Luc 4
Jésus, rempli d'Esprit
Saint, revint du Jourdain et il était dans le désert, conduit par l'Esprit,
2 pendant quarante jours, et il était tenté par le
diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et lorsque ce temps fut écoulé,
il eut faim.
3 Alors le diable lui dit: «Si tu es Fils de Dieu,
ordonne à cette pierre de devenir du pain.»
4 Jésus lui répondit: «Il est écrit: Ce n'est pas
seulement de pain que l'homme vivra.»
5 Le diable le conduisit plus haut, lui fit voir en
un instant tous les royaumes de la terre
6 et lui dit: «Je te donnerai tout ce pouvoir avec
la gloire de ces royaumes, parce que c'est à moi qu'il a été remis et que je le
donne à qui je veux.
7 Toi donc, si tu m'adores, tu l'auras tout
entier.»
8 Jésus lui répondit: «Il est écrit: Tu adoreras le
Seigneur ton Dieu, et c'est à lui seul que tu rendras un culte.»
9 Le diable le conduisit alors à Jérusalem; il le
plaça sur le faîte du temple et lui dit: «Si tu es Fils de Dieu, jette-toi
d'ici en bas;
10 car il est écrit: Il donnera pour toi ordre à ses
anges de te garder,
11 et encore: ils te porteront sur leurs mains pour
t'éviter de heurter du pied quelque pierre.»
12 Jésus lui répondit: «Il est dit: Tu ne mettras
pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu.»
13 Ayant alors épuisé toute tentation possible, le
diable s'écarta de lui jusqu'au meilleur moment.
Prédication :
Les trois semaines que nous venons de vivre ont été pour nous l’occasion de méditer sur ces fragments hebdomadaires qui, tous ensemble, forment un tout assez cohérent, mais que, pour diverses raisons, pas toutes vraiment claires, sont lus, comme on l’a dit, par morceaux. Et il appartient au prédicateur de les lire ainsi, ou tous ensemble. Ce que nous avons essayé ici même il y a huit jours.
Bien sûr, chaque fragment présente
un intérêt qui lui est propre, et propose un ou plusieurs messages
particuliers. Plusieurs fragments envisagés comme un ensemble proposent un
autre message, différent des autres. Croire,
c’est espérer, aimer et agir, peut être l’un de ceux de ces versets qu’on
appelle Le sermon sur la plaine… mais ce message laisse plein de matériaux
derrière lui, disponibles pour une prochaine lecture, ou une prochaine étude
biblique, un prochain partage amical, une méditation personnelle, etc.
Nous pourrions élargir cette petite
réflexion à l’ensemble de l’évangile de Luc, à Luc plus Actes des Apôtres –
c’est le même auteur – et proposer que le message soit L’Évangile est proposé à chacun mais n’est la propriété de personne.
Si l’on élargit encore et encore cette
affaire, nous pouvons arriver aux extrémités de la Bible, Genèse 1,1 –
Apocalypse 22,21, et à une question toute simple en apparence : quel est
le message de toute la Bible ? Peut-on répondre à cette question ? Il
y a quelques dizaines d’années, au sortir de la faculté de théologie, j’aurais
répondu non, avec pour argument que lorsque des textes sont si vieux, trois
millénaires pour les plus anciens, deux millénaires seulement pour les plus
jeunes, il n’y a pas vraiment de raison pour que leurs messages propres soient
semblables, ni d’ailleurs ressemblants. Chaque texte donc requiert une herméneutique
qui lui est propre, et propose un message qui lui est propre. Mon jugement sur
cette question a entièrement changé. Je crois que nous pouvons, je crois même
que nous devons – je dois, ou encore
chacun doit – accomplir un effort de lecture et de réflexion sur ‘toute la
Bible’ ou au moins sur tout ce qu’il en a lu, avec pour guide cette
question : quel est le message de tout la Bible ? Je peux vous donner
ma réponse du moment, en deux morceaux : Dieu n’en a jamais fini de se faire homme et l’homme n’en a jamais fini
de se faire Dieu.
