Quand je parle de Dieu…
Je parle de quoi ?
Suis-je bien certain que c’est de
Dieu que je parle, que ce sur quoi porte mon propos est bien Dieu ?
Je n’ose pas le dire. Car je ne
suis personne pour savoir que ce que je dis de Dieu porte bien sur Dieu. Dieu
seul sait si je parle de Dieu. Moi, je ne suis qu’un être humain.
Psaume 51
1 Du chef de choeur.
Psaume de David.
2 Quand le prophète Natan alla chez lui, après que David
fut allé chez Bethsabée.
3 Aie pitié de moi, mon Dieu, selon ta fidélité; selon ta
grande miséricorde, efface mes torts.
Là, je parle de moi-même. Je suis
cet homme-là. Si je parle de Dieu, je parle d’abord de cette position : je
suis cet homme-là qui, dans la position qui est la sienne, à vrai dire peu
reluisante, voudrait bien parler de Dieu.
Mais avant de parler de Dieu, il
essaie de parler à Dieu.
4 Lave-moi sans cesse de ma faute et purifie-moi de mon
péché.
5 Car je reconnais mes torts, j'ai toujours mon péché
devant moi.
6 Contre toi, et toi seul, j'ai péché, ce qui est mal à
tes yeux, je l'ai fait, ainsi tu seras juste quand tu parleras, irréprochable
quand tu jugeras.
7 Voici, dans la faute j'ai été enfanté et, dans le péché,
conçu des ardeurs de ma mère.
Avant d’envisager de parler de
Dieu, il s’agit de parler à Dieu. Pour lui dire… pour lui dire la vérité, pour
s’entendre, soi, lui dire la vérité.
Voici ce que je suis, moi,
moi-même. Rien à dire sur qui que ce soit d’autre. Peut-être même que celui qui
parle d’un autre que lui-même ne parle pas de Dieu, ne parle ni ne parlera
jamais de Dieu.
Autrement dit, qui n’énonce pas
d’abord devant Dieu la vérité de ce qu’il est, une vérité qui peut être d’une
laideur extrême, lui, lui qui parle, ne parlera jamais de Dieu. Il parlera,
sans doute, mais pas de Dieu.
Parlerai-je jamais de Dieu ?
8 Voici, tu aimes la vérité
dans les ténèbres,
dans ma nuit,
tu me fais connaître la sagesse.
Avant de parler de Dieu, et ayant commencé à parler à
Dieu, ayant commencé avec la vérité, j’ai à demander à Dieu un constant
renouvellement de moi-même. C’est que ce que j’ai dit de Dieu une première fois
doit toujours être repris, évalué, médité, car Dieu est vivant et c’est à des
vivants aussi que j’aimerais parler de Dieu.
Si je considère que la parole de Dieu est la même
aujourd’hui, hier et demain, c’est pécher, gravement, contre Dieu. Cette parole
s’adresse aujourd’hui, à moi. Demain est un autre jour. Demain, elle s’adressera
aussi à quelqu’un d’autre. Il faut me refuser à l’entendre identiquement à
elle-même deux journées de suite, autant que me refuser à l’entendre différente
d’elle-même deux journées de suite.
Puis-je donc prétendre parler de Dieu sans pécher gravement ? Le
pécheur que je suis peut-il parler de Dieu ?
9 Ôte mon péché avec l'hysope, et je serai pur ;
lave-moi, et je serai plus blanc que la neige.
Aussi bien me faut-il
demander à Dieu d’effacer en moi sa parole, pour qu’il puisse me la redire, me
la faire entendre, de nouveau. Peut-être alors ainsi parlerai-je de lui.
10 Fais que j'entende l'allégresse et la joie, et qu'ils
dansent, les os que tu as broyés.
Aussi, quand je parle de
Dieu – s’il m’arrive d’en parler – et plaise à Dieu que j’en parle – c’est une
parole neuve, nouvelle, réjouissante, à chaque fois, et je suis le premier à
l’entendre.
Les os broyés qui dansent sont des os broyés, mais
ils dansent lorsqu’ils entendent l’allégresse et la joie, ils dansent s’ils
entendent parler de Dieu.
11 Devant mes péchés, détourne-toi, toutes mes fautes,
efface-les.
12 Crée pour moi un cœur pur, Dieu ; enracine en moi
un esprit tout neuf.
Et c’est chaque jour que
mon cœur peut – et doit – être purifié. Et c’est chaque jour que mon esprit
peut – et doit – être renouvelé.
En même temps, je ne peux
pas, je ne dois pas, perdre la mémoire, et surtout pas la mémoire de ce que je
suis.
Mais pour l’instant, il est trop tôt encore pour savoir
si je parle de Dieu. Je parle seulement à Dieu. Dieu m’entend-il ? Me
répondra-t-il jamais ? Je parle tout de même, et cela me soutient.
13 Ne me rejette pas loin de toi, ne me reprends pas ton
esprit saint ;
14 rends-moi la joie d'être sauvé, et que l'esprit généreux
me soutienne !
Qu’il me suffise, pour
l’heure de demeurer en vie. Vu qui je suis devant la majesté de Dieu, devant la
justice de Dieu, devant la Sainteté de Dieu et devant la Loi de Dieu, que je
sois encore en vie relève du miracle. Je n’ai d’ailleurs rien pour ma propre
défense, et donc rien à enseigner à personne.
15 J'enseignerai ton chemin aux coupables, et les pécheurs
reviendront vers toi.
Rien à enseigner à
personne, si ce n’est faire connaître la justice de Dieu, le jugement de Dieu,
et la miséricorde de Dieu.
16 Mon Dieu, Dieu sauveur, libère-moi du sang; que ma
langue crie ta justice !
Rien d’autre !
17 Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche proclamera ta
louange.
18 Tu n'aimerais pas que j'offre un sacrifice, tu
n'accepterais pas d'holocauste.
Mille artifices, mille
ruses, mille et une pirouettes, des rituels, des fards et des costumes, tout
cela pour éviter de faire face à l’impitoyable miroir de la vérité, pour éviter
d’entendre le non que Dieu adresse à toutes nos prétentions.
Je regarde cet être
humain, il porte mon nom, c’est moi. J’hésite, entre l’horreur, et la pitié. Et
puis… je n’hésite plus. Je me suis suffisamment déguisé. Il suffit. Voici qui
je suis. Vanité de mes paroles, de mes discours, de mes ambitions. JE me
détourne de ma faute. Et de mon repentir. Je me détourne même des larmes de mon
repentir.
Qu’Il fasse de moi ce que
bon Lui semble.
19 Le sacrifice voulu par Dieu, c'est un esprit brisé;
Dieu, tu ne rejettes pas un cœur brisé et broyé.
20 Fais du bien à Sion, rebâtis les murs de Jérusalem.
21 Alors tu aimeras les sacrifices prescrits, offrande
totale et holocauste ; alors on offrira des taureaux sur ton autel.
Plaise à Dieu que je parle de
Dieu.
Plaise à Dieu que quelqu’un
entende parler de Dieu.