, et qu’il viendra. A Lui soit la gloire. Amen.