Ce genre de proposition commence en
général par une affection particulière pour quelques versets, un moment
d’étude, puis, par extension, par la lecture d’autres textes… Par une sorte de
chance, les premiers versets de mon enquête personnelle sont proposés à notre
méditation de ce dimanche : récit de trois tentations selon Luc, à partir
duquel nous allons essayer de proposer trois commandements essentiels.
3 Alors le diable lui
dit: «Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain.» 4
Jésus lui répondit: «Il est écrit: Ce n'est pas seulement de pain que l'homme
vivra.»
Nous ne devons pas hésiter
un seul instant sur le pouvoir que Jésus a de transformer des pierres en pains,
s’il le veut. Mais que signifierait cette transformation ? Le pain, hier
comme aujourd’hui, ça se trouve chez les boulangers, et on se le procure dans
le cadre d’un échange avec de vraies personnes, qui accomplissent un travail
par lequel elles nourrissent leurs clients. Et Jésus ferait l’impasse là-dessus
en transformant les pierres en pain ? Jésus disposerait ainsi des choses
pour se dispenser des humains. Il est fils de Dieu, les choses lui obéissent
obligatoirement s’il commande.
Or il refuse de commander
aux choses. D’où un premier commandement : Tu ne feras pas des choses tes obligées.
5 Le diable le conduisit
plus haut, lui fit voir en un instant tous les royaumes de la terre 6
et lui dit: «Je te donnerai tout ce pouvoir avec la gloire de ces royaumes,
parce que c'est à moi qu'il a été remis et que je le donne à qui je veux. 7
Toi donc, si tu m'adores, tu l'auras tout entier.» 8 Jésus lui
répondit: «Il est écrit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et c'est à lui seul
que tu rendras un culte.»
Dans une bande dessinée
que je relis souvent, il apparait une sorte de gens qu’on appelle les cécomça. Ce sont des gens qui ont « toujours
un maître à qui obéir et un esclave auquel commander ». Et dans Luc, c’est
exactement comme ça que, selon le diable, le pouvoir s’obtient et s’exerce. Ça
n’a peut-être pas changé depuis Luc. Le pouvoir, c’est pouvoir commander, et
les gens obéissent. Et c’est là la deuxième tentation, de faire des gens vos
obligés.
Jésus refuse, d’où un
deuxième commandement : Tu ne feras
pas des gens tes obligés.
9 Le diable le conduisit
alors à Jérusalem; il le plaça sur le faîte du temple et lui dit: «Si tu es
Fils de Dieu, jette-toi d'ici en bas; 10 car il est écrit: Il
donnera pour toi ordre à ses anges de te garder, 11 et encore: ils
te porteront sur leurs mains pour t'éviter de heurter du pied quelque pierre.» 12
Jésus lui répondit: «Il est dit: Tu ne mettras pas à l’épreuve (tenteras) le Seigneur ton Dieu.»
Ici, tenter Dieu c’est
agir comme si Dieu était l’obligé des Écritures Saintes. C’est agir et parler
comme si Dieu était contraint de se conformer à ce qui est écrit, comme s’il était
pris au piège des textes qui parlent de Lui. Eh bien chaque fois que quelqu’un
défend un point de vue en s’autorisant d’un texte biblique bien choisi, il
tente Dieu, il attente à la liberté de Dieu, il le nie en tant que Dieu.
D’où ce troisième
commandement : Tu ne feras pas de
Dieu ton obligé.
Et Luc ajoute : « 13 Ayant alors épuisé
toute tentation possible, le diable s'écarta de lui jusqu'au meilleur moment. »
Il nous faut bien repérer que dans ces trois tentations, toutes les tentations
possibles sont passées en revue, chacune combinaison des trois tentations
uniques et primitives. Et peut-être bien qu’à ces trois tentations primitives
nous pouvons associer trois commandements primitifs qui pourraient être
ensemble le message de toute la Bible. Et pourquoi pas ?
Tu ne feras pas des choses
tes obligées.
Tu ne feras pas des gens
tes obligés.
Tu ne feras de Dieu ton
obligé.
Amen